Daniel Guénette est poète et romancier. Titulaire d’une maîtrise en création littéraire de l’Université de Montréal, il enseigne la littérature au cégep de Granby. Il est originaire de l’arrondissement Saint-Laurent, à Montréal. Et c’est là, d’ailleurs, qu’il a situé la trame de son nouveau roman, que l’on devine largement autobiographique.
Dédé blanc-bec est un gamin né dans les années 1950, dans la municipalité qui s’appelait alors Ville Saint-Laurent. Il est « l’enfant du milieu », entre l’aîné et le benjamin, dans une famille relativement riche, dont le père a fait fortune en affaires. Aux yeux du garçon, ce père est devenu, grâce à l’argent coulant à flots, un « comediante », une sorte de playboy, un « enchanteur » prodigue aux mille largesses. Il va jusqu’à offrir à ses fils des étés de vacances à la campagne, en compagnie d’une véritable ménagerie, dont un mouton et des chèvres, parmi lesquelles Finette est la préférée de Dédé.
La mère, quant à elle, est une « tragediante », une impératrice surnommée « la Pompadour » par le gamin. Elle souffre évidemment des écarts de conduite de son playboy de mari, ce qui entraîne l’effondrement du couple et fait régner à la maison une « zizanie silencieuse » et une « guerre sourde et froide ». Parallèlement, les résultats scolaires de Dédé chutent et ses incartades se multiplient. La présentation de la famille élargie et la mention de certains de leurs petits secrets – ainsi que de plus gros – ajoutent à l’intérêt du récit. Au fil des pages, les lectrices et lecteurs suivent l’enfant dans son parcours vers la vie adulte et sont témoins des déceptions et déchirements accompagnant cette transition souvent éprouvante. En filigrane, il est également intéressant d’assister aux transformations sociales du Québec au moment de la Révolution tranquille et des Trente Glorieuses.
Le ton poétique empreint d’humour et de nostalgie adopté par l’auteur rend extrêmement agréable la lecture de ce roman émouvant. Il faut préciser que, tout d’abord, il est un peu déroutant de suivre les bonds fréquents de la narration dans le temps. Plus que de simples digressions, elles donnent parfois l’impression que l’auteur saute du coq à l’âne pour revenir aux mêmes événements, observés sous un angle différent. Mais on s’habitue vite à cette manière ou à ce style et on l’apprécie pour son originalité. Voilà donc un roman au texte minutieusement poli et se démarquant par sa qualité et son audace.