La jeune et prolifique Amélie Nothomb, qui signe ici son dixième roman, sait suggérer l’insolite, voire l’inquiétante étrangeté, des comportements de l’être humain aux prises avec ses démons intérieurs.
Jérôme Angust est déjà de mauvais poil quand il apprend avec exaspération que l’avion qu’il doit prendre est retardé. Il tente de se plonger dans un livre pour tuer le temps. C’est sans compter avec un raseur, un importun de la pire espèce, qui entreprend de lui faire la conversation malgré lui et ne se laisse décourager par aucune rebuffade. Malgré toutes ses tentatives pour s’esquiver, Jérôme Angust se sent progressivement piégé par le curieux personnage, qui semble en savoir beaucoup sur le passé de celui qu’il agresse de son indésirable verbiage, et qui serait même mêlé au drame affreux qui a coûté la vie à sa femme. Petit à petit, l’exaspération du voyageur assiégé se transforme en inquiétude, puis en panique quand il comprend que cette rencontre fortuite n’a rien d’un hasard et qu’il a en quelque sorte rendez-vous avec lui-même.
On pourrait faire référence à Dr. Jekill et Mr. Hyde, pour la dualité qu’il illustre. Ce cas de double personnalité évoque pourtant un fantastique qui n’a rien à voir avec l’espèce de huis clos auquel on assiste dans ce court roman efficace ‘ bien qu’un peu prévisible. La situation rappelle plutôt le Huis clos de Sartre, qui voulait montrer que « l’enfer, c’est les autres » ; en l’occurrence, le propos de Cosmétique de l’ennemi illustre quant à lui que l’enfer, c’est soi-même.