Depuis sa parution, Champagne a su s’attirer l’éloge des critiques et des lecteurs. Il faut dire que Monique Proulx écrit bien, comme on le sait depuis Le sexe des étoiles. On entre dans l’univers de son sixième livre comme on entrerait dans une forêt, sommée de mousse, de champignons, d’animaux et d’habitants à l’abri du bruit et de la vitesse de la ville. À l’abri de la détresse collective. Au bord du lac à l’Oie, enchanteur, quelque part dans les Laurentides. Ça fait du bien, c’est reposant. Puis l’on se rend compte que derrière ce calme se cachent des drames sourds, irréconciliables.
L’histoire nous est révélée à travers le point de vue de plusieurs personnages. Tour à tour, ce sont Lila, Claire, Simon, Marianne, le petit Jérémie et d’autres encore qui racontent. Le récit de l’un complète la version d’un autre. C’est ainsi que les secrets se tissent et que le lecteur veut savoir ; Monique Proulx maîtrise l’art de tenir le lecteur en haleine. Par ailleurs, sa pétillante écriture fourmille de descriptions fort magiques de la nature, et particulièrement des fleurs. Un constant va-et-vient entre l’action des personnages et l’étude détaillée des éléments de la nature crée tout un univers thématique végétal. On dirait que les personnages sont enfouis dans ce monde végétal en une sorte d’osmose étourdissante.
Que ce soit par la bonté, incarnée par Simon le kayakiste qui déclame des prières pour les démunis de la Terre, les relations estivales illicites, les chasseurs ou les promoteurs irresponsables, qui finiront par le payer de leur peau, Champagne fait vivre toutes les émotions qui germent ou pourrissent dans ce coin de campagne. Le bonheur éclatant côtoie la peine, l’incompréhension et l’amertume, ce qui fera dire à l’un des personnages en détresse : « […] les souvenirs heureux sont des armes fourbes qui vous saignent à blanc ». On y reconnaît l’écriture de Monique Proulx, passionnée, qui dépeint avec un réalisme fou le beau comme le laid.
Ce roman de Monique Proulx en est un de contemplation et d’émerveillement, même devant ce qui fait mal. Il incite à profiter de la vie, elle qui peut si facilement nous glisser entre les doigts. Il donne le goût de prendre son baluchon et de partir au chalet, dans la nature, de s’enfouir les orteils dans la mousse verte