La plupart d’entre nous associent l’expérience coloniale, de la France et de la Grande-Bretagne notamment, à une forme de pillage des continents, à une avancée de puissances assoiffées de ressources et de richesses. Une étude approfondie du colonialisme amène des conclusions plus nuancées, indique le chercheur français Jacques Marseille dans un ouvrage rigoureux, truffé de citations et de tableaux. En fait, celui-ci retourne aux conclusions qu’il avait lui-même dégagées dans un livre publié en 1984 ; il y soutenait que l’expérience coloniale avait aussi contribué à retarder la modernisation économique de la France, notamment en grugeant son budget national.
« On pourrait ainsi se demander si le marché impérial, en favorisant une spécialisation relative de l’économie française en produits des industries de consommation, n’aurait pas été un des facteurs affaiblissant durablement la capacité concurrentielle du commerce extérieur. »
L’auteur pointe les années 1930 comme le moment du « divorce » entre les gains économiques tirés de l’expansion coloniale et le poids budgétaire croissant que représente l’intégration de territoires étrangers dans le périmètre extérieur français. C’est à partir de cette époque que les impératifs du commerce cèdent en effet le pas aux intérêts plus politiques, appuyés par une opinion publique encore très attachée aux territoires outre-mer. Il aura fallu les mouvements de décolonisation, et parfois de sales guerres d’indépendance (comme en Algérie) pour consommer définitivement cette froide démarcation entre l’économique et le politique.