« Tu rêvais de motos, Vicky, eh bien j’arrive avec la mienne. J’arrive avec dix ans de retard, mais j’arrive enfin. J’arrive, porté par cette transe funeste, qui me rend si léger que je m’envole. J’arrive à 190 km/h, le temps de me fracasser le cœur contre le viaduc d’en face. Tu sais, là où tu t’es éclaté la tête. »
Ainsi se termine la sublime « Dernière lettre à Vicky », l’un des quinze tableaux que livre Martin Manseau. Le jeune signataire de la missive en vient à (se) révéler qu’il ne peut survivre à la mort de son grand amour de jeunesse. N’allez donc pas croire l’auteur lorsqu’il prétend n’être qu’un « salaud passablement dérangé » qui publie un « petit bouquin d’à peine 139 pages en espérant faire réfléchir […] surtout de jolies jeunes femmes… ».
Si Manseau glisse à l’occasion sa main d’écrivain dans le gant du règlement de comptes avec des ex, il se montre surtout préoccupé de saisir et d’exposer de brefs mais intenses instants initiatiques qui font de l’existence un chemin au cours duquel les débordements de joie enfantine, comme dans « Ma bicyclette jaune », tournent court devant le réel, tout aussi abruptement que les matures passions non abouties.
Il en reste, au delà de la plume simple et amère de Martin Manseau, quelque murmure éraillé qui s’enracine dans le cœur du lecteur.