Si son roman La bataille (Grasset), qui racontait l’engagement militaire d’Essling, lui a valu le prix Goncourt et le grand prix de l’Académie française en 1997, c’est surtout comme satiriste et comme auteur de pastiches que Patrick Rambaud s’est taillé une réputation dans le monde des lettres françaises. Son dernier opus à nous parvenir, Chronique du règne de Nicolas 1er, est de cette veine-là. Rambaud explique que c’est pour lutter contre la dépression qu’a causée en lui l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République qu’il a écrit cette pochade à la manière de Saint-Simon racontant le règne de Louis XIV.
« Raconter ce qui arrive tous les jours comme si ça s’était passé il y a trois siècles, donner de la fausse noblesse à ce qui n’en a aucune provoque souvent un effet comique, écrit Rambaud. Certes, il faut que le personnage s’y prête, mais l’avantage de Sarkozy, c’est qu’il se prête à tout. » Il faut bien le reconnaître, même vu de ce côté-ci de l’Atlantique, le personnage étonne. D’abord, cet homme semble être partout à la fois, au four comme au moulin. À cette agitation ubiquiste ajoutons qu’on le dit seul à prendre toutes les décisions, à une vitesse qui fait craindre l’improvisation. Le nouveau chef de l’État français ne cache pas non plus son goût pour la compagnie des gens riches et pour le luxe clinquant. Avec ce président que d’autres satiristes ont surnommé Bling Bling, on est loin de la pompe gaullienne ou de la morgue mitterrandienne. Le style remuant et rutilant du personnage est facile à caricaturer, et Patrick Rambaud ne rate pas sa cible.
Quant à la critique des politiques mises de l’avant depuis l’élection de Sarkozy, pour apprécier sa justesse, il faut une fine culture des enjeux sociaux et politiques de la France actuelle. De même, il faut une connaissance d’initié pour apprécier le portrait des personnes qui composent le sérail du « Prince ». Cette méconnaissance chez le lecteur risque de plomber son plaisir de lire la charge de Rambaud. En outre, comme ce livre fut achevé avant l’entrée en scène de Carla Bruni – devenue depuis Mme Sarkozy III – et avant la chute vertigineuse de la cote de popularité du président, sa pertinence s’en trouve diminuée d’autant. Mais c’est un peu la loi du genre. Une caricature, en effet, c’est comme la laitue, elle doit se consommer fraîche sinon elle perd de son croquant. Et, il faut bien le reconnaître, Chronique du règne de Nicolas 1er a perdu beaucoup du sien. Reste le talent de Patrick Rambaud, qui sait manier avec dextérité l’ironie, la phrase assassine et l’imparfait du subjonctif.