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Auteur/autrice : Neal
Liens vers d’autres sites
LIENS VERS LES SITES INTERNET (EN FRANÇAIS) ; POUR EN SAVOIR PLUS !
LEXIQUE
Signe des temps, les sigles se multiplient Ce lexique succinct permet de savoir ce que veulent dire les abréviations si souvent employées dans ces pages.
ALE : Accord de libre-échange
ALENA : Accord de libre-échange nord-américain
AMI : Accord multilatéral sur les investissements
BID : Banque interaméricaine de développement
BRI : Banque des règlements internationaux
BM : Banque mondiale
CCIFQ : Centre de coopération interuniversitaire franco-québécois
FMI : Fonds monétaire international
GATT : General Accord on Tariffs and Trade
MERCOSUR : Mercado Comun del Sur
OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques
OIT : Organisation internationale du Travail
OMC : Organisation mondiale du commerce
ONG : Organisation non gouvernementale
ZLEA : Zone de libre-échange des Amériques
Les sites officiels http://www.AmeriquesCanada.org/
En ligne, les « questions et événements qui rassemblent l’hémisphère ».
À consulter, en particulier, les rubriques suivantes :
« Pays », qui propose en ligne des monographies complètes sur les 34 pays participants ;
« Parc », le cybermagazine culturel de l’hémisphère, avec notamment un chapitre consacré au « Pays du mois » et un autre intitulé « Bibliothèque » qui propose des notices bio-bibliographiques sur les grands auteurs des Amériques ; les visiteurs peuvent en outre participer à un « Quiz » ;
« Savoir et culture » qui offre un volet « Éducation ».
Ce site est lisible en français, en anglais, en espagnol et en portugais.
http://www.ville.quebec.qc.ca/accueil/index.shtml
Le site de la Ville de Québec, qui propose de multiples rubriques et des liens.
« Capitale du Québec, berceau de la civilisation française en Amérique du Nord, joyau du patrimoine mondial de l’UNESCO, ville portuaire, Québec est une ville unique ».http://www.mri.gouv.qc.ca/
Site du ministère des relations internationales du Québec.http://www.monde-diplomatique.fr/index/sujet/mondialisation
Le Monde diplomatique propose en ligne une multitude d’informations précieuses sur la mondialisation, avec des articles de grands spécialistes, un glossaire des conflits et une suggestion de livres. Une référence !http://www.uquebec.ca/mondialisation/reseau_mondialisation/
« Vous pouvez dès maintenant consulter le spécial Mondialisation (printemps 2001) du magazine Réseau (Université du Québec) : la table est mise, mais pour qui ? ». Le pour et le contre, les gains et les pertes, le point de vue des environnementalistes, des syndicalistes et des économistes ; Sommet des Amériques, Sommet des peuples : l’implication de l’Université du Québec aux événements d’avril à Québec.Dossier de l’hebdomadaire L’Express – La mondialisation en question : Croisade contre la mondialisation ; Le petit monde de Porto Alegre ; Les pros de l’antimondialisation ; Ralph Nader contre l’OMC ; Les Robin des champs ; L’association ATTAC
http://www.amis.monde-diplomatique.fr/
« Ici, vous avez rendez-vous avec la citoyenneté ». À lire en ligne des articles (Les chantiers de la citoyenneté), dont celui de Ricardo Petrella : « Encore des pas en avant ».http://www.mondialisations.org/
Groupe d’études et de recherches sur les mondialisations. De nombreux articles et textes en ligne.http://www.cyberie.qc.ca/dixit/
Dixit Laurent Laplante ou « critiques politiques de l’actualité nationale et internationale » : le site du collaborateur de Nuit blanche, qui a notamment rédigé un article sur la « Mondialisation toujours infaillible ? ».
Autres sites
http://attac.org/
L’association ATTAC (Association pour une taxation des transactions financières pour l’aide au citoyen), fer de lance de toutes les actions anti-mondialisation, est née en France ; elle a essaimé dans une quinzaine de pays. Une de ses principales revendications est l’adoption de la taxe Tobin destinée à décourager la spéculation financière.ATTAC Québec : http://attac.org/quebec/zlea/index.htm
http://www.mondialisation.com/
« Le Mondialisation points de repère (Mpdr) vous présente, par des articles concis, l’essentiel de l’actualité sur la mondialisation ». Voir en particulier les résumés de livres et les dernières parutions en matière de mondialisation.http://www.cmaq.net/
Le Centre des médias alternatifs du Québec est « dédié aux activités qui se dérouleront avant, pendant et après le sommet des chefs d’État des Amériques qui se tiendra en avril 2001 à Québec de même qu’aux enjeux qui sont soulevés par l’éventuelle création de la zone de libre-échange des Amériques ».http://www.alternatives.ca/rqic/
« Le Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC) existe depuis 1994. Il a développé des liens et des échanges avec des réseaux semblables au Canada, au Mexique, et aux États-Unis d’abord et aussi, plus récemment, au Brésil, au Chili, au Pérou, et en Amérique centrale. Le Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC) est une coalition composée d’organisations populaires, syndicales, de coopération internationale, communautaires et environnementales ainsi que de groupes de recherche. Il a pour objectif de proposer une vision du développement des Amériques respectueuse des droits sociaux, des droits des travailleuses et travailleurs et des droits humains, et de promouvoir la démocratie, la participation, le respect de l’environnement et l’élimination de la pauvreté sur le continent ». Liens vers les membres du Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC):Amnistie Internationale, Section canadienne francophone
Association québécoise des organisations de coopération internationale
Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Centre d’études sur les régions en développement (CERD-McGill)
Centre international de solidarité ouvrière (CISO)
Centre québécois du droit de l’environnement (CQDE)
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Développement et paix
Fédération des femmes du Québec
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
Groupe de recherche sur l’intégration continentale (GRIC-UQAM)
Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE)http://www.microtec.net/pcbcr/demo.html
En ligne, tous les grands textes fondateurs : Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, Charte canadienne des droits et libertés, etc.http://www.philo.uqam.ca/
Séminaire virtuel de philosophie du droit (dans le contexte de la mondialisation) sous l’égide de la chaire UNESCO d’étude des fondements philosophiques de la justice et de la société démocratique au département de philosophie de l’Université du Québec à Montréal (projet subventionné dans le cadre de l’Université virtuelle francophone de l’AUPELF-UREF. ON y trouve aussi des textes fondamentaux en ligne.http://www.reseau-amerique-latine.fr/index2.html
Réseau Amérique latinehttp://www.u-clermont1.fr/cerdi
Centre d’études et de recherche sur le développement internationalhttp://www.cepii.fr
Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII)http://www.juris.uqam.ca/cedim
Centre d’études sur le droit international et la mondialisation (CÉDIM)http://www.sice.oas.org/
SICE, le Système d’information du commerce extérieur offre via Internet des renseignements sur l ‘intégration économique des Amériques et des données sur le commerce.http://www.unites.uqam.ca/gric/
Le Groupe de recherche sur l’intégration continentale (GRIC) de l’Université du Québec à Montréal – une unité de recherche du Centre Études Internationales et Mondialisation (CEIM) – s’est donné pour mandat d’approfondir l’étude du phénomène de l’intégration économique internationale tel qu’il prend forme dans les Amériques. Dossier spécial : Le régionalisme dans les Amériques.http://www.manifesteau.qc.ca/
Association québécoise pour un contrat mondial de l’eau. « L’eau c’est la vie. La vie n’est pas une marchandise ».http://www.focal.ca
Fondation canadienne pour l’Amérique latine (FOCAL). Ses publications (analyse politique, rapports de conférences, recherches) sont disponibles en format PDF.http://www.acdi-cida.gc.ca/index.htm
L’Agence canadienne de développement international est au cœur de l’action du Canada en Amérique latine et dans les Antilles depuis plus de trente ans. « Notre vision commune ‘ une croissance économique équitable ‘ prend forme étape par étape et le développement social constitue une composante essentielle de cette croissance économique équitable dans l’hémisphère ».http://www.acs-aec.org/francais.htm
Association des États de la Caraïbe (AEC)http://www.iadb.org/exr/frepor/frehome.htm
Banque Interaméricaine de Developpement (BID)http://www.France.indymedia.org/
Independant Media Center est un réseau d’information international créé à l’occasion de la mobilisation de Seattle. Contient des informations sur les groupes anti-mondialisation.
Sites institutionnels
http://www.nafta-sec-alena.org/
Le Secrétariat de l’ALÉNA, qui comprend la Section canadienne, la Section des États-Unis et la Section mexicaine, est un organisme particulier établi par la Commission du libre-échange aux termes de l’article 2002, chapitre 20 de l’ALÉNA pour administrer les dispositions de l’ALÉNA relatives au règlement des différends.http://www.worldbank.org/
Banque mondialehttp://www.imf.org
Fonds monétaire international (FMI)http://www.bis.org/index.htm
Banque des règlements internationaux (BRI)http://www.oecd.org
Organisation de coopération et de développement (OCDE)http://www.g77.org/
Groupe des 77http://www.group30.org/
Groupe des 30http://www.ilo.org/public/french/index.htm
Organisation internationale du travail (OIT)http://www.undp.org/
Site du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).http://www.uncitral.org/
Commission des Nations Unies pour le droit international (CNUDCI)http://www.mic.gouv.qc.ca
Ministère de l’Industrie et du Commerce du Québec (MIC)http://www.dfait-maeci.gc.ca
Ministère des Affaires étrangères et du commerce international (Gouvernement du Canada).
Bibliographie sur la mondialisation
« Mondialisation : n.f. (1962 ; de mondial).
Le fait de devenir mondial, de se répandre dans le monde entier. »[Le petit Robert]« L’air du temps rime avec mondialisation. Rarement a-t-on vu un mot affublé de tant de vertus explicatives sur le sens et les tourments de cette fin de siècle. Plus encore, la mondialisation serait devenue le passage obligé vers un avenir radieux. Le train passe, il s’agit surtout de ne . . .
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Les absents…
Il était difficile, dans le panorama que nous avons tenté de dresser des littératures des Amériques, de passer sous silence ceux dont les pays, pour des raisons diverses, ne participeront pas au Sommet des Amériques. Il s’agit en premier lieu de Cuba, qui, suite à une résolution prise lors de la 8e réunion de consultation des ministres des Affaires étrangères (1962), est exclu de toute participation à l’OEA ; et des Antilles françaises (Martinique et Guadeloupe), départements d’un État non américain, la France.
CUBA
Au lendemain de la révolution cubaine, de nombreux intellectuels et artistes occidentaux, à la suite d’Ernest Hemingway, ami de Fidel Castro, se sont rendus à La Havane, Cuba figurant alors l’archétype d’un régime où les barrières de classe n’entravaient plus la liberté intellectuelle. Tentation d’autant plus grande que certains des plus célèbres écrivains cubains (Alejo Carpentier et José Lezama Lima par exemple), ainsi que le poète Nicolás Guillén, soutenaient le régime castriste. Le prestigieux Prix Casa de las Americas devint une consécration recherchée. D’autres auteurs cubains choisirent néanmoins l’exil, tels Guillermo Cabrera Infante, Reinaldo Arenas, Severo Sarduy ou encore Zoé Valdés.
Depuis 1959, on peut ainsi définir deux « écoles » littéraires majeures, quasi antithétiques : celle de la Révolution, officiellement reconnue par le régime castriste, d’une part ; celle de l’exil d’autre part, dont l’une des plus imposantes figures est Guillermo Cabrera Infante qui a acquis la nationalité britannique.
La Casa de las Americas
Mensuel cubain créé en 1964, publié par l’association culturelle homonyme qui comptait à l’origine des collaborateurs majoritairement cubains, La Casa de Las Americas a d’abord publié des textes littéraires, avant de s’ouvrir à des auteurs non hispanophones et de se consacrer plus largement à l’esthétique, à la philosophie et aux sujets politiques.
Le Prix du même nom, fondé en 1960, couronne une fois par an recueils de nouvelles, œuvres poétiques, dramatiques, essais, études littéraires, qui traitent de thèmes latino-américains. Parmi les lauréats, citons entre autres Roberto Sosa, Claribel Alegria, Roque Dalton, Anthony Phelps.
ANTILLES FRANÇAISES
La Martinique et la Guadeloupe, deux départements français de la zone antillaise, ont donné naissance à des écrivains majeurs, têtes de file et représentants de la créolité.
Si Saint-John Perse et Aimé Césaire, bien sûr, sont parmi les auteurs antillais les plus souvent cités, on pensera aussi à cette nouvelle génération d’écrivains dont on parle abondamment : Patrick Chamoiseau qui reçut le Prix Goncourt pour Texaco en 1992, ainsi qu’Édouard Glissant, Raphaël Confiant, Maryse Condé ou encore Ernest Pépin.
À lire : Éloge de la créolité, par Raphaël Confiant et Patrick Chamoiseau, Gallimard-Presses universitaires créoles, 1989.
Voir aussi : « Patrick Chamoiseau, L’imaginaire de la diversité », entrevue par Michel Peterson, no 54, décembre 1993, janvier-février 1994 et Spécial 15e anniversaire, no 69, hiver 1997 ; « Un monde à plat ? La négritude à l’épreuve de la créolisation », par Michel Peterson, , p. 46-49 ; « L’odeur de la mère », entretien avec Maryse Condé, par Michel Peterson, -2000.
« Maryse Condé est aujourd’hui partout. Récemment, elle participait au colloque Afro-Caribbean Connections, organisé par le département des langues modernes du Borough of Manhattan Community College. On y présentait des exposés autant sur les discours féministes cubains que sur le mambo et le vaudou, le tout agrémenté de dégustations de plats caribéens. Tout n’est-il pas désormais dans tout, pour le meilleur et pour le pire, mais surtout selon les diktats des apôtres de la mondialisation de l’économie sauvage, c’est-à-dire de la dénégation de l’histoire et de la croissance du déficit humain ?
Il est heureux, dans un contexte où les littératures antillaises offrent, avec quelques autres littératures dites locales ou périphériques, un champ d’écritures et de parlures ouvrant de façon inédite les frontières de l’humanité, que soit réimprimé La vie scélérate1, ce vaste roman familial publié la même année que Traversée de la mangrove et qui perce le coffre aux mémoires, volontaires et involontaires, de l’exploitation généralisée ».
« Maryse Condé, L’odeur de la mère », article de Michel Peterson, no 77, hiver 1999-2000.
1. La vie scélérate, par Maryse Condé, Seghers, Paris, 1998 [1987], 334 p.
La littérature amérindienne
La production littéraire des Indiens d’Amérique est un objet d’étude particulièrement vaste : il englobe en effet les territoires de toutes les civilisations amérindiennes, du grand Nord à la Terre de Feu.
Les politiques d’extermination systématique de la part des colonisateurs, et les phénomènes d’acculturation par la suite, ont anéanti à tout jamais les manifestations de la culture amérindienne. Si un mouvement relativement récent tente de divulguer les mythes, les contes et les coutumes ancestraux, il n’en est pas moins une ébauche de préservation fort . . .
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Caraïbe
« La mémoire du grand fleuve noir que l’on a fait couler des Afriques aux Amériques »
René Depestre, Ainsi parle le fleuve noir, Paroles d’Aube.La parenté entre littérature de la Caraïbe et celle des métropoles fut manifeste jusqu’au XXe siècle. La notion de « West Indian literature » apparaît après la Seconde guerre mondiale dans les îles anciennement britanniques et c’est seulement dans les années 1960 que naît dans les îles autrefois espagnoles et françaises un ton nouveau et que commence réellement l’exploration d’une spécificité caribéenne, avec notamment le retour aux sources de la négritude B notion qui retourne en positif ce que le terme « nègre » a de péjoratif, et qui est due à Léopold Sedar Senghor et au poète guadeloupéen Aimé Césaire B avec l’utilisation de plus en plus répandue de la langue créole. Il serait plus juste de parler des langues créoles, tant sont nombreux les dialectes nés du contact des populations d’origine européenne et d’origine africaine, qui véhiculent un riche folklore oral. Les traditions populaires (vaudou par exemple) sont réhabilitées, d’abord par l’ethnologue Jean Price-Mars, auteur en 1928 de Ainsi parla l’oncle, dont l’école indigéniste adopte la formule, « être soi-même, le plus possible » ; il est bientôt suivi par de nouveaux romanciers qui choisissent de célébrer leur pays, leurs coutumes, ou de condamner la misère généralisée.
