La vie passe-t-elle par Villery Station, ce petit village de 112 habitants de l’est de l’Ontario ? À en croire Florence, l’héroïne du roman Du chaos pour une étoile de Michèle Matteau (L’Interligne), on peut en déduire que oui. Du moins une certaine renaissance. Revenant de nuit de chez des amis chez qui elle a fêté ses 53 ans, contrainte de prendre une déviation, elle se perd dans l’épais brouillard et se retrouve, en panne qui plus est, dans ce restant de village qu’elle quitte au matin sans volonté d’y retourner.
Mais cette recherchiste à Radio-Canada Ottawa vit une crise existentielle née en partie à cause de l’insatisfaction que lui procure son travail (une critique sévère, mais méritée de RC), et de la solitude qu’elle ressent depuis sa séparation. La crise de la cinquantaine. Pourquoi pas un congé d’un an ? Pourquoi pas à Villerey où elle loue la maison qui abritait le Café Villerey.
Parallèlement, l’instituteur à la retraite, Léandre Arcand, observe minutieusement les quelques mouvements qui animent son village. L’arrivée de l’étrangère suscite de nombreux remous, ce qu’il s’empresse de noter.
Fragile dans ce qu’elle est, Florence a toujours obéi à ce que les autres décidaient pour elle et son installation à Villerey ne change pas cette attitude. Installée dans un café fermé, elle succombe à la pression de le rouvrir, devenant ainsi restauratrice malgré elle, ce qui lui permet de découvrir les habitants dont certains lui apportent une façon plus simple et plus saine de voir le monde et de se voir. Étape transitoire vers une plus grande autonomie : à la fin de l’été, elle ferme le restaurant, et quand vient le temps de retourner à son travail, elle sait qu’elle n’aura plus à se prouver, ni à plaire à tout prix, mais à tout simplement être ce qu’elle est. Et puis, peut-être y a-t-il un avenir entre elle et Léandre
Du chaos pour une étoile se construit autour de Florence et de Léandre dans une alternance de chapitres aux tonalités différentes. Écrits à la première personne, ceux de Florence évoquent un journal personnel, tandis que ceux de Léandre entremêlent journal personnel et narration omnisciente. Ce jeu de formes dynamise la lecture et permet de mieux saisir la façon dont les deux personnages font face à ce qu’ils vivent.
Sans être une grande œuvre, ce roman, habité d’un rythme vif et à la construction intéressante, est charmant par l’évocation de la vie de ce village et sympathique par la façon dont sont mis en scène les personnages.