Auteur/autrice : Neal

  • Lettres de Gaston Miron : Une voix frustrée de son cri

    Lettres de Gaston Miron : Une voix frustrée de son cri

    En publiant les lettres écrites par Gaston Miron entre 1949 et 19651, Mariloue Sainte-Marie propose au public lecteur un profil bouleversant du Magnifique-encore-jeune et un retour déroutant à un Québec révolu.

    La voix dont la puissance réconforte si bien adopte ici une tessiture intimiste, le déferlement politique et social intègre l’amitié et les confidences, le prophète se fait intermédiaire entre auteurs et lecteurs, l’humilié épaule les sans-voix. Il faudra réconcilier cet éclairage inattendu et le statut traditionnel de Miron, car l’utile et rigoureuse . . .

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  • Micheline Lanctôt : Vois, prends, et fais

    Micheline Lanctôt : Vois, prends, et fais

    Tu veux faire des films ? Fais-les. Rien ne t’est dû.
    Tu ne dois rien attendre de personne. Vois, prends, et fais.

     

    Le cinéma est un art jeune. Il n’a que 120 ans. Il est sans conteste le plus populaire de tous. Sous les coups de boutoir des États-Unis, voilà ce septième art devenu une industrie dont la fréquentation est au mieux hasardeuse.

    Ses chemins créatifs sont parsemés d’écueils, de dangers m . . .

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  • Hector de Saint-Denys Garneau : Le rejet d’un vers trop libre

    Hector de Saint-Denys Garneau : Le rejet d’un vers trop libre

    Phénomène rare, le penchant littéraire de Saint-Denys Garneau1 ne se heurte à aucune réticence de la part de sa famille élargie. Tel oncle se piquait de culture, telle cousine – Anne Hébert – avait un père critique littéraire ; de quoi accepter la muse dans l’existence du jeune Garneau avec plus que de la tolérance.

    Il faudra que les revers de fortune écornent le revenu familial pour que le jeune homme, qui n’a jamais songé à chercher un emploi, ressente un vague malaise. Autre ouverture à la bohème, aucun cadre strict n . . .

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  • La correspondance de Romain Rolland et Stefan Zweig

    La correspondance de Romain Rolland et Stefan Zweig

    Trois décennies de l’histoire européenne vues à travers les lettres1 qu’échangèrent à partir de 1910 deux écrivains qui furent les témoins privilégiés des catastrophes du XXe siècle et des bouleversements qui s’ensuivirent. Tous deux grands épistoliers comme l’étaient alors les écrivains : un total de 945 lettres sont publiées en deux volumes. Un troisième annoncé conduira à la mort de Zweig en 1942 précédant celle de Rolland en 1944.

    CORRESPONDANCE_jaqu_new_150x220 jaquetteJAQ_RL_130x200La patience qu’exige la lecture de cet impressionnant corpus trouve sa récompense d’abord dans sa qualité littéraire. Parmi les échanges d’informations, vœux de circonstance, récits de démêlés avec les éditeurs, politesses qui composent l’inévitable de semblables correspondances, les auteurs veulent, comme s’ils travaillaient à une œuvre, le mot juste pour décrire une situation, exprimer un sentiment, énoncer un jugement – Zweig écrit souvent directement en français et Rolland recourt au vocabulaire allemand quand il n’existe pas de terme adéquat dans sa langue. La spontanéité des réactions, la vivacité des formules, une certaine impétuosité chez Rolland, plus d’application chez Zweig enrichissent la connaissance intime des deux écrivains. Surtout on y voit l’histoire d’une époque en train de se faire presque au jour le jour, au milieu des événements qui se répercutent sur les deux témoins, mais éclairée, mise déjà en perspective. Et l’on admire ces deux hommes passionnés, épris de justice et de paix, toujours payant de leur personne, ces créateurs d’une puissance de travail stupéfiante quand on songe à la diversité des œuvres en chantier, à leur rythme sans fléchissement malgré les circonstances, qu’accompagnent l’activité journalistique, les tournées de conférences, les rencontres et voyages qui ne cessent pas pendant la guerre (Rolland est alors en Suisse et Zweig son voisin en Autriche, ils peuvent ainsi se rendre visite).