La problématique de l’insularité, apparemment incompatible avec la quête d’universalité, parcourt communément romans et poèmes. Le thème de l’expatriation dans les métropoles est courant ; le poète ou le romancier, s’il exalte la splendeur du cadre naturel, confère ainsi à son œuvre une empreinte autobiographique, où la quête incessante d’une identité culturelle, la revendication idéologique – d’un héritage africain notamment – prédominent.
Les influences de plusieurs langues et de plusieurs origines ont ainsi marqué la culture caribéenne ; une multitude d’influences qui ont fait de cette région un espace cosmopolite et exubérant. « Rendons d’abord à l’histoire des Indes occidentales (avec ses mythes et ses réalités sui generis, écrit René Depestre, ce qui lui appartient en propre : un écosystème de civilisation et de culture où, depuis 1492 B sur le plan social, religieux, musical, plastique, littéraire B le baroque, le picaresque, l’épique, l’onirique, le magique, l’érotique, le carnavalesque, profusément conditionnés par une dynamique de créolisation, n’ont pas arrêté de s’interpénétrer, se recouper vivacement entre eux, se contrarier ou s’interféconder avec une folle exubérance. » (Magazine littéraire, octobre 1998, numéro 369, p. 109).
La Caraïbe a enfanté des auteurs majeurs, au premier rang desquels se trouvent ceux qui ont acquis une réputation internationale, comme le Prix Nobel de littérature Derek Walcott (Sainte-Lucie). On pourrait lui associer Alexis Léger, dit Saint-John Perse (Français né à Pointe-à-Pitre) et García Marquez (Colombien), né sur la côte colombienne et qui est donc Caribéen si l’on considère que la Caraïbe comprend l’ensemble des Antilles et une partie des terres bordant la mer des Antilles. Un palmarès exceptionnel compte tenu de l’exiguïté des territoires qui composent la Caraïbe et le nombre d’habitants qui y vivent.
ANTIGUA-ET-BARBUDA
État des Antilles
442 km2
85 000 habitants : Antiguais et Barbudiens
Capitale : Saint John’s
Langue : anglaisJamaïca Kincaid (1949 – )
De son vrai nom Elaine Potter Richardson ; le choix d’un pseudonyme est symptomatique de sa quête d’identité. Son statut d’exilée motive son œuvre, largement autobiographique. Dans Mon frère, Prix Femina étranger en 2000, elle relate l’histoire de son frère Devon, mort du sida, occasion pour elle de revenir sur sa relation avec une mère tyrannique dont la « manière de nous aimer pouvait ne pas être la meilleure chose pour nous ». Vivant aux États-Unis, elle pose un regard critique sur son île natale et sa petitesse étouffante qu’elle oppose à l’opulence insouciante de l’Amérique du Nord.Mon frère, trad. par J.P. Carasso et J. Huet, éd. de l’Olivier, Paris.
BAHAMAS
(anciennement Lucayes)
État des Antilles
13 900 km2
280 000 habitants : Bahamiens
Capitale : Nassau
Langue : anglaisRobert Antoni (1958 – )
Né aux États-Unis mais arrivé aux Bahamas à l’âge d’un an, Antoni est influencé par la culture étasunienne et par le postmodernisme.
BARBADE
État des petites Antilles
431 km2
263 000 habitants : Barbadiens
Capitale : Bridgetown
Langue : anglaisEdward « Kamau » Brathwaite (1930 – )
Précurseur de la créolité, sa poésie, qui s’inspire de la tradition orale, évoque la culture caribéenne et les racines africaines. Il a publié de nombreux enregistrements de lectures de ses œuvres. Il aime employer la métaphore des vents qui ont traversé les déserts d’Afrique, transportant avec eux des particules d’humanité.
George Lamming (1927 – )
Il est l’un des chantres de la renaissance caribéenne parmi les exilés en Angleterre, notamment avec V.S. Naipaul. Son œuvre embrasse plusieurs genres : fiction, poésie, critique… Il évoque en particulier la quête d’identité, qui se caractérise par de nombreux détails autobiographiques pour remonter aux racines de l’âme caribéenne.Les îles fortunées, trad. par Audry et Etienne, Julliard, 1954 ; Age et innocence, trad. par C.L. Charbonnier, éd. caribéennes, 1986.
DOMINIQUE
État des petites Antilles
751 km2
71 000 habitants : Dominiquais
Capitale : Roseau
Langue : anglais
GRENADE
État des petites Antilles
344 km2
92 000 habitants : Grenadiens
Capitale : Saint George’s
Langue : anglais
HAÏTI
État des Antilles
27 750 km2
7,3 millions d’habitants : Haïtiens
Capitale : Port-au-Prince
Langue : créole et françaisJacques Stephen Alexis (1922 – 1961)
Né aux Gonaïves, ville du Nord d’Haïti où l’indépendance fut proclamée en 1804, Alexis est marqué par le contexte politique de son pays (avec l’occupation étasunienne de 1915 à 1934), et par l’influence intellectuelle de Jacques Roumain. Il est l’auteur de Compère Général Soleil, où il fait sur un mode lyrique une plaidoierie engagée de la réalité sociale terrassante de son pays dont le héros, comme Alexis lui-même par le régime de Duvallier, est assassiné.
Louis-Philippe Dalembert (Port-au-Prince, 1962 – )
Poète et romancier, grand voyageur, Dalembert fut le pensionnaire de la prestigieuse Villa Médicis. Son roman Le crayon du bon Dieu n’a pas de gomme (Stock, 1996) est une remontée dans le temps pour retrouver, après un quart de siècle, l’enfance perdue. L’autre face de la mer (Stock), dialogue entre une grand-mère et son petit-fils, se situe également en Haïti.
René Depestre (Jacmel, 1926 – )
Contestataire, communiste engagé et anticolonialiste, il s’exile d’abord à Cuba puis en France pour fuir le régime de Lescot. Son roman Mât de cocagne, à la prose élégante, dresse un portrait allégorique d’une dictature, où l’on reconnaît la réalité haïtienne. Il se détache néanmoins de l’inspiration idéologique pour donner une dimension universelle à ses poèmes. Poète, essayiste, et romancier, il reçoit le Prix Renaudot en 1988 pour son apologie de la sensualité, Hadriana dans tous mes rêves (Gallimard), et le Prix Apollinaire en 1993 pour son Anthologie personnelle (Actes Sud).
Frankétienne (1936- )
Enseignant, peintre, comédien, poète et dramaturge, il est l’un des fondateurs du mouvement dit spiraliste avec René Philoctète notamment. Écrivain inclassable qui cultive un univers fantasmagorique, il a écrit en créole et en français, et a été publié dans son pays natal et au Québec. Dans L’oiseau schizophone (éd. Jean-Michel Place, 1998), un certain Philémond Théophile, dit Prédilhomme, est kidnappé par des agents secrets du régime zozobiste : son châtiment consistera à avaler toutes les pages de son livre.
Jean Price-Mars (1876-1969)
Ethnologue, il écrit un essai fondateur : « Nous n’aurons de chance d’être nous-mêmes que si nous ne répudions aucune part de l’héritage ancestral », écrit Price-Mars dans sa « Glorification des ancêtres » (Ainsi parla l’oncle, Leméac, Montréal, 1972).
Anthony Phelps (1928 – )
Poète et romancier exilé au Canada, comme de nombreux compatriotes, il a fondé dans les années 1960, avant son expatriation, le groupe Haïti littéraire et la revue Semences, avec notamment les poètes Davertige, Legagneur, Morisseau, Thénor et Philoctète. Phelps fut deux fois lauréat du Prix Casa de las Americas.Orchidée nègre, (poésie), Triptyque, 1987 ; Haïti ! Haïti !, (roman), Libre expression, 1985.
Jacques Roumain (Port-au-Prince, 1907 – Mexico, 1944)
Il est l’auteur d’un roman social qui récuse tout pittoresque, Gouverneurs de la rosée (Éditeurs français réunis, 1944), sorte de défense et illustration du marxisme et apologie de la négritude, qui mélange créole et français.
JAMAÏQUE
État des Antilles
11 425 km2
2,5 millions d’habitants : Jamaïquains
Capitale : Kingston
Langue : anglaisErna Brodber (1940 – )
L’œuvre d’Edna Brodber se caractérise par un fort engagement dans la collectivité et par des préoccupations d’ordre social. Elle s’efforce, comme tous les protagonistes féminins de ses romans, de comprendre le passé et le legs de la tradition orale des aînés. Sensible à la cause féministe, elle tente de transmettre l’acceptation de la diversité et de lier entre eux des groupes apparemment opposés.
Claude McKay (1889 – 1948)
Claude Mac Kay est né dans une famille de cultivateurs infortunés, dont il est le onzième et dernier enfant. Profondément marqué par l’esclavagisme et la pauvreté, il écrit une oeuvre à thématique sociale qui exalte également la nature de son pays. « Les peuples primitifs peuvent être frustres et rudes, ils ne sont jamais grossiers ; la grossièreté n’est qu’une plaie coûteuse de la civilisation » écrit-il dans Banjo (trad. par Treat et Vaillant-Couturier, Rieder, 1931).
RÉPUBLIQUE DOMINICAINE
État des Antilles
48 400 km2
8 millions d’habitants : Dominicains
Capitale : Saint-Domingue
Langue : espagnolManuel del Cabral (Santiago de los Caballeros, 1907 – 1999)
Del Cabral se refuse à admettre l’existence d’une poésie indigène mais publie des recueils poétiques tels que Doce poemas negros et Compadre Mon : « Il est des morts qui montent de leur tombe lorsque le cercueil y descend ». Son œuvre d’inspiration métaphysique ou antillaise, comporte des romans (Antología tierra, Pedrada planetaria), des poèmes en prose (30 parábolas) et des nouvelles (El presidente negro).Saveur d’ombre, trad. par F. Verhesen, Le Cornier (Bruxelles), 1978.
SAINT-KITTS-ET-NEVIS
État fédéral des petites Antilles
269 km2
50 000 habitants : Kittitiens et Néviciens
Capitale : Basseterre
Langue : anglaisCaryl Phillips (1958 – )
Sa vie et ses travaux, de son propre aveu, ont d’une certaine manière été définis par l’océan qui sépare l’Angleterre des Caraïbes et l’Amérique du Nord de l’Afrique. Pour aborder la question des dualités inhérentes à sa vie et à sa culture, il compare la situation des Caraïbes à celle de toutes sortes de démunis et de groupes marginaux tels que les Juifs pendant l’Holocauste ou les femmes à l’ère victorienne : il atteint ainsi à l’universalité. Dans La nature humaine (Mercure de France), s’imbriquent les histoires de juifs condamnés à connaître l’enfer, les premiers brûlés vifs sur la place Saint-Marc, en 1480, la seconde, Eva, dont les parents meurent dans les fours crématoires allemands, ou encore celle d’une jeune juive éthiopienne victime de discriminations sur la terre promise d’Israël, sa nouvelle patrie.
SAINT-VINCENT-ET-LES-GRENADINES
État des petites Antilles
388 km2
120 000 habitants : Saint-Vincentais-et-Grenadins
Capitale : Kingstown
Langue : anglais
SAINTE-LUCIE
État des petites Antilles
616 km2
150 000 habitants : Saint-Luciens
Capitale : Castries
Langue : anglaisDerek Walcott (Castries, 1930 – ) PRIX NOBEL DE LITTÉRATURE 1992
Orphelin de père, il est élevé avec son jumeau Roderick par sa mère, proviseure du lycée méthodiste de Castries. « Comment choisir / entre cette Afrique et cette langue anglaise que j’aime ? / Trahir l’une et l’autre, ou rendre ce qu’elles m’ont donné ? « , s’interroge Walcott, poète et dramaturge influencé par les avant-gardes avant de se tourner vers les traditions orales antillaises. Son œuvre amalgame des caractéristiques à la fois classiques et de la tradition caribéenne. C’est sans doute le poète que le Nobel a célébré, qui a renouvelé l’usage de la métaphore, maritime surtout, et imposé une dynamique voyageuse. Certaines dualités sont omniprésentes dans son œuvre où s’opposent le blanc et le noir, le colonisateur et le colonisé, l’identité britannique et la caribéenne. Mais plutôt que de se soumettre avec fatalisme au pouvoir de ces forces duales, Walcott s’est efforcé de réaliser une synthèse créative des contraires. Son écriture, comme les thématiques qu’il adopte, sont aussi métissées que ses origines et même si le style est poétique, il peut se nuancer s’il le faut de quelques gloses triviales. Il est parfois associé à la « World fiction », qui rassemble des auteurs comme Carlos Fuentes, Salman Rushdie ou Patrick Chamoiseau. Joseph Brodsky, lui-même Prix Nobel de littérature (1987), ami et admirateur de Walcott, lui a consacré un essai : Le bruit de la marée. L’auteur saint-lucien évoque d’ailleurs leur amitié dans un de ses poèmes, Forêt d’Europe.Éditions Circé/France : poésie – Le royaume du fruit-étoile, trad. par Claire Marcoux ; Heureux le voyageur, trad. par Claire Marcoux ; Arkansas Testament ; – théâtre : Ti-Jean et ses frères, trad. par Paol Keinag ; Raisins de mer, Demoures.
Anobli par la reine Elisabeth II pour services rendus aux lettres anglaises, Naipaul qui manie avec talent ironie et dérision est l’un des plus grands écrivains contemporains de langue anglaise. L’œuvre de ce Caribéen (issu de la communauté indienne dont les aïeux ont quitté l’Inde pour remplacer les esclaves noirs, émancipés en 1834, dans les plantations) est marquée par la quête des origines, dont il a su d’emblée qu’elle était vouée à l’échec. Son père, Seepersad, journaliste à Port of Spain, fut nouvelliste. Son premier roman, Le Masseur mystique (10/18), met en scène un instituteur imposteur qui, en se faisant passer pour guérisseur, parviendra à s’imposer en politique, dans le Trinidad dysfonctionnel d’après-guerre. Observateur attentif, il montre dans Une maison pour M. Biswas (Gallimard, 1985) combien il est difficile d’atteindre à l’indépendance et à la liberté, la maison délabrée du héros tragi-comique de ce roman symbolisant la vaine quête d’un rempart, l’espoir stérile d’une reconstruction. Les thèmes récurrents de son œuvre sont ceux de l’intégration improbable et de la dégradation post-coloniale. Provocateur, au point de se voir parfois « accusé » d’être réactionnaire, il renvoie une image pas toujours flatteuse des pays qu’il croque… Pourfendeur féroce, il pose ainsi un regard lucide et peu amène sur ce qu’il discerne : sur l’Inde, par exemple, où il a un temps envisagé de s’installer, dans L’illustration des ténèbres (10/18). En recherche permanente d’un sens à donner aux choses, Naipaul passe quelquefois pour un historien essayiste, mais ses analyses sur les désordres nés de la décolonisation révèlent surtout l’introspection d’un auteur qui sonde son passé et sa patrie. Un écrivain qu’il ne faut pas manquer !
Bibliographie : Littératures caribéennes comparées, sous la dir. de Colette Maximin, Khartala, 1996 ; Rayonnants écrivains de la Caraïbe (anthologies et analyses Guadeloupe-Martinique-Guyane-Haïti), éd. établie par Régis Antoine, Maisonneuve & Larose ; Noir des Isles, nouvelles de Raphaël Confiant, Gisèle Pineau, Fortuné Chalumeau, René Depestre, Ernest Pépin, Christiane Taubira-Delannon, Gallimard, coll. La Noire, 1995.
Amérique du Sud
« Écrire, c’est bénir une vie qui n’a pas été bénie. »
Clarice Lispector, Rencontres brésiliennes, (entretiens avec Claire Varin), Trois, Québec, 1987.Peut-on définir la littérature de l’Amérique du Sud en quelques mots ? « Cosmopolite » est l’adjectif qui sert le plus souvent à la qualifier dans les anthologies ; un mot qui résonne comme un aveu d’impuissance, puisqu’il veut à peu près tout dire sans rien révéler. « Jeune » et « récente » reviennent aussi régulièrement sous la plume des critiques ; car l’on considère généralement que la rupture avec les usages espagnols fut consommée avec l’émergence des « modernistes » sud-américains.
