Pour le moins étonnant un récit d’anticipation de la part de Jean-Christophe Rufin ! L’auteur de Rouge Brésil et de L’Abyssin s’est mis à l’heure de la mondialisation avec cette fable futuriste où les frontières n’existent plus, ou presque. Température idéale perpétuelle grâce à des canons à beau temps, longévité maximale rendue possible grâce à des pièces de rechange fournies par des clones, droit à la déviance inscrit dans la Constitution, vin et rhum en cubes, voilà quelques caractéristiques d’un monde idéal dont rêvent les plus audacieux visionnaires d’entre nous toutefois, en Globalia, la grossesse est un événement à déclarer obligatoirement, fumer est un sport extrême, les musées regorgent de nos plus récentes innovations et l’arrière-petite-fille de Bill Gates, déjà plus de la dernière jeunesse, règle avec d’autres chefs d’entreprise la destinée de Globalia.
Sous les apparences d’une démocratie parfaite, Globalia, construite de toutes pièces par les magnats du capitalisme, n’est peut-être pas si parfaite que s’évertue à le clamer la célèbre devise globalienne : « Liberté, Sécurité, Prospérité ». Car pour maintenir les esprits au beau fixe, les canons à beau temps ne suffisent pas. Ron Altman croit néanmoins avoir trouvé la solution : nourrir les peurs en créant un Nouvel Ennemi. C’est ainsi qu’il recrute Baïkal, jeune homme curieux, avide de découvrir les non-zones, ces lieux non sécurisés où vivent de soi-disant terroristes contre lesquels Globalia doit lutter.
Globalia rappelle à certains égards des événements qui font encore l’actualité. « Jusqu’ici nous cherchions des ennemis et nous les gonflions jusqu’à en faire des menaces dignes de ce nom. En vérité, c’est l’inverse que nous devons faire : choisir quelqu’un de tout à fait normal avec seulement de fortes dispositions antisociales et faire en sorte qu’un tel individu, qui n’est pas notre ennemi, le devienne. » Pourquoi donc une version remaniée de 1984 ? Parce que, malgré les décennies, les hommes changent bien peu.