Les autobiographies de stars fascinent toujours, en ce qu’elles ouvrent une fenêtre (plus souvent une lucarne) sur l’être profond qui se cache derrière la façade publique, la personne nue, avec ses vulnérabilités, ses faiblesses, l’individu fragile qui nous ressemble, en fait.
Le plus souvent, le souci du sujet de justement préserver cette image savamment façonnée et entretenue limite l’intérêt et la sincérité de l’exercice autobiographique. Parmi les musiciens, acteurs, chanteurs, rares sont ceux qui se livrent réellement en pâture au jugement du public, ne donnant que quelques morceaux choisis pour titiller l’appétit sans aucunement rassasier. Et pourquoi en serait-il autrement ? Une démarche totalement ouverte exigerait de l’auteur une foi en l’humanité touchant à la naïveté et aux pulsions suicidaires.
Long préambule pour parler d’un ouvrage qui me semble une exception dans ce domaine. Dans Clapton par Eric Clapton, publié chez Buchet-Chastel, le grand guitariste, chanteur et compositeur britannique met son âme à nu, mais avec une pudeur et une sobriété remarquable, sans désir de séduire, comme on se raconte à un ami trop longtemps perdu de vue ou à un thérapeute empathique.
Enfant naturel né au crépuscule de la guerre, Eric Clapton n’a pas connu son père (un soldat canadien), et ne connaîtra l’identité de sa mère, qu’il croyait être sa sœur, qu’à neuf ans. Musicien précoce et génial, versé dans la beauté mélancolique du blues et dans la tourmente du rock, Clapton laissera exploser son talent dès l’adolescence, se joindra au groupe Cream avec lequel il accédera à la renommée. Mais, relate le musicien dans son autobiographie, en marge de ce succès, une souffrance profonde le tourmentera sans relâche, un trouble de tous les instants qui le plongera pendant la majorité de sa vie adulte dans tous les excès, ceux de la drogue et de l’alcool au premier chef. À un point tel que le lecteur se demande comment le musicien a pu survivre à tant de dissolution.
Clapton par Eric Clapton se lit ainsi comme une longue suite de cuites sordides, de descentes aux enfers, d’exaltations suivies de profondes déprimes, ponctuées par des concerts du plus haut niveau, par la gloire, par les méandres de la vie d’artiste aux côtés des plus grands de la musique, les Harrison, Hendrix, Rolling Stones
Sans fard, Clapton parle de sa conduite exécrable avec les femmes de sa vie, de la perte de son jeune fils Connor, puis de la lumière au bout du tunnel et de la rédemption, de l’espoir d’une vie saine. Éclairant et sans complaisance, le livre ne fait qu’ajouter à l’admiration que l’on peut éprouver pour l’homme.