Écrivain prolifique et primé, l’auteur concentre ses réflexions tous azimuts sur notre monde en utilisant cette fois-ci le porc comme point de départ. Ou comme prétexte ? Ou comme port d’attache ? Et cette idée est-elle vraiment fertile ? Mais, dans ses Entretiens avec Alain Bosquet en 1966, Salvador Dalí ne se définissait-il pas lui-même comme un porc traversant la société ?
Juste après l’avant-propos, l’auteur annonce un postulat : « L’histoire des cochons, c’est la nôtre ». Cet incipit nous logerait implicitement dans le domaine de l’essai, mais en réalité, ce livre fait flèche de tout bois. L’auteur cite au passage L’Odyssée d’Homère, plus précisément l’épisode de Circé, qui transforme en pourceaux les matelots d’Ulysse. Mais rapidement, tout y passe : notes, souvenirs, emprunts à une multitude d’auteurs et d’anonymes – et à peine la moitié des textes cités sont dotés d’une véritable référence bibliographique. Les coéditeurs auraient dû pallier ces lacunes graves, surtout venant d’un académicien, car seules les dernières pages contiennent, pêle-mêle, une série d’ouvrages consultés, sans aucun renvoi aux chapitres précédents. On peut comprendre que ce charivari serait en fait un prétexte à la promenade des idées, dans laquelle le cochon du titre sera mentionné à maintes reprises, mais uniquement comme un fil conducteur pour aborder librement toutes sortes de sujets, des plus graves aux plus farfelus. Ce Voyage aux pays du Vivant n’arrive pas comme un cheveu sur la soupe : au siècle dernier, Claudine Fabre-Vassas avait fait paraître dans la prestigieuse collection « Bibliothèque des Sciences humaines » un essai intitulé La bête singulière. Les juifs, les chrétiens et le cochon (Gallimard, 1994), d’ailleurs cité par Erik Orsenna. En plus d’être loufoque et provocateur, ce livre d’Orsenna est inclassable, voire indéfinissable, d’où son originalité. D’autres diront peut-être déroutant, traînant en longueurs, et apparaissant comme une suite de digressions, au carré. Ce n’est ni un récit, ni un roman, ni vraiment un essai, car les données factuelles évoquées ne s’appuient sur aucune source directe. Un passage approximatif relève quelques « lignes implacables de Sartre, placées par Delphine Horvilleur en ouverture de ses Réflexions sur la question antisémite », mais ici encore, aucune référence bibliographique pour Sartre ou pour Horvilleur n’apparaît, ni aucune pagination. Rien de très rigoureux. On reste choqué par l’antisémitisme de certains passages, parfois transcrits sans aucun recul, si ce n’est qu’ils sont mis en retrait lorsque certaines phrases semblent profondément ambiguës, confondant la communauté juive avec des porcs (sic). L’auteur les cite et les dénonce comme étant du « délire ».