Avant la parution de son premier livre, le Montréalais Neil Smith avait déjà obtenu trois nominations au Journey Prize pour des récits publiés dans des revues littéraires. Prix important de la littérature canadienne, le Journey Prize, accompagné d’une bourse de 10 000 $, est attribué annuellement à un auteur de la relève, et rares sont ceux qui en ont été finalistes plus d’une fois. On peut alors comprendre que les éditeurs canadiens se soient arraché le manuscrit de Bang Crunch, le recueil de nouvelles de Smith que Les Allusifs livraient fin 2007 au lectorat québécois, sous le titre de Big Bang, dans une traduction réussie de Lori Saint-Martin et Paul Gagné.
On avait raison d’attendre le livre. Dans les huit nouvelles audacieuses de Big Bang, Smith donne libre cours à sa vivante imagination. Les personnages y affrontent l’humaine défaillance de leur corps : grossesse interrompue prématurément, tumeurs bénignes (bénignes, vraiment ?), vieillissement accéléré, syndrome de La Tourette, trop longue agonie, pulsions redoutées provoquées par un autre homme, ou par une bouteille de chardonnay. Ces involontaires ratés les projettent aux limites de la solitude et de la confiance, dans un questionnement difficile sur leur identité. Difficile, mais rendu par une écriture drôle, intelligente, vraie. Le lecteur croit à l’histoire des personnages, même improbable, parce qu’elle est narrée avec une empathie contagieuse, parce qu’il comprend chacun d’entre eux et leur espère une fin heureuse.
Bref, la rencontre entre le lecteur et le recueil a lieu. Et l’œuvre de Smith donne au lecteur une autre raison de l’aimer : elle recrée agréablement Montréal et l’expose dans la dualité culturelle qui lui est propre. La ville chérie donne naissance à un écrivain anglophone qui maîtrise la subtile équivoque des mots, et il le lui revaut bien.