Le début du XXe siècle voit se développer en Amérique du Sud un mouvement littéraire qualifié d’« indigéniste » qui, à l’inverse de l’« indianisme » du XIXe siècle qui idéalisait l’Indien, dénonce son exploitation par les riches propriétaires fonciers blancs et conteste l’exotisme contraint. Le gaucho, le péon des exploitations de caoutchouc, l’Indien des Andes font leur apparition dans les récits et l’on parlera bientôt de littérature gauchesque. Tandis que la révolution mexicaine (1910-1920) fournira au même moment un autre sujet privilégié par les gens de Lettres.
Littérature d’Amérique du Sud : littérature de témoignage ou de combat ?
On lit ici et là que l’écriture, en Amérique du Sud, s’est toujours accompagnée d’une fonction politique, voire éthique. Les courants littéraires « indigéniste » ou « nouveaumondiste » tendent à accréditer cette option. Laissons la parole à Octavio Paz, qui déclara lors d’une conférence donnée à l’Université de Yale, aux États-Unis, en 1976 : « Notre carence majeure : l’absence d’une tradition de pensée critique comme celle qui existe depuis la fin du XVIIe siècle, dans le reste de l’Occident. […] ces insuffisances n’ont pas fait de nous des citoyens de ce Tiers-Monde inventé par les économistes qui est aujourd’hui la clochette qu’ils font tinter pour attirer les moutons. La clochette est un leurre en vue de la récolte et de l’abattoir. Non, nous écrivons en espagnol, une langue latine : nous sommes une extrémité de l’Occident. Un continent pauvre et ensanglanté, une civilisation excentrique et frontalière. Pourquoi ne pas ajouter que cette désolation s’illumine parfois de lumières vivantes et étranges ? Pauvreté, violence, intolérance, peuples anarchiques, tyrans de toutes les couleurs, règne du mensonge à droite comme à gauche ; mais aussi imagination, sensibilité, délicatesse, sensualité, joie, un certain stoïcisme devant la mort et la vie – génie. Lopez a défini le Mexique comme un pays « espagnol et mauresque, rayé d’aztèque ». La formule n’est pas entièrement applicable au Venezuela ou au Chili, mais l’élément central est commun à tous les pays […]. Les nations américaines, quelles que soient leurs langues, sont le résultat de l’expansion de l’Occident. Nous parlons tous des langues transplantées. Il est impossible de réduire la diversité des œuvres hispano-américaines à quelques traits caractéristiques. Mais ce n’est pas la même chose pour les autres littératures ? Qui pourrait définir ce qu’est la littérature française, anglaise, italienne ? ». Concluons donc avec le grand auteur mexicain et ne nous obstinons pas à vouloir définir la littérature sud-américaine, riche de talents multiples et originaux.
ARGENTINE
État fédéral d’Amérique du Sud
2 780 000 km2
Habitants : Argentins
Capitale : Buenos Aires
Langue : espagnolRoberto Arlt (Buenos Aires, 1900 – id., 1942)
L’autre grand écrivain argentin avec Borges, auquel il fut souvent comparé. Il a été le secrétaire de Ricardo Guiraldes qui l’aida à publier son premier roman. Les sept fous sont selon J. Cortázar « une vision jamais égalée de Buenos Aires et de sa faune ténébreuse et marginale ». Les narrateurs-personnages de Roberto Arlt sont désSuvrés, taciturnes, guettés par la démence, et généralement tourmentés par des pulsions sordides. Dans Le petit bossu, il s’interroge ainsi sur la perversité de la nature humaine : « J’aurais aimé t’offrir un roman aimable comme un nuage rosé, déclare-t-il à sa femme dans la préface, mais les êtres humains ressemblent davantage à des monstres qui pataugent dans les ténèbres qu’aux anges lumineux des histoires anciennes ».Les Sept fous, trad. par I. et A. Berman, Belfond, 1991 ; Le jouet enragé, trad. par I. et A. Berman, Presses universitaires de Grenoble, 1984 ; Les lance-flammes, trad. par L. Mercier, Belfond, 1991 ; Le petit bossu, éd. Cent pages.
Jorge Luis Borges (Buenos Aires,1899 – Genève, 1986)
Tout art réaliste équivalait pour Borges, qui se démarquait des écrivains « engagés », à une imposture. Son œuvre évolue dans un univers fantastique, symboliste quoique profondément personnel. Borges est l’archétype de l’homme de lettres, car les lettres incarnent, expliquent à elles seules le destin de cet écrivain majeur pour qui le paradis ne pouvait être qu’une bibliothèque hétéroclite, peuplée de mythologies, de cauchemars et de labyrinthes. « Éternel candidat au Prix Nobel de littérature qui, chose étrange, lui échappa toujours, Borges était célèbre pour ses nouvelles déconcertantes, qu’il appelait ficciones, de même que pour ses fables, paraboles, essais et poèmes », écrit Don Bell dans Nuit blanche (« Jorge Luis Borges, Jeux avec le temps et avec l’infini », Numéro 38, janvier-février 1990, p. 35) ; « […] Il est un vers de Verlaine dont je ne me souviendrai plus / Il y a un miroir qui m’a reflété pour la dernière fois » écrivait Borges dans son poème mémorable « Limites », évoquant la douleur de vieillir aveugle ».Œuvre poétique, trad. par Ibarra, Gallimard.
Voir aussi : « Borges ou les délices du clair-obscur ».
Paulo Coelho (1947– )
Connu dans le monde entier grâce à L’alchimiste, paru en 1994, Coelho publie en moyenne un roman par an ; où la critique sociale s’accompagne généralement d’une recherche spirituelle. Avec Véronika décide de mourir (Anne Carrière, 2000), il aborde les sujets qui troublent l’adolescence ; Veronika, internée dans un hôpital psychiatrique, veut fuir la « tragédie d’une existence où tout se répète et où le lendemain est toujours semblable à la veille » ; elle devient le cobaye d’un médecin qui veut trouver un traitement contre la démence mais parviendra, dans ce lieu de l’absurde absolu, à conquérir une vraie liberté.
Julio Cortázar (Bruxelles, 1914 – Paris, 1984)
Né à Bruxelles, Cortázar fit des études de traduction en Argentine avant de s’expatrier à Paris en 1952, et fut naturalisé français ; d’abord professeur, il avait renoncé par antipéronisme à une chaire universitaire dans son pays. Dans son œuvre, se mélangent réalisme socio-politique et inspiration fantastique. Il suggère, rend crédible l’intrusion de l’insolite dans la réalité quotidienne, et lâche : « Le futur de mes livres ou des livres d’autrui est le cadet de mes soucis… Un véritable écrivain est quelqu’un qui tend l’arc à fond tandis qu’il écrit et qui le suspend ensuite à un clou pour aller boire un verre avec ses amis » (Julio Cortázar l’enchanteur, Karine Berriot, Presses de la Renaissance, 1988). La ville de Buenos Aires fut sans conteste la grande inspiratrice de son œuvre, constituée de romans et de nouvelles : « Le roman est ce que Umberto Eco appelle l’œuvre ouverte, c’est-à-dire la possibilité de se déplier, de bifurquer. Le roman est un arbre, et la nouvelle est une sphère » a-t-il déclaré à Marcel Bélanger (, p. 22). Dans Le livre de Manuel (trad. par L. Guille-Bataillon, Gallimard, 1987) il narre une histoire fabuleuse : des parents collectent des coupures de journaux argentins et français pour fabriquer un livre d’histoire idéal destiné à leur enfant.Voir aussi : « julio Cortázar : L’écrivain à l’affût », entrevue par Marcel Bélanger, no 6, printemps-été 1982, p. 20-22 ; et Spécial 15e anniversaire, no 69, hiver 1997.
Manuel Gálves (Parana, 1882 – Buenos Aires, 1962)
Gálves, fortement influencé par le naturalisme, est l’auteur de romans sociaux (Maîtresse d’école, Mercredi saint) et de romans historiques sur les guerres du XIXe siècle contre le Paraguay. Il décrit les milieux ouvriers et paysans mais son œuvre la plus remarquable reste sa trilogie d’une singulière intensité sur la guerre du Paraguay (Humaïta, Nouvelles éditions latines, 1944, et Journées d’agonie, 1947), sorte d’Iliade du Paraguay en lutte contre l’Argentine, le Brésil et l’Uruguay qui narre la descente aux enfers d’un peuple qu’un dictateur conduit à sa perte.
Ricardo Güiraldes (Buenos Aires, 1886 – Paris, 1927)
Ricardo Güiraldes n’a pas voulu faire de concession à l’esthétisme moderniste et a prôné l’emprunt à l’avant-garde européenne, avec la vigoureuse évocation de la vie de l’homme dans la pampa. Dans Don Segundo Sombra (Gallimard), Güiraldes porte un regard nostalgique sur la légende du gaucho, sa virile existence entachée de brutalité. Membre du groupe Martín Fierro, il fonda avec Borges la revue Proa.Don Segundo Sombra, trad. par M. Auclair, préface de Jules Supervielle, Gallimard, « La Croix du Sud ».
José Hernández (San Martín, 1834 – Buenos Aires, 1886)
Il est l’auteur glorifié pour un roman en vers, Martín Fierro, vaste épopée de la Pampa et des gauchos, qui narre les exploits de l’un d’entre eux, Martín Fierro, sa condition désastreuse aussi ; où il est question du sentiment de résignation né des injustices sociales insurmontables, malgré une tentative de rébellion du personnage principal. Martín Fierro est souvent considéré comme le poème national de l’Argentine.Martín Fierro, trad. par P. Verdevoye, Nagel, 1872.
Silvina Ocampo (1903 –1993)
Dans Faits divers de la terre et du ciel (trad. par F.-M. Rosset, présentation de Borgès, Gallimard, 1948, 1961), un recueil qui reprend le titre d’une des nouvelles de Silvana Ocampo, il est question du purgatoire qui devient sous sa plume une sorte de salle de vente aux enchères : anges et démons s’affairent autour d’une balance si sensible que le poids d’une simple feuille de papier peut faire envoyer les « bons » en enfer et les « mauvais » au paradis.Sa sœur, Victoria, poétesse de grand talent, fonda en 1931 et dirigea la prestigieuse revue Sur. Elle avait appris dans son enfance le français, sa langue préférée aimait-elle rappeler.
Manuel Puig (1932 – 1990 )
Né dans un village de la pampa argentine, Puig se destine au cinéma, passion qui explique sans doute sa singularité littéraire : toute son œuvre ne parle que d’un seul sujet, les médias et les langages aliénés. Dans Le baiser de la femme araignée (trad. par A. Bensoussan, Seuil, 1976), Manuel Puig met en scène deux hommes enfermés par la dictature dans le même cachot : un politicien et un homosexuel ; le récit d’une relation difficile.
Ernesto Sábato (Rojas, 1911 – )
Dans son œuvre, rythmée comme des romans policiers, se mêlent réalisme, fantastique, méditation philosophique et angoisse métaphysique. Physicien à l’origine, il est surtout préoccupé par des questions à caractère socio-politique. Dans Le tunnel (trad. par M. Bibard, Seuil, 1948), il décrit la terrifiante introspection d’un artiste peintre qui a tué. Une écriture admirée par Albert Camus.
Domingo Faustino Sarmiento (San Juan, 1811 – Asunción, 1888)
Écrivain, longtemps exilé au Chili, Sarmiento fut aussi un homme politique : Président de la République (1868-1874), il amorça d’importantes réformes économiques et mit fin à la guerre du Paraguay. Son œuvre majeure, Facundo (préface de J. L. Borges, trad. par M. Bataillon, Herne, 1990), fresque historique et politique dont le héros est le caudillo Facundo Quiroga, héros de la révolution nationale argentine, illustre les contradictions internes de son pays. Un des chefs-d’œuvre dit-on de la littérature sud-américaine.
BOLIVIE
État d’Amérique du Sud
1 100 000 km2
Habitants : Boliviens
Capitale constitutionnelle : Sucre
Siège du gouvernement : La Paz
Langue : espagnol, aymara et quechuaAlcides Argüedas (La Paz, 1879 – Santiago du Chili, 1946)
Alcides Argüedas a montré d’une façon saisissante dans Race de bronze, les mœurs, la résignation de la race déchue et martyrisée des Indiens.Race de bronze, préface d’André Maurois, Plon, « Feux croisés », coll. Unesco, 1960.
Costa du Rels (1891 – 1980)
Établi à Paris pendant des années, Costa du Rels est de cette famille d’écrivains qui écrivent avec la même aisance en espagnol et en français. Son roman majeur est Caoutchouc, un récit qui nous entraîne dans les exploitations forestières de l’Amazonie où prévaut une barbarie effrayante.
BRÉSIL
État fédéral d’Amérique du Sud
8 512 000 km2
Habitants : Brésiliens
Capitale : Brasilia
Langue : portugaisLITTÉRATURE BRÉSILIENNE – dossier, Nuit blanche, no 76, automne 1999.
(Les titres soulignés indiquent que les articles sont disponibles en ligne)– « Présentation », par Michel Peterson.
– « Mémorial de Aires de Machado de Assis », article de Maria Helena Werneck.
– « Nelson Rodrigues, Absolu et pluriel », article de Victor Pereira.
– « Sérénissimes dames du temps, artisanes de la parole », article de Gizêlda Melo do Nascimento.
– « La poésie brésilienne, du baroque au modernisme », article de Haroldo de Campos.
– « La poésie brésilienne, de João Cabral de Melo Neto à nos jours », article de Neilson Ascher.
– « Légendes du pays gaúcho », article de Sylvie Dion.
– « La bande dessinée au Brésil », article de Carlos Eugênio Baptista.
– « Donaldo Schüler, Le saut dans l’impossible », article de Michel Peterson.
– « Graciliano Ramos, Les mémoires d’un souterrain », article de Michel Peterson.
– « La littérature des femmes au Brésil, Pour une vraie révolution », article de Lucia Helena Vianna.
– « Rubem Fonseca et Ignácio de Loyola Brandão, des littératures d’opposition », article de Daniel Pigeon.
– « Quatre nouvelles de Ignácio de Loyola Brandão : ‘L’homme qui avait un trou dans la main’, ‘L’homme qui désirait devenir amnésique’, ‘Les hommes qui comptaient’, ‘L’homme aux oreilles grandissantes’ ».
– « Nora », extrait d’un roman de Lya Luft.
– « Chronologie », par Michel Peterson.
Joaquim Maria Machado de Assis (Rio de Janeiro,1839 – id.,1908)
Poète parnassien mais romancier réaliste, « […] éloigné de son temps, qui mise sur la parole en tant que valeur d’échange et parie sur la fonction civilisatrice de la culture, Machado de Assis produit une littérature qui met le cap sur la fin du XXe siècle » écrit Maria Helena Werneck dans Nuit blanche (numéro 76). Mémorial de Aires (en français, Ce que les hommes appellent Amour) se présente comme le journal intime d’un diplomate qui revient à Rio après avoir passé trente ans en Europe, récit de la fin d’un monde.Ce que les hommes appellent Amour, (Mémorial de Aires), trad. par J.P. Bruyas, Métailié, 1995.
Jorge Amado (Ferradas, 1912 – 2001)
Pour beaucoup, Amado incarne la littérature brésilienne. L’œuvre de cet admirable conteur, fut traduite, il est vrai, en quarante langues. Ses romans unissent critique sociale et inspiration folklorique ; ses récits sont tour à tour lyriques (notamment quand ils sont politiques), pleins d’humour, ou encore débordant de lascivité. Plusieurs fois emprisonné, ses livres seront interdits. Dans Bahia de tous les saints, le héros Antonio Balduino, mauvais garçon rattrapé par une vie misérable qui recherche le réconfort auprès de femmes provocantes, est l’incarnation du peuple noir, écartelé entre détresse et espoir de lendemains meilleurs.Bahia de tous les saints, Gallimard, 1981, Folio N° 1299.
Carlos Drummond de Andrade (Itabira, 1902 – 1987)
Drummond maîtrise tous les registres étranges de la nouvelle, du récit fantastique au conte philosophique. L’universalité de son œuvre, d’une transparence magique, vient de l’enracinement dans une province repliée sur elle-même mais transfigurée par l’imaginaire.Conversation extraordinaire avec une dame de ma connaissance, trad. par G. Leibrich, I. Oseki- Depré et M. Carelli, Métailié.
Mário de Andrade (Sao Paulo, 1893 – id., 1945)
Initiateur du modernisme, Andrade fit de son « roman-rhapsodie » indigéniste Macounaïma le symbole continental de l’Indien opprimé opposé au colonisateur blanc.
