Court roman de l’intimité, centré sur les rapports amoureux tissés et desserrés qu’accompagnent toujours manquements et déceptions, Au matin, troisième titre de Linda Amyot, se veut l’examen clinique d’une relation qui s’étiole. À la manière du film de François Ozon, 5×2, le récit présente cinq étapes dans la vie d’un couple, de ses premiers balbutiements dans l’allégresse en 1987 jusqu’à une dernière rencontre vingt ans plus tard. Si Ozon évoquait la relation de la rupture à la rencontre (c’était là l’intérêt du film), Amyot opte plus prosaïquement pour l’ordre chronologique, mais en utilisant les silences, les ellipses pour asseoir dans les blancs du texte tous les nSuds qui peuvent entremêler puis enserrer deux individus. Ainsi, Marie pose un regard à la fois tendre, fasciné et avide sur Simon, avec qui elle va vivre une passion qui s’émoussera.
Dans chacun des épisodes décrits, Marie détaille sa perspective, met en lumière ses pulsions, ses espérances, ses craintes, se révèle en fonction de sa relation avec Simon, sans que celui-ci ait une véritable présence dans le récit. Simon est toujours gardé un peu à distance par la narration de Marie, comme si son attachement à son égard devait se traduire par un certain éloignement de l’autre afin de ne pas être complètement sous son emprise. Il en résulte une confession amoureuse douce-amère où l’essentiel est tu, évoqué en l’absence de l’être aimé. Dans un tel contexte, Marie décrit, d’épisode en épisode, non seulement sa relation avec Simon, mais ses amitiés féminines, son rapport à la famille élargie, ses complicités et ses bavardages avec Ysa, installée au Mexique. C’est à travers ces conversations, ces évocations de la maladie, de l’amour, de la création, de la maternité heureuse ou heurtée que le roman acquiert un intérêt. Ce contrepoint à la relation banale mais forte entre Simon et Marie ouvre le roman par petites touches et évoque une saisie intime du monde, où l’ailleurs informe et travaille la vie somme toute bien installée et confortable de la narratrice.
À partir d’un sujet très commun, Linda Amyot, sans renouveler le genre et dans une prose délicate et efficace, parvient à éviter de s’enliser dans ce couple en érosion pour montrer les ressources de la résilience et de l’amitié.