Magnifique cadeau d’une auteure québécoise d’origine cambodgienne.
Tran Lam arrive au Canada en 1979. Elle a environ quinze ans, ne sait ni lire ni écrire, ne parle ni anglais ni français. Elle vient de vivre quatre ans dans les camps de la mort des Khmers rouges (période dont elle a fait le récit dans La survivante, Stanké, 2002). C’est sa belle-sœur, passablement plus âgée qu’elle, qui l’a amenée ici et qui s’installera avec elle à Montréal. Une belle-sœur qui la traitera littéralement en esclave, l’obligeant à faire les repas et à s’occuper de toutes les tâches domestiques, tout en lui interdisant d’aller à l’école pour plutôt la faire travailler dans une usine et lui prendre sa paie en ne lui laissant que quelques sous par semaine, et évidemment, lui répétant sans cesse qu’elle est idiote, bonne à rien et que personne ne veut d’elle. Pendant ce temps, pour que le tableau soit complet, cette même belle-sœur traite ses propres filles comme des reines. On se croirait en plein conte de Cendrillon, mais cette fois, c’est pour vrai.
Après plus d’un an, Tran Lam est jetée dehors par une froide nuit d’hiver et finira par être hébergée par un couple de Québécois (qu’elle a connus parce qu’ils faisaient du bénévolat pour l’intégration des immigrants). Chez eux elle découvrira un genre d’amour dont elle n’avait jamais soupçonné l’existence de toute sa vie. Mais ce n’est qu’un début : il lui reste tout à apprendre pour devenir autonome, ce à quoi elle s’attellera avec un courage remarquable, finissant par décrocher un baccalauréat en psychologie à l’Université de Sherbrooke.
Autant les premières pages de ce récit sont captivantes, et parfois amusantes, par le fait qu’on redécouvre notre propre monde à travers les yeux d’une Asiatique qui ne connaît rien de l’Occident (les Blancs lui paraissent si grands et si gros, et ils ont le nez long, et ils saluent les gens en les embrassant, ce qui est impensable dans la culture de Tran), autant l’histoire devient peu à peu inspirante, à mesure que Tran nous fait part de ses réflexions sur l’amour, la haine, la colère, la gratuité, les aléas de la vie, et même la religion, car Tran Lam, victime de la cruauté humaine depuis son enfance, est vite intriguée par ce Jésus dont on lui parle et qui a subi les pires sévices sans s’insurger contre ses bourreaux.
Entre l’ombre et la lumière est plus que le récit d’une vie : c’est une rencontre à faire, voire une expérience à vivre.