Clarice Lispector (1925 – 1977)
D’origine ukrainienne, Clarice Lispector, qui a passé la majeure partie de sa vie au Brésil, est considérée à juste titre comme l’un des écrivains qui comptent le plus en Amérique du Sud. Si on la désigne généralement comme la représentante du nouveau roman brésilien, son œuvre, dominée par le monstrueux et une écriture expérimentale, reste néanmoins inclassable. « Tout en misant sur la dissolution des genres, écrit Lucia Helena Vianna dans Nuit blanche (Numéro 76, automne 1999), dans le domaine de la fiction (romans/fictions/pulsations), elle introduit une autre façon de voir les choses et de travailler le discours qui consacre l’existence d’une réalité perçue de biais, « regardée par un trait oblique », qu’on doit ajouter aux tracés, aux coupes droites et parallèles dont la tradition littéraire hégémonique prétendait qu’elles étaient les seules possibles. Le discours de Clarice Lispector est d’une telle importance qu’il provoque le partage des eaux et s’y situe, exerçant une influence décisive sur les générations à venir. »Clarice Lispector écrivit aussi pour la jeunesse : dans La femme qui a tué les poissons, elle traite de la phobie irrationnelle, de la tendresse aussi pour les petites bêtes ; un drôle de bouquin à lire à n’importe quel âge !
Clarice Lispector a publié, entre autres : La passion selon G. H., trad. par C. Farny, Des femmes, 1978 ; La belle et la bête, Passion des corps, trad. par C. Farny, Des femmes, 1984 ; Où étais-tu pendant la nuit ?, trad. par G. Leibrich et N. Biros, Des femmes, 1985 ; La femme qui a tué les poissons, trad. par S. Rosset et L. Cherem, Seuil, 1997 ; Corps séparés, trad. par J. et T. Thiériot, Des femmes, 1993.
Lygia Fagundes Telles (São-Paulo, 1923 – 2013)
De la génération littéraire de Clarice Lispector, elle puise notamment son inspiration dans l’enfance, dans la ville et dans la bourgeoisie et doit une partie de sa popularité à la force de ses convictions, défendues dans ses romans avec combativité.La nuit obscure et moi, Rivages, 1998 ; La structure de la bulle de savon, Pocket, 1992 ; L’heure nue, Serpent à plumes, 1996. (En couverture de Nuit blanche, numéro 76, automne 1999).
Voir aussi : « Le roman brésilien contemporain », Nuit blanche, Numéro 38, janvier-février 1990 ; Dossier spécial « Littérature brésilienne.
CHILI
État d’Amérique du Sud
757 000 km2
Habitants : Chiliens
Capitale : Santiago
Langue : espagnolIsabel Allende (Lima, 1942 – )
Née à Lima mais de nationalité chilienne, nièce de Salvador Allende, Isabel Allende a dû fuir son pays à la suite du coup d’État militaire de 1973 et se réfugier au Venezuela. Avec son premier roman, La maison aux esprits (1982), qui fut porté à l’écran, elle a connu d’emblée le succès. Elle narre, dans ce roman, quelques-uns de ses souvenirs d’enfance dans l’hacienda familiale, et l’histoire du Chili vue par les yeux de quatre générations de femmes de la dynastie des Trueba. Dans Fille du destin, vaste fresque romanesque d’une époque aventureuse – le XIXe siècle américain –, alors que San Francisco sort de terre, les personnages tentent de garder une certaine humanité malgré la violence ambiante. Isabel Allende écrit également des contes pour enfants.La maison aux esprits, trad. par C. et C. Durand, LGF, 1986 et Le Livre de poche, N° 6143 ; Fille du destin, Grasset.
José Donoso (Santiago,1924 – id., 1996)
Issu d’une éminente famille de Santiago, José Donoso retient souvent dans son œuvre le thème de l’aristocratie agonisante. Ses récits recèlent tous une atmosphère étouffante et ambiguë, cadre d’obsessions manifestement longtemps réprimées, et se doublent souvent d’une authentique affliction en regard de la situation qui prévaut dans son pays. Dans L’obscène oiseau de la nuit (trad. par D. Coste, Seuil, 1990), Donoso, fasciné par les lieux clos, décrit un univers halluciné où « le sommeil de la raison engendre des monstres ».
Vicente Huidobro (Santiago, 1893 – Cartagena, 1948)
Très méconnue, l’œuvre de Huidobro séduit pourtant grâce à une écriture tout à la fois ou tour à tour expressionniste, plus surréaliste, comme dans Altaigle, un personnage qui hésite entre délire verbal et profond lyrisme, ou encore symboliste, dans Monument à la mer : « La mer enveloppant les étoiles dans ses vagues / La mer avec sa peau martyrisée / Et les soubresauts de ses veines / Avec ses jours de paix et ses nuits d’hystérie ». L’écriture expérimentale de Huidobro l’a désigné comme un précurseur à la « belle folie du langage », la folie étant souvent, dans ses vers, la principale narratrice.Monument à la mer, trad. par F. Verhesen, éd. Unes ; Altaigle, trad. par F. Verhesen, éd. Unes.
Gabriela Mistral (Lucila Godoy Alcayaga, dite) (Vicuna, 1989 – Hamsptead, 1957) PRIX NOBEL 1945
Écrivaine chilienne de génie, elle obtint en 1945 le Prix Nobel de littérature. Ses recueils d’inspiration chrétienne et populaire montrent une poésie où domine le thème de l’amour pour des êtres réprouvés et rudoyés.Choix de textes, présentation de M. Pomès, Seghers ; Poèmes, trad. R. Caillois, Gallimard, 1946.
EXTRAIT
« Puisse la coulée de tes métaux souder
les peuples brisés de tes crevasses ;
couds tes rivières vagabondes,
tes versants fils de Caïn ;
purifie-nous et conduis-nous !
Que sonne notre appel,
Alléluia
et litanie de l’enthousiasme […] »
Cordillère, trad. par P. Darmageat.
Pablo Neruda (Neftalí Ricardo Reyes, dit)
(Paral, 1904 – Santiago, 1973) PRIX NOBEL 1971
Nommé par son ami Salvador Allende ambassadeur du Chili à Paris, c’est là qu’il apprend que le Prix Nobel de littérature lui est décerné. Avec celle de César Vallejo, la poésie de Neruda a sans doute fait beaucoup pour l’émancipation de son peuple en galvanisant son désir de révolte.« J’ai une conception dramatique de la vie et romantique. Ce qui n’atteint pas profondément ma sensibilité ne m’intéresse pas ». Emporté par son lyrisme, il se lance dans de grandes envolées dans lesquelles il exalte l’avenir du continent américain. Dans une langue simple, le poète dit le paysage et les hommes d’avant la conquête, puis toute l’histoire de l’Amérique et des luttes, avant de terminer par une méditation sur sa propre vie et la genèse de son œuvre. Une œuvre universelle qui comprend Vingt poèmes d’amour, Résidence sur la terre, Mémorial de l’île noire, la pièce de théâtre Splendeur et mort de Joaquin Murieta, et bien entendu le Chant général, poème de plus de dix mille vers, sorte d’Énéide de l’Amérique du Sud, qui commence par un rappel historique du grand passé indien, se poursuit par la narration de la sanglante conquête, en passant par la libération post-coloniale, bientôt suivie de l’impérialisme étasunien ; une fresque qui s’achève sur un hymne à Staline.
Le Chant général, trad. par C. Couffon, P.G.
EXTRAIT
« Si je pouvais hurler de peur dans une maison solitaire,
si je pouvais m’arracher les yeux et les dévorer,
je le ferais pour ta voix d’oranger endeuillé,
et pour tes vers qui viennent au jour avec des cris.
Car c’est pour l’amour de toi que les hôpitaux se colorent de bleu,
et que les escaliers foisonnent, et les quartiers du port,
et que des ailes poussent aux anges blessés,
et que les poissons perdent leurs écailles dans leur lit nuptial,
et que les hérissons montent au ciel :
et à cause de toi que les échoppes des tailleurs, couvertes
d’une sueur noire, s’emplissent de cuillère et de sang
et avalent de vieux rubans, se tuent de baisers
et s’habillent tout de blanc […] »
Ode à Federico Garcia Lorca
Luis Sepúlveda (1949 – )
Membre actif de l’unité populaire chilienne du temps d’Allende, dans les années 1970, Sepúlveda quitte finalement Valparaiso pour Hambourg. Il est l’auteur d’un livre qui a connu un immense succès : Le vieux qui lisait des romans d’amour, dont les personnages principaux sont certes un vieil homme mais aussi, et devrait-on dire surtout, la forêt amazonienne, décrits avec une feinte naïveté ; une sorte de profession de foi écologique en faveur d’un monde menacé de destruction et de la culture indienne : au bord de l’Amazone, un vieil homme, ami des Shuars, découvre la lecture et chasse le jaguar.Le vieux qui lisait des romans d’amour, trad. par F. Maspero, Métailié, 1992.
COLOMBIE
État d’Amérique du Sud
1 140 000 km2
Habitants : Colombiens
Capitale : Bogota
Langue : espagnolGabriel García Márquez (Aracataca,1928 – 2014) PRIX NOBEL 1982
D’abord journaliste, Gabriel García Márquez se lie d’amitié avec Samudio et Mutis notamment. De nationalité colombienne, Márquez aime à se dire caribéen. Il est vrai qu’il est né à Aracataca, un petit village sur la côte caribéenne. Ce sont les plantations bananières de la région qui lui inspireront le cadre de son roman le plus célèbre, Cent ans de solitude, une épopée fabuleuse et violente, d’une grande force poétique qui lui vaudra instantanément la renommée. Le petit village de Macondo, campé dans cette fresque dont Neruda a dit qu’elle était l’œuvre la plus importante en espagnol depuis Don Quichotte, deviendra le symbole quasi-mythique de tout un continent. C’est donc cet univers romanesque très singulier qui adjuge à l’auteur une audience internationale. L’œuvre romanesque de García Márquez forme, dans une prose luxuriante, une chronique à la fois réaliste, fantastique et baroque de l’Amérique latine : Chronique d’une mort annoncée (trad. par C. Couffon, Grasset, 1981), L’amour au temps du choléra (trad. par A. Morvan, Grasset, 1986), Le général dans son labyrinthe (trad. par A. Morvan, Grasset, 1989)…Márquez, un sympathisant actif des mouvements révolutionnaires, a notamment financé avec son Prix littéraire Romulo Gallegos (1972) la campagne politique du MAS au Venezuela, concouru à à la création de l’hebdomadaire Alternativa (1974) et créé la fondation Habeas qui défend les droits de l’homme et des prisonniers politiques en Amérique du Sud.
« Le général dans son labyrinthe, un livre vindicatif », Nuit blanche, numéro 38, janvier-février 1990.
Alvaro Mutis (Bogota, 1923 – 2013)
« Le paradis, on ne l’a pas perdu seulement avec Adam et Ève, on le perd tous les jours. On restera toujours des exilés du paradis » écrit Mutis dans San Andrès et Providence ou le paradis perdu (Lieu commun, 1992). Il est le créateur d’un héros récurrent, Maqroll el Gaviero (le gabier), qui apparaît dan ses poèmes et dans ses romans, La neige de l’amiral (trad. par A. Morvan, Grasset, 1989) et le Rendez-vous de Bergen (Grasset, 1995) par exemple. Alvaro Mutis est le dédicataire de Cent ans de solitude de son ami Gabriel García Márquez.
José Eustasio Rivera (1889 – 1928)
Mort prématurément en 1928, Rivera a laissé un recueil de poésie et un roman, La Voragine (tourbillon), qui offre une vision saisissante de l’extraordinaire nature centraméricaine. À l’oppression des hommes s’ajoute celle de la forêt de caoutchouc, où les cautcheros vivent comme de véritables esclaves sans jamais voir le ciel dissimulé par une végétation luxuriante. Le récit réaliste et symbolique, de fondement indigéniste, qui relate l’expédition d’un homme à la recherche de deux femmes, et que la forêt en fin de compte détruira.La Voragine, trad. par Georges Pillement, Bellenand, 1951.
Alvaro Cepeda Samudio
Alvaro Cepeda Samudio est l’auteur du Maître de la Gabriela (trad. par J. Gilard, Belfond, 1962) : un roman inspiré par un fait historique, la grève en 1928 dans les bananeraies de la côte colombienne qui fut réprimée de façon sanglante.
Fernando Vallejo
Considéré comme l’enfant terrible de la littérature colombienne, Fernando Vallejo a choqué les bien-pensants de son pays avec une œuvre largement autobiographique. Dans Le feu secret (Belfond, 1998), il évoque son amour pour les jeunes garçons et dans La vierge des tueurs (trad. par M. Bibard, Belfond, 2000), un écrivain vieillissant de retour à Medellín, une ville ravagée par la drogue où règne la mafia, tombe amoureux d’un des jeunes meurtriers qui y sévissent. L’auteur sarcastique, qui vit maintenant à Mexico, est considéré comme une personnalité majeure de la nouvelle littérature sud-américaine.Poésie complète, trad. par G. de Cortanze, Flammarion, 1983.
ÉQUATEUR
État d’Amérique du Sud
270 670 km2
Habitants : Équatoriens
Capitale : Quito
Langue : espagnolJorge Icaza (Quito, 1906 – Quito, 1978)
Membre du groupe de Guayaquil, il est, avec Argüedas, Gallegos, Güiraldes, Alegría et Asturias, la figure emblématique du courant indigéniste en Amérique du Sud. Ses romans réalistes dénoncent l’exploitation des Indiens. Icaza est l’auteur du chef d’œuvre de la littérature équatorienne : La fosse aux Indiens, peinture âpre de l’exploitation des Indiens des hauts plateaux qu’on dépouille de leurs biens et qu’on réduit à l’esclavage. Huasipungo (trad. par G. Pillement, Pasquier-Bellenaud, 1934), c’est la chaumière ; dernier bien des Indiens que les Blancs – qui les exploitent pour la construction d’une route – veulent leur extorquer. La révolte gronde. Et le lecteur d’assister à des péripéties d’une ignominie quasi insoutenable.La fosse aux Indiens, trad. par G. Pillement, Éditions sociales internationales ; L’homme de Quito, trad. par C. Couffon, « Les Lettres françaises », 1960.
GUYANA
anciennement Guyane britannique
État d’Amérique du Sud
21 500 km2
Habitants : Guyaniens
Capitale : Georgetown
Langue : anglaisFred d’Aguiar (1961 – )
Marqué par les émeutes en Angleterre dans les années 1970 de la communauté noire, Fred d’Aguiar prend conscience de sa fierté d’avoir une identité distinctive et distribue bientôt au sein de son université des tracts contre le racisme et le sexisme. Son œuvre séduit par le contraste apparent entre un style très littéraire et l’élan caribéen qui la caractérise. L’action de La mémoire la plus longue (trad. par Lergen, Plon, 1996) se déroule en Virginie : pourquoi un père esclave choisit-il de livrer son fils fugitif ?
PARAGUAY
État d’Amérique du Sud
407 000 km2
Habitants : Paraguayens
Capitale : Asuncion
Langue : espagnol et guaraniAugusto Roa Bastos (Asunción, 1917 – 2005)
Né dans une zone de canne à sucre, Roa Bastos s’inspire de la réalité du Paraguay, une « île entourée de terre », pour nourrir ses romans. Roa Bastos ressuscite, dans Moi le suprême – un roman baroque au style flamboyant – un vrai dictateur, José Gaspard Francia, qui fonda le Paraguay moderne.Le feu et la lèpre, trad. par J.F. Reille, Gallimard, « La croix du Sud », 1968 ; Moi le suprême, trad. A. Berman, Belfond, 1977.
PÉROU
État d’Amérique du Sud
1 285 000 km2
Habitants : Péruviens
Capitale : Lima
Langue : espagnol et quéchuaCiro Alegría (Sartimbambra, 1909 – Lima, 1967)
Grand propriétaire terrien dans les Andes, il est contraint, à cause de son engagement politique, à l’exil après avoir fait de la prison (c’est là qu’il écrit son Carnet de cellule). Alegría est un fervent défenseur de la cause des Indiens. Journaliste, il collabore au journal clandestin La Tribuna ; et c’est clandestinement encore que son œuvre, interdite au Pérou, pourra être lue. Le titre de son œuvre majeure, Vaste est le monde (trad. par M. Serrat et M. Ferté, Gallimard, 1941) dit d’emblée ce que l’auteur perçoit de la majestueuse cordillère des Andes ; un roman qui témoigne aussi du sort tragique réservé à ses habitants.
