Publié à La Peuplade, une toute nouvelle maison d’édition postée dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Des champs de mandragores est le premier ouvrage signé par Jean-François Caron. La jeune maison s’étant également donné le mandat de promouvoir l’art visuel, il est bon de mentionner que la page couverture de ce recueil de poésie a été illustrée par l’artiste Julien Boily.
La mandragore est une plante hallucinogène, à connotation ésotérique, dont les racines évoquent une forme vaguement humanoïde. Selon la légende, elle pousserait sous les gibets, là où des hommes ont été pendus. Ainsi, les textes du recueil s’offrent comme une « variation sur une même pendaison », cela nourri aux sources de cette image fondatrice que propose le titre. Dans sa ballade des pendus, Caron fait le portrait d’une hécatombe, d’une boucherie dont il décrit les corps disloqués et les chairs humaines dans toute l’obscénité de leur aspect physique. Parfois même il les montre comme des pièces de charcuterie ballantes accrochées à leur corde. Au loin, on peut y entendre l’écho de François Villon. Mais les pendus, à la gorge nouée, sont d’abord ceux à qui on coupe la parole. Le cortège macabre des poèmes s’articule autour de cette idée par laquelle l’ensemble vient faire sens. Le narrateur, en dernière instance, s’adresse à ses frères humains pour qui il réclame le droit à la parole, car « avant que cesse la respiration meurt d’abord le dire ». Fortement chargé de symbolisme, ce premier effort est bien mené et fait preuve de cohésion. Lisons Des champs de mandragores comme un chant halluciné, mais aussi comme un plaidoyer humaniste.