Au nord de nos vies rassemble neuf récits se situant au confluent de la nouvelle, de l’essai et du témoignage. Neurochirurgien de « la civilisation sudiste », le narrateur a choisi de pratiquer la médecine dans le Grand Nord du Québec, parce qu’il estime qu’« aborder les corps ne suffit pas [et que] c’est de l’Âme du monde qu’il faut se préoccuper ». Parce que, en outre, sensible à la question des existentialistes (Que faire contre l’absurde ?), il trouve en cet espace d’abord hostile à la vie matière à la « révolte » chère à Camus. Parce que, enfin, il estime que les valeurs amérindiennes – ou ce qui en reste – indiquent la juste direction, une issue sensée à la déliquescence et à l’hystérie collective de la société dominante. D’où le titre ! Beau
Dans les grands espaces, puissants, superbes (la toundra, les rivières, les paysages dans le blizzard déchaîné), dans les villages sans assise solide à cause du pergélisol, dans l’hôpital, le narrateur côtoie plusieurs figures marquantes d’Inuits. Chacune alimente sa réflexion sur la complexité de la cohabitation entre autochtones et allochtones, due aux extraordinaires différences de leurs valeurs et, partant, de leurs conceptions de la vie et de la mort. Il y a Papy, vieil Inuit fier, avec qui le narrateur chasse, pêche et apprend ce qu’est une mort digne ; Akinésie, 13 ans, qui aurait dû selon les lois naturelles mourir à cause d’une anorexie néonatale, mais que le personnel blanc du dispensaire, formé au combat thérapeutique, a récupérée, la condamnant à n’être capable que de pousser des hurlements intermittents : figure emblématique d’un peuple sacrifié
Mais, s’il aime profondément les Inuits, le narrateur ne tombe cependant pas dans le piège de l’angélisme. Deux adolescents, sous l’emprise du haschisch, concluent un pacte de suicide. Une très jeune enfant est violée et son entrejambe n’est plus qu’un chaos de chairs, qu’il recoud, bouleversé et révolté. Désœuvrement, drogue, alcool, violence : le bilan pourrait être sinistre et forte, l’envie de renoncer. Et pourtant, les neuf récits de Jean Désy disent la confiance dans les forces du Nunavik, peut-être parce que « l’air de la toundra [y] est pur, parmi les plus purs de la Terre » et que « les femmes [y font] des enfants, et une ribambelle ».
Des récits qui remuent le cœur et font le souffle plus large !