Parmi les jeunes revues québécoises, Contre-jour et Le Quartanier s’imposent toutes deux par leur combinaison d’exigence et d’originalité. Bien que certains de leurs présupposés esthétiques semblent inconciliables – la première évoluant dans un milieu plus classique et la seconde voulant rénover l’avant-garde expérimentale –, ces deux publications sont menées par des lecteurs chevronnés, soucieux de transmettre une expérience non édulcorée, en résistance devant les courtes vues de la culture marchande. Dans le septième numéro de Contre-jour, on retrouve d’abord un hommage à quinze voix consacré à Jacques Brault, intitulé « Brault à la ligne », où chacun des contributeurs s’inspire d’un bref passage pour broder sur sa relation avec l’écriture du devancier. Cet exercice d’admiration se termine par quelques quatrains inédits de Brault, lesquels laissent un peu le lecteur sur sa faim, mais pourraient prendre une dimension plus large une fois inclus dans un de ces recueils complexes dont le poète a le secret.
Je ne connaissais pas le romancier japonais Yasushi Inoué (1907-1991), mais la seconde partie du numéro m’a vite gagné à ce contemplateur du temps et du thé. L’abordant selon des angles très différents, les six contributeurs font découvrir une voix à la fois spirituelle et ironique, dans le sillage désenchanté du Japon moderne. Enfin, outre une section dédiée à la création, quelques notes de lectures aussi judicieuses que nourries complètent la chose, dont une lecture de l’autobiographie et des poèmes du Suédois Tomas Tranströmer par Jean-François Bourgeault.
Du côté du Quartanier, on continue dans un numéro double (3/4) à proposer des écritures déroutantes, que semble réunir un désir de libérer la littérature des habitudes lyriques et syntaxiques la rendant plus digeste aux lecteurs pressés, voire paresseux. En plus de la présentation graphique, toujours aussi élégante, ce concert déconstructeur s’augmente ici d’une section de critiques, ce qui est tout à fait bienvenu et permet de mieux percer les perspectives de la nébuleuse « quartanière ». Cette édition très volumineuse se parcourt lentement, volontiers dans le désordre, avec une difficulté qui trouve souvent sa rétribution. On retrouve là plusieurs collaborateurs étrangers – dont certains en traduction – et, parmi les Québécois, un certain Louis-Philippe Hébert, auteur d’étranges livresdans les années 1970 (La manufacture de machines, Manuscrit trouvé dans une valise, etc.), qui semble prêt à reprendre du service. Tout cela est à placer sous haute surveillance.