Gabrielle Ménardeau Wittkop (1920-2002) est une auteure inclassable. La dizaine de romans qu’elle a signés nous plonge dans un univers dérangeant, macabre et amoral, bien servi par une écriture raffinée et sans artifice. Native de Nantes, elle a longtemps vécu à Francfort où elle a œuvré comme journaliste pour les pages culturelles de la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Cette collaboration lui a valu d’effectuer de nombreux voyages dans les Indes et dans les îles de Krakatoa, Sumatra et Java, un décor exotique dont est empreinte une bonne partie de son œuvre, des Rajahs blancs (1986) au roman posthume Chaque jour est un arbre qui tombe. Moins dans l’intention de choquer que par simple libre-pensée, Gabrielle Wittkop affectionne les thèmes scandaleux. Dans Le nécrophile (1972), elle rédigeait le journal intime de Lucien N, un antiquaire parisien amateur de statuettes japonaises et de chairs en décomposition. Dans La marchande d’enfants (2003), elle faisait le récit épistolaire d’une tenancière de bordel d’enfants sur fond de tourmente révolutionnaire. Dans la lignée de La mort de C. (1975), qui est sans doute son texte le plus poignant, Chaque jour est un arbre qui tombe prend la forme d’un journal imaginaire à deux voix, celui d’une femme, Hippolyte, et de son double critique, tandem narratif qui ne va pas sans rappeler le dédoublement de Nathalie Sarraute dans son autobiographie Enfance. Dans le récit de Wittkop, la première voix relate au « je » ses expériences passées, en regard du temps et de la mort ; l’autre voix, qui emploie la troisième personne, observe et juge Hippolyte d’un œil inflexible et philosophe. Singulière et entière, Gabrielle Wittkop bénéficie déjà d’un solide lectorat en Allemagne. Son œuvre, traduite en une dizaine de langues, se démarque par le déconcertant mélange qu’elle opère entre la perversité et la pudeur, le sadisme et la sophistication.
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