Jeanne Barret, le personnage éponyme du roman historique de Monique Pariseau, est cette jeune femme de 27 ans dont l’originalité fut d’avoir été, comme le dit le sous-titre, la « première femme ayant accompli, au XVIIIe siècle, le tour du monde déguisée en homme ». Malgré une ordonnance interdisant la présence d’éléments féminins sur les vaisseaux du roi, elle réussit à convaincre son maître Philibert Commerson, botaniste et chirurgien, de l’accompagner comme valet et assistant sur la flûte L’Étoile. Sous le nom de Jean Barré, elle fait donc partie de l’expédition de 1766-1769 du comte Louis-Antoine de Bougainville. Des rumeurs circulent bientôt sur la nature des relations entre le maître et son serviteur et sur la véritable identité sexuelle du jeune matelot imberbe. Mais Jean Barré s’avère un auxiliaire hors pair et un membre d’équipage énergique et courageux au cours d’un voyage ponctué de tempêtes, de vents contraires, d’avaries multiples au bateau, d’herborisations nombreuses, de rencontres avec des peuplades tantôt accueillantes, tantôt hostiles… La supercherie est finalement découverte dans l’île de Tahiti, en avril 1768. Après réflexion, le comte décide de ne pas châtier le coupable et de lui permettre de poursuivre le périple « selon [s]a véritable nature ».
Pour la partie historique de cette première expédition française autour du globe, Monique Pariseau prend appui sur la relation de voyage de Bougainville et sur des études concernant la navigation et les explorations maritimes du passé, comme l’indique une bibliographie de quinze titres. L’auteure inclut également divers documents : une carte géographique, des illustrations d’époque, le texte de l’ordonnance royale de 1689… Comme œuvre littéraire, cependant, le roman n’emporte pas toujours, beaucoup s’en faut, l’adhésion du lecteur en raison, surtout, de fréquentes longueurs. Qu’il s’agisse de décrire un orage, une leçon d’écriture et de lecture, une séance d’herborisation ou encore l’indifférence de l’équipage lors des obsèques d’un aumônier peu apprécié, le texte a tendance à faire du surplace ; et ce, en n’évitant pas toujours les pléonasmes ni les répétitions lexicales : « Elle avait l’impression de n’avancer que sur de l’incertain, que sur ce qui n’a pas de certitude » ; « […] elle comprit pour la première fois la force du lien qui unissait les marins à leur bateau. Ils sont indivisibles. Si l’une des deux parties était malade, l’autre l’était tout autant. Les hommes et leur bateau étaient comme des frères siamois, ils étaient soudés l’un à l’autre. L’un ne pouvait vivre sans l’autre. Les marins étaient les organes vitaux du bateau […] ». Ailleurs des anomalies surgissent : une erreur de date (1768 pour 1767), des coquilles (« périmée » pour « périnée »), des tournures fautives (« Il n’y avait pas que de l’odeur de la terre dont elle s’était ennuyée »), des gaucheries (des « cartes […] qui représentaient tout aussi si bien la partie du détroit qu’ils avaient franchie »), des emplois tordus (« Elle s’était ressassé de tout cela avant le départ »), des hésitations sur le genre adopté pour le personnage de Jean Barré…
Bref, Jeanne Barret est un roman digne d’intérêt, qui aurait cependant demandé plus de vigilance dans la formulation et un meilleur resserrement narratif.