Amusant ! cette histoire de commissaire qui fonctionne, en quelque sorte, en circuit fermé : il commet lui-même les assassinats, et se charge en même temps de trouver un coupable. Dans les deux cas, ce sont des personnes dont il veut se débarrasser : il fait donc d’une pierre deux coups.
Pas égoïstement, cependant : c’est un service qu’il rend à la société. Ses victimes ne sont pas tout à fait innocentes. Ainsi, le premier assassiné est l’amant de la femme de son subordonné ; a-t-on idée de venir ainsi briser un ménage ? Quant à l’oto-rhino, qui héritera des accusations, son tarif est déraisonnable, et il a fait mal au commissaire en lui examinant les oreilles.
Et puis, il y a des raisons plus profondes : est-ce que ça fait du bien à la société de voir trop de crimes impunis ? « Et ne condamner personne pour un assassinat, ça ne s’appelle pas une erreur de procédure ? », note le commissaire dans ses carnets. Qu’on coffre des gens – coupables ou non – de temps en temps ne peut qu’avoir un effet dissuasif sur les criminels en puissance.
Sans compter que ça nourrit les statistiques de la police.
C’est la deuxième « contre-enquête » du commissaire Wallance, alias Liberty, la première ayant paru en 2004 aussi, sous le titre L’apprentissage. Il est évident qu’un tel roman n’a aucune prétention morale – ni subversive d’ailleurs -, mais au bout de 200 pages, il est difficile de ne pas être troublé par cette manière désinvolte de raconter les aventures d’un commissaire qui est au fond à la fois criminel et prévaricateur, même si ce ton badin, au départ, n’est pas sans attrait.
Quant à l’auteur, il fait preuve d’un style accompli, quoique sa manie d’utiliser la virgule au lieu du point-virgule, comme le soussigné le fera à l’instant, peut laisser perplexe, c’est son privilège toutefois, attendu que le reste ne prête pas flanc à la critique et que cette particularité confère à l’ensemble une prosodie qui s’apparente au style oral, ce qui convient bien au genre.
Les amateurs de polars légèrement iconoclastes ne seront pas déçus.