Sa femme le quitte et on lui annonce un cancer du larynx : hélas ! c’est l’heure des bilans qui vient de sonner. Difficile, dans cette autofiction, de faire le partage entre regrets, accusations, apitoiement et culpabilité. Le narrateur y fait, certes, de douloureux constats : « Je sais dorénavant, mais il est trop tard pour le mettre en pratique, que nulle attention, nulle assiduité, nulle fidélité, pas un magret de canard à l’anis étoilé ou un rognon à la moutarde ne remplacent la main qu’on tient, le baiser ordinaire, l’épaule qui accueille la tête fatiguée, le bras qui entoure la femme frileuse. Savoir inutile ». Voilà un homme démuni devant son impuissance à refaire son passé. Le diagnostic d’un cancer, un peu comme la rupture amoureuse, marque le début d’une souffrance qui, bien avant de s’inscrire dans le corps, colonise tous les aspects d’une vie. C’est l’éminence trop soudaine de l’inéluctable et l’urgence de faire la paix avec soi-même pour pouvoir mourir pacifié : « Je suis devenu misanthrope. Quelle tragédie que de vivre misanthrope, quelle aigreur ! Si je meurs, je ne veux pas mourir en colère, et si je vis, je ne veux pas haïr durant des années sous prétexte que je suis malheureux ». La mélancolie est le registre du dernier livre de Gil Courtemanche.
Ce livre a créé chez moi une certaine gêne car, ici, l’amour inexprimé s’exprime trop ? mal ? Cette longue confidence ressemble à une autoflagellation dont on n’aime pas être le témoin. C’est comme si on épiait, l’oreille bien appuyée sur la porte, les confidences d’un patient à son psychologue. Il n’y a plus, ici, aucune frontière entre le public et le privé. Néanmoins, Je ne veux pas mourir seul est un témoignage d’une émouvante sincérité et un déchirant cri du cœur. Un peu plus brisé qu’avant, mais vivant, il reste au narrateur un deuil à faire, une réalité à accepter et un sursis pour entamer le travail de réparation qui lui permettra de profiter des infimes moments de bonheur que la vie nous réserve à tous.