José María Argüedas (Andahuaylas, 1911 – Lima, 1969)
Les thème chers à Argüedas, anthropologue et intellectuel militant, concernent les Indiens et disent leur malheureuse destinée, comme Tous sangs mêlés (Gallimard, 1970). Dans Les Fleuves profonds, (trad. par J.F. Reille, Gallimard, 1958, épuisé), il décrit la vie dans un collège de garçons tenu par des prêtres au fin fond de la cordillère : tous parlent ensemble le quechua, qu’Argüedas tenait pour sa langue maternelle, lui qui avait pris l’habitude dans son enfance de vivre aux côtés des paysans indiens. Auteur nostalgique, il a une écriture d’une beauté singulière, très personnelle qui révèle puissamment la vie spirituelle et culturelle du peuple andin. Mario Vargas Llosa lui a consacré un essai, L’utopie archaïque. Devenu ministre de la culture, Argüedas imposera le quéchua comme langue officielle du Pérou. Mais meurtri par les troubles sociaux que traverse son pays à la fin des années 1960, il se donnera la mort.
Alfredo Bryce-Echenique (Lima, 1939 – )
Né à Lima, dans une famille de l’aristocratie péruvienne, Bryce-Echenique écrit La vie exagérée de Martin Romana (trad. par J.-M. Saint-Lu, Luneau-Ascot, 1981), ou les pérégrinations, à grand renfort de spiritueux, d’un Latino-Américain exilé entre Barcelone et le Paris soixante-huitard, qui va d’aventures sentimentales en drames tragi-comiques. Professeur à l’université de Vincennes (près de Paris), il avait d’abord publié un recueil de nouvelles (Huerto cerrado, 1968), évocation nostalgique de son Pérou natal.
Manuel Scorza (Lima, 1928 – Madrid, 1983)
Engagé dans la lutte politique, Scorza décrit dans Roulements de tambour pour Rancas (trad. par C. Couffon, Belfond, 1970 ; Métailié, 1998), la chronique tristement véridique de l’anéantissement d’une communauté paysanne résistant à une exploitation minière nord-américaine. Mêlant les mythes ancestraux et l’histoire, son œuvre dit la détresse dans lequel est plongé l’exilé (comme dans Les imprécations, recueil pour lequel Scorza reçoit le Prix national de poésie ; Poésie 1961-1970, trad. par F. Imbert et M. Leclerc-Olive, Belfond, 1991) et la lutte des paysans pour récupérer leur terre. Militant indigéniste, il ne reviendra dans son pays que dix ans après la chute de la dictature. Il meurt dans l’écrasement d’un avion de la compagnie colombienne Avianca en 1983, à Madrid.
César Vallejo (Santiago de Chuco, 1892 – Paris, 1938)
Vallejo, poète moderniste, reste le chantre de la solidarité humaine, malgré l’oppression et la souffrance infligées aux siens. Sa poésie traite « de la réalité ambiante et incontournable d’un homme apparenté par le sang à l’une des hautes civilisations de l’humanité, la civilisation inca, dans des tonalités qui l’apparenteraient par moments à un métaphysicien ». Communiste, il s’engagea dans les rangs des républicains espagnols. « Vallejo fait figure de précurseur : par la suite, la notion selon laquelle il suffit de faire éclater la réalité aura de nombreux adeptes [… avec] la nécessité la plus impérieuse qui soit : celle de témoigner », explique encore Michel Beaulieu dans Nuit blanche.Poésie complète, trad. G. de Cortanze, Flammarion.
Voir : « César Vallejo le légendaire », par Michel Beaulieu, Numéro 14/juin-juillet-août 1984.
Mario Vargas Llosa (Arequipa, 1936 – )
Vargas Llosa, qui a poursuivi des études de littérature à Madrid et soutenu en 1958 une thèse de doctorat sur le poète nicaraguayen Ruben Darío, a d’abord été journaliste. Ses romans, pleins d’ironie, dressent un portrait satirique de la société péruvienne, d’une grande puissance réaliste toutefois. Pouvant être qualifié de roman d’éducation, La Ville et les chiens (trad. par B. Lesfargues, Gallimard, 1962) met en scène, dans une académie militaire de Lima – dont Vargas Llosa avait été un élève à l’âge de quatorze ans – un groupe clandestin de quatre garçons (« les chiens ») qui se révoltent contre l’oppression disciplinaire. Conversation à la cathédrale (Gallimard, 1973) et Histoire de Mayta témoignent de la condition tragique d’un Pérou étouffé par la misère et l’autocratie. La Maison verte, récit de la vie dans la forêt péruvienne et dans l’urbaine Piura, est l’illustration parfaite du style sophistiqué de Vargas Llosa. Citons encore la satire du sectarisme, religieux ou militaire, Pantaléon et les visiteuses (trad. par A. Bensoussan, Gallimard, 1990) et Qui a tué Palomino Molero (trad. par A. Bensoussan, Gallimard, 1987), chronique des violences politiques qui broient le Pérou. D’abord impliqué dans le militantisme politique, il abandonnera finalement le Parti communiste dont il critique la position staliniste trop rigoureuse vis-à-vis de la littérature et de l’art. Libéral, il fonde un mouvement politique démocratique de droite, Libertad, mais échoue face à Fujimori lors des élections présidentielles de 1990.EXTRAIT
En Amérique du Sud, « [ê]tre écrivain signifie d’abord, et souvent uniquement, assumer une responsabilité sociale. En même temps qu’une œuvre d’art, et parfois même avant, on attend de l’écrivain une action politique. […] Le royaume de la subjectivité se transforma en royaume de l’objectivité. La fiction remplaça la science comme instrument de description de la vie sociale et nos meilleurs professeurs de réalité furent ces rêveurs, les hommes de lettres ».
(Le magazine littéraire, septembre, 1979)
SURINAM
(anciennement Guyane hollandaise)
État d’Amérique du Sud
163 265 km2
Habitants : Surinamiens
Capitale : Paramaribo
Langue : néerlandaisArion (Frank Efraim Martinus dit) (Curaçao, 1936 – )
Écrivain néerlandais d’origine antillaise, il débute par des poèmes en papiamentu (Voix d’Afrique, 1957) puis exprime, dans des romans qui adoptent le rythme du reportage, sa condamnation du colonialisme et de la ségrégation raciale (Le double ; Adieu à la Reine ; Nobles sauvages)
URUGUAY
État d’Amérique du Sud
177 500 km2
Habitants : Uruguayens
Capitale : Montevideo
Langue : espagnolEduardo Galeano (Montevideo,1940 – )
Galeano se consacre très tôt au journalisme. Encore adolescent, il publie déjà des dessins sous le pseudonyme Gius. Rédacteur en chef de l’hebdomadaire Marcha puis directeur du journal Epoca, il fonde la revue argentine Crisis. Son militantisme politique le contraint à l’exil, d’abord en Argentine, puis en Espagne ; il ne retourne en Uruguay qu’en 1985. Mémoire de feu (trad. par C. Couffon, Plon, 1982) est le premier tome d’une trilogie historique qui se présente sous forme d’une mosaïque de textes. L’auteur tente à travers cette composition polyphonique de saisir « les voix multiples, les mythes, les légendes, les odeurs, les couleurs et les douleurs des Amériques ».
Juan Carlos Onetti (Montevideo, 1909 – Madrid, 1994)
Son œuvre romanesque traduit l’inquiétude existentielle d’êtres marginaux et désenchantés dans des décors où s’épanouissent la supercherie et les affaires véreuses. Le cadre de l’œuvre d’Onetti, c’est Santa Maria, une ville de banlieue imaginaire, où évoluent des gens au destin médiocre, hantés de rêves sordides, et où se déroulent des intrigues qui parlent d’échec, de corruption, d’amours ratées,… d’isolement et de désolation, de destins fantomatiques. « La vie c’est soi-même, et soi-même c’est les autres » écrit-il dans La vie brève.La Vie brève, trad. par C. Couffon et A. Gascard, Gallimard, 1950 ; trad. par Gascar, Stock, 1971 ; Le Puits, 1939 ; Les bas fonds du rêve, trad. par C. Couffon, Gallimard, 1981.
Carlos Reyes (1868 – 1938)
Carlos Reyes a passé son enfance au contact de la nature, dans la propriété de son père. Le plus connu des écrivains uruguayens, évoque le gaucho et la pampa.La mort du cygne, trad. par A. de Bengœchea, Grasset.
Horacio Quiroga (1878 – 1937)
Quiroga inaugure le réalisme sibyllin dans la littérature sud-américaine. Il fut marqué dès sa naissance par des morts violentes (de son père d’abord, suivie du suicide de son beau-père, de sa première femme, et mort de son meilleur ami qu’il tue accidentellement en nettoyant une arme, jusqu’à son propre décès volontaire)… Il n’y a donc rien que de très compréhensible de trouver dans son œuvre un climat plutôt morbide où une certaine froideur stylistique illustre les méandres de la folie. Il fut journaliste, homme d’affaires, artisan, diplomate,… et le maître de la nouvelle latino-américaine, célèbre pour ses Contes d’amour de folie et de mort dont « l’antedéluvienne forêt » est le protagoniste essentiel, où le fantastique ambigu et parfois drôle, le merveilleux, le réalisme, la troublante étrangeté de chaque détail atteignent l’onirique.Contes d’amour de folie et de mort, trad. par F. Chambert, A.-M. Métailié, 1985.
José Enrique Rodó (1875 – 1917)
« Soyez les spectateurs attentifs là où vous ne pourrez pas être des acteurs » écrit José Enrique Rodó dans Ariel (1900).
VENEZUELA
État fédéral d’Amérique du Sud
912 050 km2
Habitants : Vénézuéliens
Capitale : Caracas
Langue : espagnolRómulo Gallegos (Caracas, 1884 – id., 1969)
Écrivain et homme politique (il fut Président de la République en 1948, renversé par un coup d’État). Ses romans sont une peinture de la société et des paysages de son pays. Dans Doña Barbara, Gallegos décrit la vie des gauchos qui parcourent pendant des mois des contrées sauvages à la suite des troupeaux à marquer ; une saga magistrale où un jeune homme bataille contre une nature hostile et l’indomptable aventurière qu’est la Doña Barbara.Doña Barbara, trad. par L.-F. Durand, Gallimard, 1951.
Mariano Picón Salas (1901 – 1964)
Au carrefour des trois mondes, trad. par Fortier et Serrat, Casterman, 1964.
Miguel Otero Silva (1908 – 1985)
Et retenez vos larmes, trad. par Fell, Calmann-Levy, 1973.
Voir aussi : Nuit blanche, « Roman et science en Amérique latine », Numéro 23, mai-juin 1986.
Amérique du Nord
« Lorsque notre nourriture, nos vêtements, nos toits ne seront que le fruit exclusif de la production standardisée, ce sera la tour de notre pensée. Toute idée non conforme au gabarit devra être éliminée. La production collective et de masse est entrée dans notre vie économique, politique et même religieuse à tel point que certaines nations ont substitué l’idée de collectivité à celle de Dieu ».
John Steinbeck, À l’Est d’Eden.ÉTATS-UNIS
État fédéral d’Am . . .Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ? Connexion
Amérique centrale
« Avec un poème, c’est vrai, tu ne chasses pas un tyran »
Julio Fausto Aguilera (Guatemala), La bataille du poème.Voilà sans doute les grands oubliés de l’opulente production littéraire continentale : l’Amérique centrale ; et le genre littéraire qui la caractérise : la poésie.
Nuit blanche a concouru à faire connaître cette littérature quelque peu délaissée par la critique en proposant un dossier spécial sur la littérature costaricienne dans sa dernière livraison (numéro 82). Ce sont les spécificités culturelles de ce petit État d’Amérique centrale, les traits distinctifs de sa littérature, qui y sont ainsi explorés par des auteurs costariciens.Toutefois, s’il « […] est vrai que la poésie centraméricaine est restée à l’écart du vaste mouvement critique qu’a éveillé la littérature latino-américaine (en particulier à partir des années 60, avec le boom), il faut constater aussi que tous les pays de la zone n’ont pas été frappés avec la même intensité. Le Nicaragua, surtout, a pu s’en échapper. Rubén Dario évidemment fut et est à l’heure actuelle l’un des poètes les plus connus du continent. Quant aux autres pays de l’isthme, on n’écoute la voix que de quelques figures isolées (Roque Dalton, Otto René Castillo, Luis Cardoza y Aragon), sans compter, bien sûr, le guatémaltèque Miguel Angel Asturias, Prix Nobel, qui lui est un des ‘monstres sacrés’ de la littérature latino-américaine » (Amérique centrale : étude de la poésie contemporaine, L’horreur et l’espoir, Dante Barrientos Tecùn, L’Harmattan-Littératures, 1998, p. 2).
Monstre sacré, Asturias l’est en effet. On lui doit en particulier la révélation de la pensée amérindienne qu’il s’est attaché à faire connaître, en assurant notamment la traduction capitale du Popol–Vuh, texte qui relate les mythes mayas. Si les langues amérindiennes sont encore vivantes en Amérique centrale (on en dénombre 13 au Guatemala), c’est l’espagnol qui reste dominant.
Les difficultés de publication et de diffusion des œuvres littéraires, l’instabilité politique souvent, les régimes répressifs, expliquent pour une part la relative marginalité de la littérature centraméricaine, dont les voix créatrices ne se sont pourtant jamais tues, bien que ce soit encore souvent selon un prisme réducteur que l’on songe à ces pays de l’isthme américain.
Le Sommet des Amériques fournit une occasion à ne pas manquer de partir à la découverte de cette littérature.
BÉLIZE
(anciennement Honduras britannique)
État d’Amérique centrale
23 000 km2
220 000 habitants : Béliziens
Capitale : Belmopan
Langue : anglaisCOSTA RICA
État d’Amérique centrale
51 000 km2
3,5 millions d’habitants : Costaricains
Capitale : San José
Langue : espagnolVoir le dossier de : « La littérature costaricienne », avec des articles de Carlos Francisco Monge, Carlos Cortès et Margarita Rojas G. : « Méconnue, la production de cet État d’Amérique centrale n’en recèle pas moins un univers culturel unique ».
GUATEMALA
État d’Amérique centrale
109 000 km2
10,9 millions d’habitants : Guatémaltèques
Capitale : Guatemala
Langue : espagnolMiguel Angel Asturias (Guatemala, 1899, Madrid – 1974) PRIX NOBEL 1967
Considéré à juste titre comme un initiateur, Asturias a emprunté aux recettes surréalistes. Il était ambassadeur du Guatemala en France quand le Prix Nobel lui fut attribué. Asturias a puisé dans le folklore de son pays pour écrire ses Légendes du Guatemala, où il se remémore les contes que lui lisait sa mère quand il était enfant et dont Paul Valéry a préfacé l’édition française. Il est également le traducteur du Popol-Vuh, texte sacré des Mayas qui relate la version amérindienne de la création du monde et narre l’histoire des héros mythologiques mayas-quichés. Mais il a aussi évoqué le Guatemala de son temps, en évoquant notamment Ernesto Cabrera, archétype du dictateur, dans Monsieur le Président, allégorie politique qui décrit la cruauté gratuite d’un régime tyrannique et avec force détails les mécanismes répressifs. Il nous a offert également un poème mythologique, Hommes de maïs, qui relate l’exploitation des Indiens et la rapacité criminelle des Européens. Son écriture est pleine d’esprit et de trouvailles formelles.Monsieur le Président, trad. par G. Pillement et D. Nouhaud, Albin Michel, 1980 ; Légendes du Guatemala, trad. par F. de Miomandre, Gallimard, 1985 ; Hommes de maïs, trad. par F. de Miomandre, Albin Michel, 1987.
Mario Monteforte Toledo (1912 – 2003)
Romancier, nouvelliste, sociologue et journaliste, Toledo choisit de vivre aux côtés des Mayas, dans un groupe zuhutil, et épouse une Indienne. Expulsé de son pays en 1936, il revient après plus de trois décennies d’exil.Entre la pierre et la croix, trad. par M. Reboux, Gallimard, 1958, 1997 ; Une manière de mourir, trad. par J.F Reille, Gallimard, 1997.