    Romain_Rolland_Jean-ChristopheQuand Zweig prend l’initiative de la correspondance, il jouit déjà à Vienne d’un renom assuré dans la nouvelle, la biographie et surtout au théâtre. Rolland, son aîné, qui reçoit le Nobel en 1915, est une figure mondialement admirée. Traduit, lu, joué en Allemagne, il est l’auteur de l’immense roman d’éducation Jean-Christophe, conçu dès les années 1890 et publié en 1912 – le musicien rebelle entre la Rhénanie et Paris qui, tel Beethoven, fait son œuvre géniale ; l’auteur d’études sur la musique, sa grande passion avec le théâtre pour lequel il a déjà écrit Les loups inspiré par l’affaire Dreyfus, d’un Saint Louis ouvrant une série de pièces consacrées à de grandes figures historiques, de biographies de Michel-Ange, Haendel, Tolstoï. Zweig le considère à travers toute la correspondance comme son maître à penser dont il sollicite les conseils et les vues, ce que fait également à l’occasion Rolland en toute humilité, qui verra en Zweig « le dépositaire de [sa] pensée intime d’artiste » (25 novembre 1926). Les deux échangent leurs livres, se racontent, se confient dans leurs doutes, leurs craintes, parlent de leurs amis communs, s’exhortent dans l’épreuve et au milieu de l’isolement que tous deux ressentent douloureusement à garder foi et confiance. Échanges de haute tenue par leur style, leur substance et leur portée. Dans leur lutte commune pour la défense de la paix et celle de la liberté intellectuelle, les deux « combattants de l’esprit » sont présents sur tous les fronts mais les guettent l’épuisement, le désespoir devant le déchaînement des haines nationalistes, « l’union des fanatiques », comme le dit Rolland, devant la trahison des intellectuels dont certains, tel Barrès, embouchèrent bien vite les trompettes guerrières (Verhaeren, qui les avait rapprochés, les déçut cruellement). Horreur devant la folie meurtrière qui domine les esprits, devant la mort partout répandue. Mais il ne faut pas céder au découragement ou au retrait cynique : « Souffrir avec l’humanité, mais non couler au fond avec l’humanité », écrit Rolland en décembre 1917.

    En 1914, celui-ci a défendu l’indéfendable : alors que la France et l’Allemagne se préparaient à une destruction réciproque totale, il a voulu se placer « au-dessus de la mêlée ». On le lui fit payer très cher. Les attaques venant à la fois des pacifistes et des nationalistes, les inventions calomnieuses, les insultes furent d’autant plus violentes que son prestige était grand. Zweig, moins exposé en Autriche, connaîtra sa part de persécutions surtout aux approches de la Deuxième Guerre, et sa qualité d’écrivain juif le conduira, on le sait, à l’exil et au suicide. Tous deux ont voulu demeurer européens. Rares furent les écrivains qui ne cédèrent pas à l’hystérie nationaliste, y compris Hugo von Hofmannsthal, Thomas Mann, voire au début Rainer Maria Rilke. Cependant un Henri Barbusse, un Heinrich Mann, un Hermann Hesse résistèrent en 1914 ou en 1939. Aujourd’hui encore, même après la guerre du Vietnam et celle d’Algérie, nous avons peine à imaginer le courage qu’il faut pour garder sa lucidité et son jugement dans ces situations extrêmes.

    L’époque nouvelle

    Romain Rolland

    L’après-guerre vu par les deux écrivains est une période de misère en Allemagne et en Autriche où règnent la famine et le marasme moral. L’inflation vertigineuse, l’enrichissement des industriels et des banquiers pendant la guerre, la haine revancharde alimentent les troubles sociaux et politiques provoqués à la fois par les communistes et l’extrême droite qui conduisent à l’assassinat du chancelier Rathenau que Zweig a approché (« un souvenir prodigieux… jamais l’Allemagne n’a eu comme ministre un homme de cette qualité, d’une telle supériorité »). Rolland s’enflamme : « Les misérables fous ! Par amour furieux pour l’Allemagne ils ont tué les plus grands hommes de l’Allemagne » (25 juin 1922). La faible République de Weimar ne résistera pas. Alors que progressent la volonté haineuse de revanche et le rêve pangermaniste, tout est propice à l’ascension de Hitler (qui apparaîtra dans le troisième tome de la correspondance).

    Les deux écrivains sont sans illusions sur l’époque nouvelle. Dès 1923, Zweig voit lucidement « la rage rouge » qui explosera. Tout aussi inquiet, Rolland, qui à cette époque s’intéresse à l’action de Gandhi (ils se rencontreront en Suisse), aimerait pouvoir, comme il l’a inlassablement proclamé, « réanimer entre les peuples un pâle sentiment de fraternité morale, issu d’une compassion mutuelle » (18 juillet 1915), même s’il voit l’Occident « condamné à la ruine ». Tous deux continuent à écrire par besoin profond, « parce qu’il faut vivre pour les choses éternelles », réaffirme Rolland.

