Cet homme, ce héros, né en Argentine, s’est pourtant illustré davantage à Cuba, aux côtés de son ami Fidel Castro. Il s’est fait tuer en Bolivie où il a d’ailleurs été « enterré » avant que ses os soient rapatriés à Cuba en 1997, 30 ans après sa mort.
On dit de lui qu’il était très sévère envers lui-même, détaché du matériel et qu’il possédait une volonté incroyable, cherchant toujours à se surpasser, ce qu’il a appris dès son jeune âge à force de lutter contre l’asthme dont il souffrait.
Il était, bien sûr, révolutionnaire dans l’âme, mais n’en était pas moins honnête, sincère, stoïque, et il avait acquis un sens presque maladif de la justice.
Un héros est un être qui se définit par ses transformations. Personnage souvent assailli de doutes, le héros cherche sans cesse à rehausser sa condition. Il joue donc avec son destin, en quelque sorte, il le change. Le héros s’éveille aux besoins des autres : proches, voisins, concitoyens, etc. Il cherche constamment explications et solutions, se faisant de la sorte l’allié, le maître à penser des gens de son entourage. C’est pourquoi le héros devient un archétype, ce qu’est aussi devenu le Che.
À ses parents, le Che doit son sens de l’aventure, sa passion et sa désinvolture, ce sans-gêne qui facilite la confiance en soi. Et, dans son implication de révolutionnaire, il a beaucoup lu, principalement Jung, Freud et surtout Alfred Adler qui aurait vraiment changé sa vie, Karl Marx, Émile Zola, Lénine, Staline, Mussolini et l’œuvre de José Carlos Mariátegui. Il nous a aussi laissé de nombreux écrits, dont La guerre de guérilla, un traité complet sur la façon d’organiser la guérilla en même temps que la résistance où hommes et femmes sont également mis à contribution. Aucune surprise alors de constater que, selon ses convictions, « le dragon impérialiste doit mourir ». Et l’impérialisme, il le voit partout et il veut le combattre dans tous les pays. « Il faut mener la guerre jusqu’où l’ennemi [l’impérialisme] la mène, écrit-il, chez lui, dans ses lieux d’amusement, il faut la faire totalement. Il faut empêcher l’ennemi d’avoir une minute de tranquillité, une minute de calme hors de ses casernes et même en dedans, il faut l’attaquer là où il se trouve… »
Sa conviction de révolutionnaire est si profonde que, pour s’y consacrer, il renonce à ses charges de direction du parti à Cuba, à son poste de ministre, à son grade de commandant, à sa condition de Cubain. Aurait-il voulu, en quelque sorte, définir sa propre « mission » dans son commentaire sur la traversée du désert de Pedro de Valdivia ? « Valdivia, souligne-t-il, aurait trouvé une pleine justification à sa mort dans le fait d’être le chef tout-puissant d’un peuple guerrier », prêtant semble-t-il au mot chef le sens de révolutionnaire par excellence. Nous le savons, le Che est mort stoïquement, abandonné des siens et trahi même.
On le constate au premier coup d’œil, cet ouvrage ne comporte pas de table des matières. Il se présente plutôt sous forme journalistique, pour ainsi dire, soit un énoncé en caractères gras suivi d’explications, de données, de preuves à l’appui. Il relève ainsi plutôt de l’enseignement que du roman, ce que le lecteur comprendra vite en se souvenant que l’auteure, Viviane Bouchard, est spécialiste en histoire de l’Amérique hispanique et qu’elle est également professeure d’histoire.
S’il est vrai que la légende du Che perdure 40 ans après sa mort à cause de son image de redresseur de torts et de colporteur de révolution, elle perdure aussi à cause des écrits nombreux à son sujet et je ne doute pas qu’elle continue son chemin dans la mémoire des gens présents et à venir tant qu’elle nous sera révélée et rappelée grâce à le plume d’auteurs complètement au fait de l’histoire pour s’y être « trempés », tout comme on constate, à la lecture de ce livre, que Viviane Bouchard l’a fait elle-même de toutes ses capacités de spécialiste en la matière.
Faut-il le rappeler toutefois, les temps ayant changé, les gens eux-mêmes ayant changé, ce héros des années 1960 peut bien revivre ou continuer à vivre, la génération présente lui prêtera plutôt le sens mythique que le sens héroïque, soit dit dans le plus grand respect de l’engagement profond et du don même que cet homme a fait de sa vie à la Cause, tout authentique qu’il était.