Une Québécoise écrit à une femme afghane, Shoukria. Elle lui livre ses impressions intimes de même que sa perception de la complexité politique entourant la situation afghane, les interventions américaines à l’échelle planétaire, le conflit palestinien et la situation de la femme dans le monde.
Très bien documentées, les lettres de Colette Beauchamp évitent le piège de l’émotivité qu’on aurait pu craindre dans une telle thématique. Les lettres, qui reposent sur un important travail de recherche, forment un livre à mi-chemin entre l’analyse journalistique et la création littéraire. Dans la partie analytique, l’auteure jette un regard lucide sur le rôle de l’Amérique dans le drame afghan. Mais ses propos d’un féminisme militant réduisent parfois la problématique afghane à une question de rapports hommes-femmes. C’est là que les choses se gâtent, car blâmer les hommes, les islamistes fondamentalistes, les Talibans, ou les États-Unis évite à l’auteure d’avoir à se prononcer catégoriquement sur la question de l’Islam. On sent chez elle une certaine retenue, un désir de ménager l’Islam comme s’il lui fallait faire une concession à la rectitude politique.
Ces lettres sensibles, intelligentes, souvent tragiques tout en étant vibrantes de vérité escamotent toutefois la question la plus importante. Si elle accuse les islamistes fondamentalistes, Colette Beauchamp vise les hommes et non la religion qui, en Afghanistan comme dans de trop nombreux pays musulmans, a permis, encouragé et même valorisé la misogynie que l’auteure dénonce. Le livre demeure intéressant, mais n’ose pas aller jusqu’où, logiquement, il devrait aller.