Rodrigo Rey Rosa (1958 – )
Auteur de romans et de nouvelles, Rosa a appris la langue quetchi. Parti étudier à Tanger, il y rencontre l’écrivain américain Paul Bowles. Les deux hommes se lient d’amitié et Paul Bowles traduira le premier ouvrage de Rosa publié en anglais tandis que Rosa traduit en espagnol quatre livres de Bowles.Le projet, trad. par N. Lhermillier, Alinéa, 1991 ; Un rêve en forêt, Le temps imparti et autres nouvelles, trad. par A. Amberni, Gallimard, 1997.
HONDURAS
État d’Amérique centrale
112 000 km2
5,8 millions d’habitants : Honduriens
Capitale : Tegucigalpa
Langue : espagnolRoberto Sosa (Yoro, 1930 – )
Discret, ce poète et critique littéraire réputé, inspiré par les thèmes sociaux et politiques, est néanmoins le chantre de son pays dont il a évoqué la détresse. Dans Un monde divisé pour tous, révélateur de sa recherche d’une versification métrique concise, il évoque la division du monde entre privilégiés et démunis (« en moi s’ouvre l’espace d’un monde pour tous divisé »), l’isolement déchirant de celui qui assiste impuissant à l’indéfendable.Un monde divisé pour tous [Prix Casa de las Americas] suivi de Les pauvres, trad. par J. Medina, Seghers, 1977 ; Les larmes des choses, trad. par C. Couffon, Orphée/La Différence, 1990.
EXTRAIT
Démontrer les faits mêlés aux lenteurs
D’un feu que nous ne connaissons
Point, et brûler de l’encens pour les gens
honnêtes,
aide à vivre,
aide à bien mourir.
Un monde divisé pour tous, Seghers.
MEXIQUE
État fédéral d’Amérique centrale
1 970 000 km2
95,5 millions d’habitants : Mexicains
Capitale : Mexico
Langue : espagnolMariano Azuela (Lagos de Moreno,1873 – Mexico, 1952)
Médecin, Azuela est considéré comme le plus illustre représentant de l’indigénisme mexicain. Comme un Zola, qui s’inspire des injustices sociales pour créer ses personnages, Azuela est un naturaliste. Il se retrouve au cœur de la révolution de 1910 et devient colonel-médecin dans les forces de Pancho Villa. Partisan du démocrate Madero, il s’inspirera de son général – Medina – pour écrire Ceux d’en bas, récit qui se déroule dans le nord du Mexique et qui relate les aventures guerrières de ses compatriotes.Ceux d’en bas, trad. par J. Maurin, préface de Valéry Larbaud, J.-O. Fourcade, 1916 (épuisé).
Juana Cruz (Juana Inès de Asbaje, dite) San Miguel de Nepautla, 1651 – Mexico, 1695)
Née dans un petit village de Nouvelle Espagne (Mexique actuel), fille naturelle abandonnée, l’enfant exceptionnelle qu’elle est s’instruit seule dans la bibliothèque de son grand-père. Devenue religieuse, elle écrira des comédies et des poésies (religieuses ou profanes), où se mêlent virtuosité baroque, force émotionnelle et intérêt scientifique, dont le remarquable El divino narciso. Octavio Paz lui a consacré un ouvrage : Sor Juana Ines de la Cruz ou les pièges de la foi (Gallimard, 1987).Écrits profanes, un choix de textes, Écrits des Forges, 1996.
Carlos Fuentes (1928 – 2012)
Romancier, essayiste, dramaturge. Ses romans sont des satires des conventions continentales et témoignent d’un grand souci de recherches formelles. Dans La mort d’Artemio Cruz, sur fond de Révolution, car l’œuvre de Fuentes comporte des références permanentes à l’histoire de son pays, un industriel relate ses souvenirs personnels. La plus limpide région, grande fresque historique, est une réflexion sur la révolte mexicaine de 1910. Il s’intéresse aussi, comme bon nombre des gens de lettres du continent, au sort réservé aux Indiens : « Tuer un Indien, écrit-il dans Christophe et son œuf (Gallimard, trad. par Zins, 1991), c’est comme incendier une bibliothèque ». Rédacteur au journalEl Espectador, il fonde et dirige la Revista mexicana de literatura. Son roman baroque, Terra nostra, est une œuvre incontournable de la littérature latino-américaine contemporaine.La mort d’Artemio Cruz, trad. par R. Marrast, Gallimard, 1962 ; La plus limpide région, trad. par R, Marrast, préface de Miguel Angel Asturias, Gallimard, 1958, 1964 ; Terra nostra, Gallimard.
Martín Luis Guzmán (Chihuahua, 1887 – Mexico, 1976)
Son œuvre évoque essentiellement la révolution mexicaine, à laquelle il participa activement, en rejoignant le caudillo des armées du Nord, Pancho Villa, dont il fut le secrétaire personnel. Il décrit dans L’Ombre du Caudillo les mœurs électorales et politiques du Mexique. Dans L’aigle et le serpent, Guzmán narre les aventures, dont il fut l’acteur ou le témoin, et le destin tragique d’Ignacio Aguirre, candidat malgré lui à la présidence de la République.L’ombre du Caudillo, trad. par G. Pillement, Gallimard, « La croix du Sud », 1959 ; L’aigle et le serpent, trad. J.F. Reille, préface d’Antonio Castro Real, Gallimard, « La croix du Sud », 1967.
Fernando del Paso (Mexico, 1935 – )
Dans son roman, Palinure de Mexico, Del Paso met en scène un personnage nommé Palinure, qui guide le lecteur dans l’univers hallucinant des massacres de l’été 1968 à Mexico, occurrence d’une sinistre réminiscence du massacre des Aztèques et des expéditions coloniales.Palinure de Mexico, trad. par M. Bibard, Fayard, 1977.
Octavio Paz (1914 – 1998)
Son père, avocat, fut le conseiller de l’instigateur de la réforme agraire, Emiliano Zapata, pendant la révolution mexicaine. Influencé par le surréalisme, fasciné par la tradition mexicaine, passionné de poésie orientale, Octavio Paz, est un homme éclectique et complet. Célèbre pour son œuvre poétique, il a également écrit des essais politiques, philosophiques, historiques sur le structuralisme, l’érotisme, les rapports entre philosophie orientale et européenne, ainsi que des traités d’art, d’une grande force littéraire. Son immense érudition sert à merveille une prose raffinée et incomparable. Le Labyrinthe de la solitude est une étude approfondie et passionnée du caractère mexicain. « L’homme, écrit-il dans L’Arc et la Lyre, est un être qui s’est créé lui-même en créant un langage. Par la parole, l’homme est une métaphore de lui-même ».Le Labyrinthe de la solitude, trad. par J.-C. Lambert, Gallimard, 1972 ; L’Arc et la Lyre, trad. R. Munier, Gallimard, 1965 ; La fille de Rappacini, trad. par A.P. de Mandiargues, Mercure de France, 1990 ; Liberté sur parole, Aigle ou soleil, trad. par J.C. Lambert, Gallimard, 1971 ; Conjonctions et disjonctions, trad. par R. Marrast, Gallimard, 1972 ; Courant alternatif, trad. par R. Munier, Gallimard, 1972 ; Point de convergence, trad. par R. Munier, Gallimard, 1976 ; Mise au net, trad. par R. Caillois, 1977.
Alfonso Reyes (Monterrey, 1889 – Mexico, 1959)
Poète, essayiste et romancier, fervent humaniste, théoricien de la littérature, il est revenu aux sources de l’inspiration nationale et de la civilisation aztèque. Conteur talentueux et subtil, il commença avec un recueil en prose ironique, Le plan oblique. Le folklore mexicain réapparaît dans Vision de l’Anahuac, révélation idéale du Mexico d’avant la conquête. Se servant des chroniques du XVIe siècle, Reyes nous fait revivre ici le Mexique tel qu’il fut découvert par Cortès et ses hommes. Il décrit non seulement la beauté des sites mais aussi la vie des Aztèques ; tandis que dans Le témoignage de Juan Pena, c’est de l’âme indienne dont il est surtout question.Vision de l’Anahuac, trad. par J. Guerandel, introduction de Valéry Larbaud, Gallimard, 1927.
Juan Rulfo (Mexico, 1918 – Mexico, 1986)
Carlos Fuentes a écrit à son propos : « L’œuvre de Juan Rulfo n’est pas seulement la plus haute expression à laquelle soit parvenu jusqu’à maintenant le roman mexicain : à travers Pedro Paramo (trad. par R. Lescot, Gallimard, 1979), nous pouvons trouver le fil qui nous conduit au nouveau roman latino-américain ». Juan Preciado parti à la rencontre de son père dans le village de Coamala, « en ces terres qui ne connaissent que les orages », traverse une réalité où le fantastique et le quotidien, la vie et la mort, le passé et le présent ne sont plus dédoublés. La douleur humaine atteint dans ce roman une profondeur bouleversante grâce à une grande économie de moyens, un lyrisme pudique. C’est sa propre mort que le protagoniste rencontrera au terme de sa quête illusoire.
NICARAGUA
État d’Amérique centrale
148 000 km2
4,6 millions d’habitants : Nicaraguayens
Capitale : Managua
Langue : espagnolErnesto Cardenal (1925 – )
Poète et homme politique, il fonde en 1952 une librairie, El Hilo azul (Le fil bleu). Intégrant le mouvement clandestin de résistance à Somoza, il écrit des poèmes politiques, dont Épigrammes, publiés par Pablo Neruda dans La Gaceta de Chile. Ordonné prêtre en 1965, il fonde alors une communauté contemplative sur le lac Nicaragua. Proche du Front sandiniste de Libération nationale, condamné à la prison par le régime de Somoza, il est contraint à l’exil. Il reviendra dans son pays après la dictature, où il sera nommé ministre de la culture. Son œuvre est empreinte d’espoir, en un avenir continental meilleur ; il y exhorte ses compatriotes à s’unir, pour se libérer.Anthologie poétique, trad. par A.-M. Métailié et G. Bessière, du Cerf, 1974 ; Cri, psaumes politiques, trad. par G. Bessière et M. Sacchi, Cerf, 1970 ; Chrétiens du Nicaragua, l’Évangile en révolution, trad. par C. Wéry et C. Condamine, Khartala, 1981 ; Hommage aux Indiens d’Amérique, trad. par J. Day, Orphée/La Différence, 1989.
EXTRAIT
POINT DU JOUR
Il doit être l’heure d’allumer le feu commère Juana.
Le brouillard est plus dense mais c’est parce que vient le jour.
Lève-toi Chico, lève-toi Pancho.
Il y a un poulain : monte dessus !
Il y a une barque : rame donc !
Les rêves nous séparaient, dans les lits clos
les claies et les nattes (chacun avec son rêve)
mais le réveil nous réunit.
Déjà la nuit s’éloigne suivie de ses sorcières et de ses chiens cornus.
Nous verrons l’eau toute bleue : nous ne la voyons pas encore. Et
cette terre et ses vergers, que nous ne voyons pas non plus.
Lève-toi Pancho Nicaragua, prends la machette
il y a beaucoup de mauvaise herbe à couper
prends la machette et la guitare.
Anthologie de la poésie politique d’Amérique centrale, Pablo Centeno Gomez, éd. du Cerf, Paris, 1979, p. 89.
Rubén Darío (Felix Rubén García Sarmiento dit) (Metapa, 1867 – León, 1916)
Influencé par la poésie parnassienne et symboliste, il est à l’origine du mouvement moderniste en Amérique latine puisqu’il fut l’initiateur d’un mouvement de distanciation avec les contraintes académiques de la tradition littéraire espagnole qui entravaient l’expression d’une originalité formelle.Il est ainsi considéré comme le héraut d’une esthétique inédite. Azur (1888) et Proses profanes(1896) fondent en quelque sorte le modernisme latino-américain. Auteur de contes en prose et de poésie où le doute et le désenchantement s’expriment avec force, il a vécu plusieurs années à Paris, où il a rencontré Moréas, Verlaine ; son influence est considérable quand il retourne dans son pays. « Prenez garde, prévient-il. Elle vit, l’Amérique espagnole, mille lionceaux errants du Lion de Castille. » (La poésie espagnole, anthologie trad. par Darmangeat, Seghers, 1963).Présentation et choix de textes, trad. par L.-F. Durand, Seghers, 1966.
EXTRAIT
« Voilà mon mal : rêver. La poésie est la chemise de fer aux mille points cruelles que je porte sur mon âme. Les épines sanglantes laissent tomber les gouttes de ma mélancolie. »
Chants de vie et d’espérance, « Mélancolie », trad. par P. Darmangeat.
Sergio Ramírez (Masatepe, 1942 – )
Romancier, membre de la “ Generación de la Autonomia ” nicaraguayenne » qui compte dans ses rangs des étudiants dont certains deviendront les dirigeants du Front sandiniste de Libération nationale, il est contraint à l’exil. Revenu dans son pays, il sera élu vice-président du Nicaragua en 1984.Châtiment divin, trad. par C. et E.-M. Fell, Denoël, 1994 ; Le bal des masques, trad. par C. et E.-M. Fell, Rivages, 1997.
PANAMA
État d’Amérique centrale
77 000 km2
2,7 millions d’habitants : Panaméens
Capitale : Panama
Langue : espagnolRosa Maria Britton (Panama, 1936 – )
Exilée comme bon nombre de ses compatriotes, elle commence à écrire après son retour au Panama, une production littéraire éclectique traduite en allemand et en anglais uniquement. Médecin de formation, elle est élue femme de l’année en 1987 dans son pays.
Enrique Jaramillo Levi (Colon, 1944 – )
Nouvelliste, poète et essayiste, il a dirigé plusieurs anthologies de poésie panaméenne et mexicaine. Fondateur et directeur de la revue culturelle Maga, qui se consacre essentiellement à la littérature critique, il enseigne en outre l’anglais.« Brujalinda », nouvelle trad. par M.F. Eslin, Anthologie de la nouvelle latino-américaine, Belfond-Unesco, 1991.
SALVADOR
État d’Amérique centrale
21 000 km2
5,9 millions d’habitants : Salvadoriens
Capitale : San Salvador
Langue : espagnolClaribel Alegria (1924 – )
Poète, romancière et essayiste, elle a reçu en 1978 le Prix Casa de las Americas pour son recueilSobrevivo. Plusieurs de ses livres-témoignages sur l’Amérique centrale ont été traduits en anglais, en français, en hollandais, en polonais et en japonais.Karen en barque sur la mer, récit trad. par A. Gerschenfeld, Mercure de France, 1983 ; Petit pays, Poèmes du Salvador, trad. par R. Jamis, des Femmes, 1984.
Manlio Argueta (1935 – )
Poète et romancier, il fait partie au Salvador de la « Generación Comprometida », groupe influencé par Sartre, apparu dans les années 1950, qui s’est distingué par son activisme social, culturel et politique. Passionné de poésie française, il anime en outre un atelier sur l’œuvre de Saint-Exupéry.Un jour comme tant d’autres, roman trad. par M. Poumier, L’Harmattan, 1986 ; « Descendre dans la rue », nouvelle trad. par M. Poumier, Anthologie de la nouvelle latino-américaine, Belfond-Unesco, 1991.
Roque Daltón (1935 – 1975)
« Je suis venu à la révolution par la voie de la poésie » écrit Daltón dans Taverne et autres lieux, Prix Casa de las Amercias en 1969. Fondateur d’un mouvement constitutif du futur Front Farabundo Marti, il est sans doute l’un des intellectuels révolutionnaires les plus connus d’Amérique centrale. Il quitte le Salvador pour Prague puis Cuba (Jesus Diaz s’inspire de lui pour camper un des personnages de son roman Las palabras perdidas), avant de rejoindre finalement la guérilla dans son pays, où il sera exécuté en 1975. Il faut voir dans Les morts sont de jour en jour plus indociles comme la prémonition de son propre destin tragique.Les morts sont de jour en jour plus indociles, anthologie trad. par F. Gonzalez, Maspero, 1975.
Bibliographie : Amérique centrale : étude de la poésie contemporaine, L’horreur et l’espoir, Dante Barrientos Tecùn, L’Harmattan-Littératures, Paris, 1998 ; Le sang de la liberté, Anthologie de la poésie politique d’Amérique centrale, textes choisis et présentés par Pablo Centeno Gómez, Cerf, coll. « Terres de feu », Paris, 1979 ; Anthologie de la nouvelle latino-américaine, Belfond-Unesco, 1991.
