Deux qualités ressortent avec un fort relief de ce solide roman policier : la justesse du climat professionnel et la structure du récit. Vic Verdier, nom de guerre de Simon-Pierre Pouliot, réussit si tôt et si bien à révéler les exigences du métier de policier qu’il faut lui savoir gré soit d’une recherche fouillée et intelligente, soit d’une fréquentation éveillée de cet univers, soit d’une combinaison des deux investissements.
Le milieu policier obéit à des règles implacables que Vic Verdier connaît, subit et comprend et dont l’auteur fait sentir le poids. L’une des plus manifestes est vite prise en compte dans le roman : le policier n’a à peu près aucune vie privée. Il jouit au mieux d’une intimité amenuisée, tant les pressions de son milieu de travail lui interdisent les esquives, les alibis, les faux-fuyants. Si Vic et Mélanie nouent de nouvelles relations amoureuses, mieux vaut pour eux deux le faire savoir à l’entourage de la plus claire façon. Les jardins secrets n’ont pas la cote dans ce milieu où le policier gai doit feindre une liaison avec une femme.
Qu’il aime ou pas cette fraternité qui confine à la promiscuité, le policier est soumis à l’inquisition de collègues rompus au doute, au soupçon, à la méfiance. S’il boit trop, s’il choisit des loisirs particuliers, s’il saute régulièrement la clôture matrimoniale, son entourage le sait. Ses valeurs, son plan de carrière, consœurs et confrères les connaissent. Selon les cas, ses pareils deviendront des rivaux ou des alliés, des âmes sœurs ou des envieux ; dans la course généralisée à l’ascension professionnelle, la concurrence sera chiffrée, constante, féroce.
Le roman, déjà percutant par sa franche description d’un monde clos, rend palpable un autre fait : l’importance extrême du coéquipier, de celui ou de celle qui partage l’auto-patrouille. On ne passe pas impunément huit heures par jour en voiture avec un ou une partenaire sans connaître le café qu’il ou elle préfère et quelques autres secrets. De ce partenaire dépend la vie du policier. Le grand mérite du roman est de ne jamais oublier cet aspect du quotidien que vit le policier.
La structure du récit mérite aussi mention. Le recours à un psychologue au départ du récit comme à son atterrissage donne à l’ensemble un recul fécond et inattendu : le personnage est utile quand il livre sa compréhension des contraintes du métier de policier, il porte une responsabilité inattendue quand il pousse le respect du secret professionnel un cran trop loin et ouvre la porte à une justice primaire et expéditive.
Polar original, instructif et lourd de questionnements.
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