Figure mythique du blues issue du delta du Mississippi, Robert Johnson aurait conclu un pacte avec le diable : en échange d’un don musical inégalé, il lui cédait son âme pour l’éternité. Et la légende est née.Robert Leroy Johnson n’enregistra que vingt-neuf chansons. Sa carrière fut aussi brève que fulgurante : né possiblement en 1911, sans certitude selon les sources, il trouva la mort en 1938 dans des circonstances nébuleuses après avoir donné un concert à Greenwood, en Caroline du Sud. Le récit auréolant son parcours veut également qu’il ait eu une femme dans chaque patelin où il trouvait à jouer en échange de quelques dollars, ce qui explique qu’il ne se serait pas fait que des admirateurs. Mais ces derniers, nombreux, parmi lesquels il faut compter Eric Clapton, Bob Dylan, Jimi Hendrix, Jimmy Page, lui ont toutefois assuré une renommée que lui envie assurément le diable lui-même.La ballade de Robert Johnson de Jonathan Gaudet, écrivain et musicien à ses heures, rend en quelque sorte hommage au blues et au musicien dont ce dernier est l’un des instigateurs. Le roman prend appui, pour tous les chapitres, sur le titre de chacune des vingt-neuf chansons enregistrées par Robert Johnson. Le récit entremêle les anecdotes laissées dans le sillage des pérégrinations de l’artiste et dresse un portrait de la naissance du blues et des musiciens qui emprunteront les mêmes sillons, espérant tout autant que Johnson laisser leurs traces dans l’exploration de ce courant musical indissociable de la vie miséreuse des gens travaillant dans les plantations de coton. Le roman, comme la trame des chansons, s’attarde à rappeler les conditions de vie extrêmement difficiles qui avaient alors cours dans les États du sud des États-Unis, la ségrégation raciale qui y sévissait, les doctrines raciales qui s’affichaient au grand jour, l’influence du Ku Klux Klan, et les tensions qui en résultaient.Le roman s’ouvre au moment où John Hammond, célèbre producteur de l’époque, rêve de réunir sur une même scène, au Carnegie Hall de New York, les grands noms de la musique américaine du moment en hommage à Bessie Smith, surnommée l’Impératrice du blues, décédée à la suite d’un accident d’automobile. Hammond engage Robert Johnson, alors méconnu, avec l’intention de lancer sa carrière, mais ce dernier meurt avant de pouvoir y jouer, ajoutant ainsi à l’aura mythique qui colle au personnage. Fiction et réalité s’entremêlent ici joyeusement. Tour à tour, les chapitres évoquent la vie de misère de la mère de Johnson, son enfance dans des exploitations agricoles aux conditions de vie implacables, son mariage avec Virginia Travis, morte en couches l’année suivant leur union, ses débuts de musicien dans les juke joints, salles improvisées où coulaient à flots le whiskey et les notes bleues, ses virées avec d’autres musiciens. Jonathan Gaudet a certes un talent de conteur, mais la formule ici utilisée finit par produire un effet de répétition. Pour qui aime le blues, l’inventaire des pièces et des compositeurs que l’on croise en ces pages vaut toutefois le détour à lui seul. Et l’on comprend Gaudet d’avoir également succombé au charme de Johnson.
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