Amérique Amérique : Petit retour en arrière…
« Comme l’Europe et l’Asie ont reçu des noms de femme, je ne vois aucune raison pour ne pas appeler cette autre partie Amérige, c’est-à-dire d’Amerigo, ou America , d’après l’homme sagace qui l’a découverte », écrit au XVIe siècle le chanoine Martin Waldseemüller, animateur du Gymnase vosgien, académie savante de Saint-Dié (France). Le duc de Lorraine René II (1451-1508) venait de transmettre au Gymnase quatre lettres dans lesquelles un certain Amerigo Vespucci, navigateur italien inconnu, narrait son voyage aux « Indes occidentales », déjà découvertes en vérité par Christophe Colomb.
Il faut appeler un chat un chat… et l’Amérique Amérique, puisque Colomb fut en disgrâce !
Les membres de ce cénacle avaient donc entrepris d’éditer la Géographie du Grec Ptolémée en utilisant l’imprimerie, nouveau procédé dont Strasbourg, avec Saint-Dié, avait la spécialité. Il fallait illustrer l’ouvrage d’une planisphère. Premier problème : il s’agissait de combler l’immense espace laissé vide entre l’Europe et l’Inde. S’inspirant des informations de Vespucci, les géographes-cartographes dessinèrent sommairement les contours du nouveau continent. Mais, second problème, il leur fallait baptiser cette « terre ». Visionnaires, ils eurent l’intelligence d’admettre que le nom d’Indes occidentales ne convenait pas ; car une confusion était possible avec les « Indes »… Néanmoins, ils firent une erreur historique en ignorant le patronyme de Colomb, tombé en disgrâce et dont le nom fut finalement retenu pour désigner la Colombie ; ils préférèrent choisir le prénom du navigateur italien Amerigo Vespucci.
La fameuse Introduction à la cosmographie de Ptolémée de Martin Waldseemüller parut à Saint-Dié le 25 avril 1507 et fut réimprimée à plusieurs reprises. Le mot America supplanta définitivement celui d’Indes occidentales mais le nom Indiens continua toutefois de qualifier les autochtones du nouveau continent, ce qui n’allait pas manquer d’occasionner un nouvel imbroglio pour désigner les habitants de l’Inde.
La confusion n’allait pas tarder à prendre d’autres formes : le mot Amérique pour qualifier les seuls États-Unis ou encore celui d’Américains pour désigner leurs citoyens, devaient être pareillement sources d’erreurs…
Si l’adjectif américain se rapporte initialement aux « Indiens » et aux aspects autochtones du continent, d’Amérique centrale dans un premier temps et méridionale dans un second, il qualifie ensuite les Indiens du Nord. Et si le mot Amérindien, emprunt à l’anglais des États-Unis amerindian, contraction de American Indian, ne remporte pas l’adhésion de tous, il a du moins le mérite d’être explicite.
C’est seulement après l’Indépendance des États-Unis que le mot américain, d’abord comme nom, puis comme adjectif, s’applique à ce pays seul, prenant rapidement le sens de « ressortissant des États-Unis ». Ce nom donne beaucoup plus tard deux dérivés argotiques, Amerlo ou Amerloque et, par aphérèse, Ricain, Ricaine qui sont devenus familiers.
C’est à y perdre son latin !
Toutefois, un mot récent a le mérite de supprimer toute ambiguïté, même si son emploi est encore trop peu courant ou parfois même jugé très imparfait par certains linguistes : étasunien(ne) ou états-unien(ne). Car enfin, si l’on parle d’un Nord-américain, il peut s’agir d’un Canadien et si l’on parle d’un Américain, il peut s’agir d’un habitant d’Amérique du Sud, du Nord, centrale… et ce qui se conçoit bien, dit-on, s’énonce clairement ! Militons donc pour l’emploi de ce « barbarisme »… intellig(ent)ible.
Ajoutons, pour la petite histoire, que l’un des emplois connus les plus anciens du mot américain, substantivé, avait d’abord concerné une maladie vénérienne (l’amériquain) sens abandonné au XVIIe siècle, même si l’on évoque encore une lèpre américaine en 1780.
L’influence grandissante des États-Unis a engendré divers emplois, locutions et allusions. La locution avoir l’œil américain signifie le regard perçant des Indiens, thème popularisé au XIXe siècle grâce aux traductions de Fenimore Cooper notamment.
On parle de grog américain, de chemin de fer américain « tramway à chevaux » ; sont encore en usage bar américain, vedette américaine, et au cinéma nuit américaine (prise d’une scène nocturne le jour). À l’américaine se dit notamment dans vol à l’américaine, pour qualifier le compère qui se fait passer pour un Américain dans le but d’escroquer un crédule ; cet emploi a disparu. En revanche, sont restés vivants homard à l’américaine – à l’armoricaine est postérieur -, course (cycliste) à l’américaine, enchères à l’américaine. La viande de bSuf crue hachée et assaisonnée (en français de France, steak tartare !) est appelée en français de Belgique filet américain. Les variantes les plus usuelles, au féminin, sont pour « voiture américaine » (attesté mil. XXe siècle, pour les automobiles ; milieu XIXe siècle, pour désigner une voiture à cheval légère à quatre roues) et « cigarette américaine ». L’américain désigne aussi la langue, anglaise, mais parlée aux États-Unis.
Plusieurs dérivés (américaniser, employé par Baudelaire, d’où américanisation) ne concernent encore en français que les États-Unis. Américanisme, d’abord « admiration pour l’Amérique », et surtout américaniste, peuvent s’appliquer au continent tout entier et notamment aux études indiennes et précolombiennes. Le nom américaniste a initialement désigné un partisan des coutumes américaines, avant de s’appliquer au spécialiste de l’Amérique.
Si indo-américain qualifie uniquement les peuples indiens du continent, hispano-américain désigne les nations qui ont la pratique commune de la langue espagnole ; le Brésil est donc exclu d’une telle entité. La locution ibéro-américain désigne les peuples américains qui ont fait partie des couronnes d’Espagne ou du Portugal. Mais il y là encore risque de confusion puisque Ibérie désigna également un pays asiatique dans l’Antiquité. Nombreux sont ceux qui ne se reconnaissent pas dans cette définition et lui préfèrent généralement latino-américain. La littérature latino-américaine serait donc la littérature d’Amérique écrite dans une des trois langues d’origine latine parlées dans l’hémisphère, c’est-à-dire écrite en espagnol, en portugais ou en français. La littérature québécoise est donc une littérature latino-américaine.
Cette petite rétrospective légitimait, sinon excusait, le plan choisi pour ce dossier spécial consacré à la littérature des Amériques et qui se présente ainsi en quatre parties : Amérique du Nord, Amérique du Sud, Amérique centrale… et Caraïbe ; encore que, là encore, je devine comme une « objection ». La Caraïbe, nous dit le dictionnaire, est une région qui regroupe l’ensemble des Antilles et une partie des terres bordant la mer du même nom : le Prix Nobel de littérature Gabriel García Márquez, né sur la côte colombienne, est légitimement en droit de se réclamer Caribéen. Vous le trouverez néanmoins sous le chapitre « Colombie »… À y perdre son latin vous dis-je !
(sources : Dictionnaire historique de la langue française, Le Robert, sous la direction d’Alain Rey).
UN NOUVEAU LANGAGE OU UNE LANGUE NOUVELLE ?
Le Sommet des Amériques (Québec, printemps 2001) a fait couler beaucoup d’encre. Le phénomène que l’on nomme « mondialisation » – ou si l’on privilégie l’anglicisme « globalisation » – a généré selon les spécialistes (sociologues et linguistes) un ensemble de vocables d’un genre nouveau qui mettent du coup au rancart des termes historiquement acquis de haute lutte. Flexibilité, gouvernance, employabilité, nouvelle économie, tolérance zéro, communautarisme, multiculturalisme sont dans toutes les bouches (ou presque) à défaut d’être déjà dans tous les esprits. « Comme les dominations de genre ou d’ethnie, l’impérialisme culturel est une violence symbolique qui s’appuie sur une relation de communication contrainte pour extorquer la soumission et dont la particularité consiste ici en ce qu’elle universalise les particularismes liés à une expérience historique singulière en les faisant méconnaître comme tels et reconnaître comme universels », écrivent deux sociologues réputés, Pierre Bourdieu, professeur au Collège de France et Loïc Wacquant, professeur à l’Université de Berkeley (Californie). Selon eux, « pour la première fois de l’histoire, un seul pays [les Etats-Unis] se trouve en position d’imposer son point de vue sur le monde au monde entier. »
Les Amériques et nous, francophones d’Amériques
« Comme l’Europe et l’Asie ont reçu des noms de femme, je ne vois aucune raison pour ne pas appeler cette autre partie Amérige, c’est-à-dire d’Amerigo*, ou America, d’après l’homme sagace qui l’a découverte. »
Martin Waldseemüller, animateur du Gymnase vosgien, Saint-Dié (France), XVIe siècle.
*Amerigo Vespucci, qui donna son nom à l’Amérique, découvrit bien le continent,
mais après Christophe Colomb, dont le nom fut donné à la Colombie.Ce que . . .
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Entre le village et le monde : Cent ans de littérature
L’étude de la littérature costaricienne à travers ses cent ans d’histoire révèle, au-delà de différences de genres, de particularités esthétiques et de spécificités historiques, certaines clés de son développement qui permettent de tracer une carte dont les chemins sont marqués par des références communes et constantes du discours littéraire : l’identité du Costaricien et son territoire.
Le début : la fondation de la littérature nationale
Les premiers écrivains costariciens participèrent à l’effort gén . . .
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Carlos Francisco Monge : Autobiographies
Parler de mes poèmes m’a toujours été difficile. Peut-être en raison d’un mélange de pudeur, d’étrangeté et de scepticisme. Au fond, celui qui écrit sait bien qu’il ne peut guère ajouter à ses créations : une fois publiées, elles appartiennent déjà à la volonté de leurs lecteurs.
La pudeur, je l’attribue à mon propre tempérament ; l’étrangeté vient de cette transformation d’éléments (il y a un instant intimes et secrets) en objets d’analyse et de curiosité ; et le scepticisme obéit au constat qu’il est . . .
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La poésie costaricienne : Un états des lieux
Comme on le constate souvent lorsqu’on étudie la littérature d’une région, la poésie costaricienne possède, à la fois, une identité sans équivalent et un héritage qu’elle partage avec les autres manifestations littéraires.
Elle appartient à la tradition séculaire de la littérature écrite en langue espagnole ; elle fait partie d’un univers culturel unique, celui de la littérature hispano-américaine ; elle est enfin la représentation – mythique, formelle ou idéologique – d’une communauté : la petite république de l’Amérique centrale, réputée pour sa . . .
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Insula rarissima (insularité, mythes et démocraties)
« Les Ticos sont toujours comme ça, plutôt silencieux, mais pleins de surprises »
Julio Cortázar, traduit de l’espagnol par Katia Benavides-RomeroLa plus ancienne illustration du « mythe » du Costa Rica, nous la trouvons dans la scène bucolique de L’agriculture, peinture du Salon de 1798, que l’on peut voir aujourd’hui au Musée d’Orsay, à Paris. Elle correspond à cette vision idéalisée de la Nature des physiocrates français : un couple de bœufs labourant la glèbe dans un paysage de rêve.
Égalité, utopie, propriété privée et individualisme sont les valeurs qui fondent la nationalité costaricienne – en quelque sorte une nationalité imaginaire – et qui ont rendu idéologiquement possible la plus ancienne démocratie de l’Amérique latine et l’une des plus stables au monde. Même aujourd’hui, en cette période de libéralisme sans adjectifs, de déclin de l’État providence et d’épuisement du projet historique du socialisme démocratique, le Costa Rica continue de se tenir fièrement au premier rang du développement humain dans le Tiers-Monde.
Le labyrinthe embrouillé de notre spécificité, parfois tout aussi inexplicable pour les Costariciens que pour les étrangers, est à l’origine d’une mystification-mythification de notre histoire insulaire : Suisse centraméricaine – et Graham Greene de rétorquer : « Quelle insulte pour les Suisses ! » -, Arcadie tropicale, démocratie rurale, îlot de paix, sanctuaire naturel, autant d’expressions légendaires fréquemment associées au nom du Costa Rica, et qui ont pour fondement une réalité historique difficile à décrypter, une ignorance quasi totale – l’Amérique centrale en général et le Costa Rica en particulier sont marginaux dans l’historiographie américaine -, ainsi que la projection à l’extérieur de notre propre isolement, de notre auto-enfermement géographique, historique, socio-économique et humain.
C’est également le résultat d’un des nombreux paradoxes déclenchés à son insu par Christophe Colomb qui, lors de son quatrième et malheureux dernier voyage, baptisa du nom de « costa rica » (côte riche) Cariari, l’actuel Puerto Limon sur la côte Atlantique, au spectacle de quelques Indiens portant des pectoraux en or fondu. Colomb, comme à son habitude, inventa une « côte riche » qui, en réalité, allait occulter ses véritables richesses durant presque quatre siècles. Le Costa Rica ne possédait ni gisements d’or à exploiter, ni masses de population à partager en encomienda1 ; c’est pour cette raison, combinée avec les Nouvelles Lois de 1542, que sa « pacification » prit un demi-siècle de retard, et qu’il fut le plus retardé et le plus frustré des pays de la région.
La longue guerre de résistance indigène aboutit à l’extermination quasi complète des autochtones qui, 200 ans plus tard, ne représentaient que un pour cent de la population totale. Cette communauté continua de se réduire jusqu’à ne plus faire partie, désormais, de la nationalité imaginaire, et devenir la plus infime de toute l’Amérique latine. Déjà à cette époque, l’élément blanc, espagnol et métis, était déterminant ; il constituait la base ethnique d’une société dont l’économie agricole reposait sur la possession de terres petites ou moyennes, en raison de l’absence de main-d’œuvre indigène et de la présence de propriétaires, à la fois colons et paysans. Ce « blanchiment » réel et symbolique amènera les Costariciens à se considérer comme des « métis-blancs », ou tout simplement comme les « blancs » de l’Amérique centrale, par une « assimilation » raciale à un faux modèle blanc. Il ne s’agit pas là seulement d’une construction idéologique, mais d’un lent processus de ségrégation et de séparation historiques.
Avant l’arrivée des Espagnols, le Costa Rica n’avait jamais réellement fait partie de la Mesoamérica – on discute encore sur l’intégration de la péninsule de Nicoya, au nord, dans la zone culturelle mexicaine -; durant le régime royaliste de Guatemala, il demeura pratiquement coupé de l’administration coloniale. Par la suite, le Costa Rica se maintint à l’écart de la Fédération de l’Amérique centrale ; en 1842, on y fusilla Morazan, le plus important promoteur de l’unification ; depuis lors, il s’est opposé à toute tentative d’intégration. Il est notoire que, dans les années 1960, il tarda à entrer dans le Marché commun de l’Amérique centrale ; dans les années 1980, il essaya de se tenir à l’écart de la crise régionale, jusqu’à l’accession à la présidence d’Oscar Arias, instigateur d’un plan pour la paix ; dans les années 1990, il refusa de se joindre au Parlement centraméricain et à toute autre forme de « centraméricanisation ».
Le Costaricien a du mal à « s’accepter », à se voir, à se contempler dans le miroir métis ou mulâtre de la « centraméricanité ». Il préfère la sécurité, sans fêlures ni contrastes, de son propre miroir biaisé dans lequel il ne voit de lui-même que ce qu’il veut voir : la différence, la distance. C’est-à-dire : égalité entre pairs et séparation d’avec les autres. L’égalité portée à l’extrême – politique, économique, sociale – se convertit en utopie, puis en achronie. Par voie de conséquence, la paix entre parfaitement dans un tel schéma idéologique.
De toute évidence, notre identité à base d’exclusivité et d’exclusion s’accommode mal des contradictions, privilégie les convergences et masque, amoindrit ou atomise l’inégalité. Aussi le Droit et la Politique – le grand échec latino-américain depuis Simon Bolivar – sont-ils les piliers de la stabilité du système idéologique costaricien. Ils trouvent souvent leur assise dans une articulation institutionnelle État-nation-société grâce à laquelle – au moins depuis cent ans – les luttes oligarchiques sont sublimées dans l’exercice alterné du pouvoir présidentiel, et la démocratie électorale fonctionne comme principe de légitimation du régime politique, en élargissant la base sociale et en réduisant les contradictions de classe.
