En retournant dans le royaume de mon enfance par l’intermédiaire des récits traditionnels, j’ai découvert un auteur qui n’en est pourtant pas à sa première publication. Bertrand Bergeron s’avère l’un des quelques spécialistes de la culture orale d’ici. Son intérêt précoce pour la culture populaire l’a conduit à la maîtrise, puis au doctorat en Arts et Traditions populaires. Depuis, il a participé à de nombreuses manifestations culturelles centrées sur le conte et la légende, publié des ouvrages, tout en enseignant la littérature au Cégep d’Alma.
Dans Contes, légendes et récits du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Bertrand Bergeron met la culture savante au service de la culture populaire en apportant un éclairage qui donne ses lettres de noblesse à cette dernière. En effet, l’ouvrage s’ouvre sur un essai de près de cent pages, intitulé « D’orature et de littérature »,où, de manière limpide, l’auteur montre le rapport entre les conceptions du monde au cours des âges et leurs manifestations dans la culture populaire. Il traite des récits qui témoignent de la pensée magique de nos lointains ancêtres – que l’on pense aux formules magiques des contes et même de la «Genèse », où le fait de nommer les choses suffit à les faire exister – jusqu’aux légendes urbaines qui se vident progressivement du surnaturel inhérent à la légende. Il distingue ce qui relève du mythe, de la légende, du conte, et compare les apports respectifs des cultures populaire et savante qu’il se plaît à désigner orature et littérature.
Suit un corpus dont l’unité repose sur l’espace évoqué, celui du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Choix qui permet d’inclure des récits dits de « l’empremier », pour désigner la période antérieure à la venue des premiers explorateurs européens. Ainsi, des mythes amérindiens côtoient des récits d’explorateurs, « récits de l’ensecond », et ceux d’habitants permanents, « récits de l’entroisième ». Les deuxième (légendes) et troisième (contes) parties du corpus, quoique comptant des versions originales non publiées jusqu’ici, sont davantage convenues, ce qui ne les rend pas inintéressantes pour autant. Retenons que Bertrand Bergeron nous convie à une belle rencontre entre orature et littérature avec ce dernier ouvrage.