En faisant assumer son dur récit par le personnage d’une journaliste, l’auteure a vu juste : c’est d’un reportage plus que d’un roman ou d’un polar qu’il s’agit. On aura beau sympathiser avec elle ou faire porter quelques illusions à un agent de la CIA, aucune lecture optimiste de ces drames n’est, en effet, envisageable. Tant mieux si quelques malpropres sont dûment châtiés, si quelques vies obtiennent un sursis et si quelques corps nubiles demeurent un instant à l’abri des charognards, mais le système ne donne aucun signe d’essoufflement. Si une cohorte de malfaisants est décimée, de nouvelles phalanges assurent aussitôt l’effroyable relève. Cela, Maud Tabachnik met sa pleine férocité à le démontrer. La corruption accède si aisément aux plus hautes strates du pouvoir et les collusions rattachent avec tant de facilité truands, élus et policiers que les femmes, avant même d’avoir vécu, continueront d’être enlevées, torturées, violées, assassinées par centaines.
Le survol, sans tourner à la thèse, fait la part belle aux dimensions sociales et politiques. Quand une frontière départage pauvres et riches, les nantis ne peuvent pas se laver les mains du marché de dupes qu’ils imposent aux plus dépourvus. Si une demande illicite s’épanouit au Nord, un marché clandestin déploie aussitôt ses tentacules au Sud. Le drogué embourgeoisé porte sur sa conscience une part des tortures et des humiliations infligées aux femmes dans les zones où l’offre s’amplifie. Maud Tabachnik n’a que faire des sermons, mais elle professe visiblement le meilleur respect pour les personnes qui, malgré tout, en émouvante sincérité, vivent et agissent en journalistes fiables et en policiers sans complaisance. Plusieurs de ses pages mériteraient une place dans les organes d’information.