Il n’est pas non plus difficile de comprendre que, dans ce système, l’éducation, que le positivisme associe d’emblée à la liberté et à la démocratie politique, constitue aussi une valeur intrinsèque fondamentale: l’éducation comme facteur d’égalisation sociale et en tant qu’elle pose les principes du consensus et de la stabilité. « À quoi bon une armée si nous avons des écoles ? », disait non sans ironie un ex-président, en se référant au caractère « domestiqué », idéologiquement consensuel, du Costaricien.
Dès lors, l’égalité est la valeur identitaire suprême de la costaricienneté: l’histoire du pays ne peut que révéler dans l’infrastructure socio-économique le fondement réel du mythe. L’image fortement retenue est celle d’une nation-utopie « sans classes sociales » : elle correspond à une idéalisation du XVIIIe siècle costaricien, que les historiens traditionnels qualifient de « siècle du laboureur ». L’héritage colonial de ce pays sera, pour ainsi dire, le plus léger de toute l’Amérique centrale et, malgré les inégalités sociales évidentes que l’on constate à la fin de la période de domination espagnole, une société à forte cohésion et sans contradictions raciales ni ethniques rendra possible le développement d’un capitalisme précoce. Déjà vers la moitié du siècle dernier, on exportait près de 100 000 quintaux de café, culture qui devient le principe structurant de l’économie et de la société costariciennes.
Si l’utopie costaricienne, notre « âge d’or », correspond aux XVIIIe-XIXe siècles, son espace est le plateau central : c’est là que se développa la civilisation du café qui permit l’intégration du pays dans l’économie mondiale, et que réside, encore aujourd’hui, la moitié de la population. Du fait qu’elle est pratiquement le seul haut plateau de superficie et d’altitude suffisantes en Amérique centrale, la Vallée centrale offrait des conditions idéales de colonisation. Au moment de l’Indépendance, en 1821, le Costa Rica avait une densité démographique de 1,2 habitant par km² ; sa population de 63 000 personnes vivait dans de petits villages de la Vallée centrale, et occupait à peine cinq pour cent de la totalité du territoire national.
Cet espace réduit devint le chronotope idyllique pour l’identité costaricienne : une vallée aux caractéristiques symboliquement arcadiques et utopiques, un espace clos et encerclé – en l’occurrence de montagnes – tout comme le voulait Platon, isolé et inaccessible ; l’utopie naturelle dont parlaient les physiocrates ; l’Atlantide caribéenne, le Phalanstère tropical, le Shangri-La tiers-mondiste ; l’île au milieu de la forêt ; une image d’isolement intérieur au regard de son propre territoire encore non « réalisé », de l’Amérique centrale et de son identité elle-même.
Mythiquement, du moins, le Costa Rica continue d’être la Vallée centrale. Cette dissociation interne explique l’impossibilité idéologique de se voir comme une partie de la Caraïbe ou comme une « république bananière », bien que le roman emblématique de la littérature bananière latino-américaine soit costaricien : Mamita Yunai (1941) de Carlos Luis Fallas, que Neruda appela « le Gorki d’Amérique » et qu’il célébra dans son Canto General. L’Atlantique, comme ce fut le cas pour les autres pays centraméricains – ce qui explique historiquement l’existence de Belize – ne s’est jamais intégré complètement à notre nationalité, en raison notamment de l’individualisme et de l’identité « exclusiviste » du Costaricien. Il n’est donc pas surprenant que les grands mythes fondateurs de la costaricienneté soient de métissage et d’intégration : la mère symbolique, la patronne du Costa Rica, la Vierge de Los Angeles, est noire, et son culte s’est répandu des cholos, indiens et métis au XVIIe siècle, aux Espagnols et aux criollos au XVIIIe siècle. Le Soldat Juan, ce « soldat connu » de la guerre de fondation de l’Amérique centrale (1856-1857) menée contre les flibustiers de William Walker, est un mulâtre bâtard, Juan Santamaria, intronisé « héros national » à la fin du XIXe siècle.
Dans cette insula rarissima, où le miroir symbolique – la mimesis si discréditée de Lukacs – n’admet ni écornure ni fêlure ni le moindre nuage, il est compréhensible que nous ayons une littérature et un art intimes, presque secrets, confidentiels, en mode mineur. L’art universel naît seulement de la crise et du conflit. Notre art est tout le contraire : tout en filigrane de petitesses, de détails intimes, d’innombrables petites misères ou d’exploits insignifiants de solipsisme. En 1946 déjà, l’écrivain Fabián Dobles le disait dès le titre d’un de ses romans les plus connus, Una burbuja en el limbo (« Une bulle dans les limbes ») en évoquant l’absence du sens de la tragédie chez le Costaricien : « Car la découverte artistique – cette chose indéfinissable qui ne nous a pas été donnée et que nous-mêmes ne pouvons faire qu’en nous faisant dieux – ne se dévoile que lorsque l’Enfer entre en nous, et nous blesse Et vous, jusqu’à présent, vous avez habité dans le brouillard paisible qui se trouve avant lui. »
José León Sánchez, une espèce de Prométhée métis, stigmatisé durant des dizaines d’années pour un crime d’adolescence lié au vol de l’image de la Vierge de Los Angeles – notre propre image – est actuellement notre romancier le plus important dont la meilleure œuvre est Tenochtitlán (1987), chronique de la chute de l’Empire aztèque. Une femme, Tatiana Lobo, publie en 1992 Asalto al Paraíso (« Coup de force au Paradis »), grand roman historique sur l’insurrection de la tribu Boruca à Talamanca, en 1710, événement passé sous silence dans l’histoire officielle. Tous deux, de même que le sculpteur Francisco Zúñiga ou Chavela Vargas, grands artistes mexicains d’origine costaricienne, se sont réfugiés dans la tradition mésoaméricaine pour résoudre la non-définition culturelle dans laquelle se débat la costaricienneté : île, utopie, isthme entre le Nord et le Sud, entre le plateau brumeux et la Caraïbe explosive, la mer turbulente et la montagne cachée: passion et mystère, extraversion et intra-muros.
Ne se passe-t-il jamais rien dans cette « île du jour de toujours » ? Les changements dans notre éternel présent sont aussi subtils que l’éphémère printemps que connaît pendant quelques jours la Vallée centrale après les pluies de mai, à la fin de la verte saison : un printemps secret, souterrain. Pour le découvrir, il faut plonger la main dans la terre humide et sentir sa floraison soudaine et son interne rédemption.
1. Grand domaine concédé par la Couronne d’Espagne à des colons qui y exploitaient une main-d’œuvre servile.
Carlos Cortés est né à San José en 1962. Poète, romancier, essayiste, journaliste, il s’attache depuis 1983 à faire connaître la littérature costaricienne. Il fait en outre partie du conseil de rédaction du supplément littéraire « Ancora » du journal La Nación.
Annie Ernaux : Une femme au cœur de l’écriture (entrevue)
Il y a des œuvres qui nous accompagnent avec plus d’insistance ; celle d’Annie Ernaux en fait partie. Les livres qui la composent retracent des événements de sa vie et l’histoire de ses parents. Ils sont ouverts sur l’expérience humaine, permettent au lecteur de s’y reconnaître, car Annie Ernaux ne prétend pas au caractère unique de ce qu’elle a vécu.
C’est ce qui rend son œuvre universelle. J’ai rencontré Annie Ernaux chez elle, à Cergy, alors qu’elle venait de publier La vie extérieure et L . . .Pour lire la suite, veuillez vous abonner. Déjà abonné(e) ? Connexion
La démocratie, un jeu d’enfant !
Après La démocratie, j’aime ça ! (1997) et La démocratie, je la reconnais ! (1998), Laurent Laplante nous revient avec deux nouveaux volumes : La démocratie, je l’invente ! et La démocratie, je l’apprends !. Quatre albums destinés à un jeune lectorat, auxquels il convient d’accorder son suffrage.
Si vous avez offert à votre . . .
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Merlin philosophe ou la légende arthurienne selon Michel Rio
Le cycle arthurien, inspiré de personnages issus de l’Empire romain à son déclin, a alimenté la littérature orale pendant tout le Moyen Âge et a fourni la matière, au XIIe siècle, des premiers romans européens. Depuis, les figures légendaires qui gravitent autour de la Table ronde n’ont pour ainsi dire jamais cessé de nourrir la fiction.
Aujourd’hui encore, Merlin, Arthur, Lancelot et Guenièvre sont des personnages que la bande dessinée ou le cinéma nous ont rendus familiers d . . .
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Les nébuleuses de l’énigme et de l’angoise
S’il y a dérive des continents, pourquoi les genres littéraires ne pourraient-ils pas, vraies plaques tectoniques, se télescoper et se superposer ? Certains polars seront de lignée dite pure et noble ; d’autres, mutants, revendiqueront plusieurs hérédités.
Tous raconteront une aventure à l’issue incertaine et feront la part belle aux défis de la mort, de la violence, des mondes inexplorés.Retours en arrière
Sagement, notre époque se compare aux réussites anciennes. Les résultats varient. Georges Simenon dormira tranquille : sa . . .
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Olga Orozco et ses éclairs du monde invisible
Olga Orozco est née à Toay, un lieu isolé, balayé par les vents, au cœur de la pampa argentine, en 1920. Elle fait partie de la génération d’écrivains que l’on a surnommée en Argentine la génération des années quarante. Peu avant sa mort survenue en 1999, elle a reçu le prestigieux Prix Juan Rulfo pour l’ensemble de son œuvre, où la poésie tient une place primordiale.
Le Prix Juan Rulfo, appelé ainsi en l’honneur du célèbre romancier et nouvelliste mexicain du . . .
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Halldór Laxness et l’Islande
L’attribution du Prix Nobel à Halldór Laxness en 1955 attira l’attention des lecteurs français sur un écrivain que, à la différence des Anglo-Saxons, ils ignoraient à peu près, et sur son petit pays, l’Islande, alors guère connu des touristes.
Depuis, les choses ont changé mais une partie importante d’une œuvre qui compte plus d’une quarantaine de titres nous demeure encore inaccessible. Halldór Laxness naît en 1902 alors que son pays a, comme la . . .
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Nelson Rodrigues, absolu et pluriel
La carrière du dramaturge Nelson Rodrigues offre un champ d’observation privilégié de la vie culturelle brésilienne des années 40 jusqu’à aujourd’hui. Cela est dû au rôle ambigu et provocateur qu’a joué sa mise en cause du moralisme et du traditionalisme dans la production artistique nationale, et des contradictions nées de l’appropriation des courants d’idées étrangers ou encore des changements de mœurs au Brésil.
Apparu un peu après l’important écrivain moderniste Oswald de Andrade, il ressemble beaucoup à celui-ci par l’image d . . .
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Mémorial de Aires de Machado de Assis
Au cours de la première décennie du XXe siècle, la ville de Rio de Janeiro célèbre ses joyeuses fiançailles avec la civilisation. L’inauguration, en 1908, de l’Exposition nationale commémorant le centenaire de l’ouverture des ports brésiliens donne la certitude que le pays pourrait bien en venir à marcher au même rythme que le monde occidental.
Pour les dirigeants, il s’agit de transformer la ville en vitrine du cosmopolitisme, en exemple d’une population délivrée de la fièvre jaune . . .
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Littérature brésilienne : Présentation
Le Brésil n’est qu’un goinfre. Aussi insatiable que ses terres extrêmes, sereinement inondées par les astres, il ouvre grand la gueule pour dévorer toute matière qui s’en approche, animale, végétale, minérale ou spectrale. L’être humain, sybarite, n’échappe pas à l’imposante dévoration. Intriguant paradoxe que ce pays de tous les fantasmes multiplie la famine sur un air de samba, comme si l’imaginaire du Divin Capital avait trouvé là son actualisation la plus démoniaque. Manger à en vomir ou vomir de ne jamais manger à sa faim : deux pôles plantureux de misère qui finissent par copuler dans les replis de l’Amazone, de la mer, des montagnes, des terres sèches du sertão et des lagunes du Sud.
La littérature brésilienne connaît si intimement l’injustice et la corruption qui forment le tuf de la société l’hébergeant qu’elle les traite avec une joie responsable en méprisant le tragique. Même les écrivains les plus austères cultivent, aux moments les plus aigus, le trait épigrammatique, voire la grivoiserie ou la pasquinade. Après tout, la chair de l’existant n’est-elle pas gorgée d’humeurs?
Une telle vision risque encore et malgré tout d’avaliser les mythes du métissage et de la démocratie raciale, du culte du soccer et du cul des naïades cariocas. Jusqu’à un certain point seulement. Car tout cela est bel et bien vrai : les miracles de l’hybridation, le génie des Pélé et Ronaldo, les brioches dorées des adolescentes et les cuisses de Jupiter paradant sur les plages. Le touriste qui se croit futé, un verre à la main sur la terrasse de son hôtel bien protégé, ne manquera pas de faire remarquer combien il est dommage qu’une telle beauté soit grevée de violence, exploitée sans ménagement par des oligarchies arrogantes, paternalistes, machistes, bandées sur le mensonge états-unien ou l’utopie européenne. Il n’aura pas tort et aura ainsi conforté son ethnocentrisme et sa peur du rêve. Aura-t-il pour autant touché l’élément capital, c’est-à-dire l’exotisme, pas celui des cartes postales, pas celui de l’histoire, mais celui d’une identité assurant une jouissance de tous les instants à travers laquelle s’élabore la vie sensuelle des signes, des espoirs et des corps les plus fous. Le psychanalyste Octavio Souza remarquait judicieusement que le Brésil, contrairement à notre puritaine et rigoriste Amérique, n’a pas à construire de paradis dans le futur puisqu’il est le paradis depuis toujours, bien avant son invention moderne par l’Europe. Soyons clairs : Souza ne dit pas que paradis et bordel sont synonymes. D’ailleurs, les bâtiments ne se ressemblent pas. Il dit plutôt et à peu près que le bonheur, fantaisie sublime, consiste peut-être à laisser venir à soi et pour l’autre le goût du monde et des choses. De quoi fomenter une révolution des esprits. Chaque texte de ce dossier illustre que notre raison n’a aucune raison d’être dans le pays de l’ordre et du progrès. Descartes n’y a-t-il pas perdu son latin ? D’où le plaisir absolu de savourer les plats brésiliens.
C’est à Michel Peterson, professeur de théorie littéraire à l’Université fédérale du Rio Grande do Sul (Porto Alegre), que l’on doit la préparation du dosssier sur la littérature brésilienne, de même que la révision de plusieurs textes qui en font partie. Un grand merci. Pour réussir ce travail de taille, Michel Peterson a obtenu la collaboration généreuse et amicale de Véra Lucia dos Reis, professeure à l’Université fédérale Fluminense de Rio de Janeiro, et d’Ignacio Antonio Neis, professeur titulaire de littérature et de linguistique à l’Université fédérale du Rio Grande do Sul (Porto Alegre). Qu’ils acceptent sa reconnaissance et la nôtre.
Nuit blanche tient également à remercier tous les collaborateurs qui ont participé à la réalisation du dossier.
Alain Finkielkraut : Amour et utopie (entrevue)
En 1977, Alain Finkielkraut et Pascal Bruckner publient au Seuil Le nouveau désordre amoureux. Tiens, tiens exactement dix ans plus tôt, des manuscrits de Charles Fourier, jusque-là abandonnés à la poussière et aux souris des archives nationales, paraissent sous le titre Nouveau monde amoureux.
Faut-il y voir une filiation ? En 1975, Pascal Bruckner écrit un Fourier, au Seuil.
Nuit blanche : Dans le titre de votre ouvrage Le nouveau désordre amoureux, faut-il voir une r . . .
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Ainsi parlait Zarathoustra (de Friedrich Nietzsche)
Mon « livre jamais lu » m’est tombé des mains. J’avais commencé à le lire. Il est demeuré dans la case des « jamais lus ». Ce n’est pas que je n’avais pas envie de le parcourir. J’avais déjà abordé une grande partie de l’œuvre de son auteur. Mais ce livre, sans doute le plus terrible de ses écrits, le plus incisif en tout cas, je n’ai pu le terminer. Je n’ai pu aller très loin. Je n’ai tourné qu’une centaine de pages. Pourquoi ? Parce que j’avais été pris de nausée . . .
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