Après avoir fait paraître des œuvres romanesques comme Haïti je t’aime / Ayiti, mven renmen ou !, Carnet de bord, Contrepoids et Marraine (dont le présent roman est la suite), Hélène Koscielniak décrit à nouveau les liens interculturels entre le nord de l’Ontario et les Antilles pour faire éclater des contrastes flagrants entre la misère des bidonvilles et la prospérité du Canada. Dans le roman précédent, la Canadienne Normande Viau s’était engagée dans un programme d’aide humanitaire, et après un cri du cœur lancé par ses amis de la République dominicaine, elle acceptait de parrainer (ou plutôt de « marrainer ») un jeune Haïtien de douze ans, Jo’no, qui risquait de connaître des conditions de vie atroces et la facilité de la délinquance s’il restait plus longtemps dans son pays natal.
C’est ainsi que dès la première page, Hélène Koscielniak décrit l’ambiguïté de l’hospitalité de son personnage de la marraine, Normande Viau, qui, en accueillant au Canada le fils unique de son amie antillaise sous le prétexte noble de lui assurer une vie confortable, déchire non seulement une famille déjà éprouvée par la violence et la pauvreté, mais brise aussi le parcours de la jeunesse d’un pays qui a tant besoin de se renouveler à partir de ses forces vives : « Avec les meilleures intentions du monde, elle avait détruit la vie de son amie Gabriella, cette courageuse Haïtienne. Et celle de son filleul, Jo’no, cet enfant extraordinaire aux prunelles insondables ».
Une fois arrivé à Kapuskasing, en Ontario, le jeune Dominicain est momentanément fasciné par la nouveauté de ce qu’il découvre ; il se trouve « une blonde » et se lie d’amitié avec Billy, un jeune Autochtone dont la vie dans la réserve n’est pas toujours facile. Mais Jo’no Vellera réalise vite que la réalité n’est pas à la hauteur de ses attentes démesurées : « Il avait rêvé au Canada si longtemps, croyant dur comme fer qu’il s’agissait du paradis. Néanmoins, la misère et, de toute évidence, la persécution existaient ici également ».
Filleul est un roman où l’enthousiasme est rapidement tempéré par le désenchantement. Quelques lettres écrites par Jo’no à sa mère permettent un changement de point de vue narratif qui montre néanmoins l’espoir du personnage immigrant. Ainsi, découvrira-t-on un autre Canada à travers un regard étranger.