Comme l’indique son sous-titre, La bataille de la mémoire est un essai sur l’invasion de la Nouvelle-France en 1759. L’ouvrage remet en question un certain nombre d’idées largement répandues chez les historiens. D’abord, la Conquête n’avait rien d’inéluctable, affirme René Boulanger. Si la French and Indian War, comme l’ont appelée les Anglo-Américains, s’est terminée par la défaite de la Nouvelle-France, c’est à la suite d’une série de circonstances bien précises. La première de ces circonstances, qui a entraîné les autres, a été la crise du commandement qui sévissait alors à la tête des troupes chargées de défendre la colonie.
En principe, le poste de gouverneur général donnait pleine autorité sur le système militaire de la Nouvelle-France. Mais, Vaudreuil, le premier et seul gouverneur d’origine canadienne-française, est devenu tributaire du général Montcalm quant aux questions militaires, à la suite des intrigues de celui-ci et de ses amis. Pourtant, Vaudreuil était un meilleur diplomate et avait une meilleure vision de la géopolitique du sous-continent. Il comprenait notamment la nécessité de préserver et même d’étendre l’alliance franco-indienne. Le refus de Montcalm de lui obéir l’a empêché de rallier l’Iroquoisie à l’alliance, ce qui aurait pu faire une grande différence.
Jusqu’à la fin, Montcalm a rejeté les ordres du gouverneur, refusant d’attendre les renforts avant de livrer bataille sur les plaines d’Abraham, avec le résultat que l’on sait. Même après la mort du général, les officiers qui avaient survécu à la bataille ont refusé d’obéir à Vaudreuil, qui savait l’armée anglaise vulnérable et qui voulait l’affronter à nouveau. Démoralisés, ils ont préféré capituler.
C’est une version nouvelle et très différente de la Conquête que René Boulanger raconte. Il explique avec précision quelles étaient les forces en présence et quelles ont été les erreurs de stratégie. Il lui a certainement fallu de longues recherches afin de réunir la matière de son essai. Le résultat est captivant et se lit comme un roman. Pourtant, il s’agit bien d’événements capitaux de notre histoire