Signe des temps, le Québec se permet de contester le Vatican. Certains analystes foncent à visière levée en dénonçant le fossé qui s’élargit entre la société moderne et un cléricalisme demeuré péremptoire. D’autres, comme Alain Lafrance, enfourchent plutôt la trajectoire romanesque. Il imagine ce que serait la réaction de l’aréopage romain si surgissait à la face du monde une inexplicable force miraculeuse. La question n’est pas, et Lafrance ne perd pas son temps à tenter la chose, d’expliquer le pourquoi et le comment de ce pouvoir. L’auteur tient pour acquis, ce qui est le droit le plus strict du romancier, qu’une femme existe qui trace un sillage d’indiscutables miracles en promenant partout et généreusement son aura lumineuse. Une thaumaturge est là qui guérit, apaise, console, et qui, forcément, mystifie. Une Église qui aime s’approprier les miracles et en réserver la paternité à son Dieu se contentera-t-elle d’observer le phénomène ? Poser la question, c’est déjà y répondre : Rome ne laissera pas le miracle à l’écart de la paternité divine. Lafrance, pourtant, fait mieux. Pour préciser et circonscrire l’enjeu, il imagine qu’une autre source de miracles a surgi à l’autre bout du monde, en terre islamique et sous la forme assurément symbolique d’un agneau. S’ouvre ainsi la voie à une délicate comparaison entre la réaction du Vatican et celle de l’Islam. Laquelle des deux orthodoxies saura se taire élégamment devant l’inexplicable ? Laquelle s’inclinera avec la plus louable humilité devant le pouvoir miraculeux qui lui échappe ?
Lafrance aura beau spécifier, comme il se doit, que « toute ressemblance avec des faits ou des personnages existants ne serait que pure coïncidence », son assaut porte avec efficacité sur des institutions clairement et socialement identifiables. La critique, qui s’avance (mal) masquée, n’en est que plus meurtrière. Le filon, nouveau sous nos latitudes, est si prometteur que déjà Lafrance promet une suite…