Présent sur toutes les scènes où s’impose le débat social et politique, Roméo Bouchard intervient toujours avec vigueur, conviction, enthousiasme. Déçu quand nos simulacres de démocratie privent le citoyen du contrôle de son destin et le tiennent à distance d’un mieux-être collectif, il plaide en faveur d’une réforme politique régie par la collectivité elle-même et enfin libérée des carcans imposés par les puissances d’argent.
Dans cet ouvrage, Bouchard s’en prend rudement aux partis politiques. Ils brouillent la relation entre l’électorat et la gouvernance, substituent leurs intérêts aux volontés populaires, insinuent la contamination mercantile dans les mécanismes électoraux. Leurs penchants seraient, estime-t-il, si liés à leurs viscères qu’il est vain d’espérer les réformer. Donc, les abolir.
Appelant l’histoire et l’évolution mondiale au soutien de son projet de réforme, Bouchard a tôt fait de constater que le capitalisme a déjà notablement affaibli les États et qu’il est désormais en mesure de leur imposer sa loi. À moins que la population ne se dote de structures, d’institutions et de centres de décision radicalement différents, le Québec, comme tant d’autres collectivités, devra se satisfaire d’une existence étriquée, fondée sur le travail aliénant, mal rémunérée et parasitée par la publicité et l’endettement. Inacceptable.
La solution ? Valoriser la base, renforcer l’enracinement régional, miser sur le peuple lui-même, oser. Bouchard pousse si loin sa confiance dans le peuple qu’il confierait au hasard plutôt qu’à l’élection la désignation des représentants du peuple. Partager le diagnostic extrêmement sévère de l’auteur n’oblige pas à le suivre dans chacune de ses propositions. Chez lui, comme chez tant d’ardents militants d’une gauche généreuse, l’optimisme sous-estime fréquemment les obstacles à vaincre. Certes, notre démocratie n’est souvent qu’une contrefaçon de sa véritable nature, mais il faut aussi admettre que le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple fonctionnerait parfois beaucoup mieux ou moins mal si le peuple-roi se conduisait plus intelligemment. Tocqueville, invoqué ici, ne pense pas autrement. Ce n’est pas mépriser le peuple que de le croire capable de myopie. Par ailleurs, c’est peut-être une simplification imprudente que préférer le recours au hasard en lieu et place d’un tamisage tenant compte des évidentes inégalités dans la générosité, l’intelligence et la détermination des individus. Bouchard ne semble pas craindre qu’une telle loterie puisse ignorer un René Lévesque et couronner un Charest…
L’essentiel, c’est que la démocratie, grâce à des convaincus comme Bouchard, soit forcée d’affronter son miroir et que soient dénoncées les tricheries qui l’enlaidissent et l’émasculent aujourd’hui. La suite appartient au peuple.