    Nous connaissons la suite. La Deuxième Guerre que tout annonçait, l’exil de Zweig au Brésil où, complètement désespéré devant l’effondrement du « monde d’hier », il se donnera la mort. Rolland échoue à créer une véritable communauté d’esprits libres. Dans sa retraite du Vézelay, devenu suspect au gouvernement de Vichy, il meurt peu après le débarquement allié.

    Lutteurs pour la paix

    Zweig Amok 34jpg 2Si l’étoile de Romain Rolland a pâli – son œuvre littéraire a vieilli, surtout par son lyrisme un peu indiscret, son enthousiasme qui n’est plus à la mode du jour quand il évoque les figures des grands créateurs –, cette correspondance illustre sa figure d’intellectuel exemplaire, courageux, intransigeant dans sa défense des valeurs humanistes, refusant les compromissions dans lesquelles ont glissé tant de ses confrères. L’œuvre de Zweig par contre semble trouver de nouveaux lecteurs qui vont surtout à ses remarquables recueils de nouvelles et romans (Amok, La confusion des sentiments, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme) et à ses biographies (dont Trois maîtres : Balzac, Dickens, Dostoïevski), mais n’oublions pas qu’il fut en son temps plus qu’un amoureux des livres, du théâtre, de la musique et s’est voulu engagé dans l’action.

    On pourrait conclure à l’échec de l’entreprise de ces deux lutteurs pour la paix – dans la mesure où ce terme d’« échec » a ici un sens – et cependant ils ont semé. La réconciliation s’est faite entre la France et l’Allemagne et, il y a un demi-siècle déjà, ils ont entrevu ce que pourrait être une Europe authentique. Mais, une fois encore la lutte est à reprendre car les vieux démons du nationalisme hargneux et égoïste qu’on croyait morts resurgissent. Quand il faudrait coopérer, venir en aide aux migrants chassés de leur pays par la guerre, des pays se clôturent de barbelés. Chacun pour soi ! Rolland, Zweig et quelques autres ont voulu une Europe qui ne serait pas celle que nous voyons aujourd’hui, un marché ouvert à la spéculation sauvage où s’échangent des capitaux. Les deux intellectuels, avec leurs moyens, ont nourri le rêve d’une communauté des bonnes volontés qui travailleraient à la paix et au progrès moral des peuples.


    * Photo de Stefan Zweig : ©Rue des Archives
    1. Romain Rolland et Stefan Zweig, Correspondance, trad. par Siegrun Barat, Albin Michel, Paris : 1910-1919, 2014, 637 p., 56,95 $ ; 1920-1927, 2015, 731 p., 60,95 $.


    EXTRAITS

    L’amertume des masses finit par contaminer aussi l’individu. Vous-même, vous n’y échappez pas entièrement à Paris, du moins plus difficilement qu’en Suisse. Et malgré tout, je sais que je conserverai ma richesse intérieure intacte pour la nouvelle époque, cette trinité se composant d’un enthousiasme joyeux, de l’amour du prochain et de la volonté de se sacrifier. Moi aussi je resterai fidèle à l’Europe, à tous ses pays, et à tous ses hommes. Oui, je suis terriblement impatient en observant tous les jours de nouvelles choses se désagréger, impatient de pouvoir participer à leur reconstruction.
    Zweig, 21 novembre 1914.

    Que de fois mes amis de Paris – mes anciens amis, séparés de moi maintenant – m’ont rappelé et opposé le mot qui termine un de mes drames révolutionnaires – le mot de Saint-Just à la fin de Danton : « les hommes meurent, pour que Dieu vive ! » – Il y a 20 ans que je l’ai écrit. Depuis, j’ai continué ma route. Mais le public est un troupeau paresseux, qui vient longtemps après brouter la trace de vos pas, et qui reste accroché à vos paroles mortes.

    Je suis plus isolé, à présent, dans ma France que dans le reste du monde. Pour continuer à y vivre et penser, je dois créer moi-même l’air que je respire.

    Je ne me plains pas. Je comprends que cela soit ainsi. La France est héroïque et souffre ; elle ne peut point distraire sa pensée du combat ; à peine songe-t-elle à lécher ses blessures. Daniel lui-même, s’il s’était trouvé dans la fosse avec un lion de cette espèce, il eût été croqué.
    Rolland, 4 mai 1915.

    C’est maintenant un moment pour finir. Un nouveau monde commence, de nouvelles luttes. Je sens une ivresse dans l’air, ivresse sainte de la joie et en même temps ivresse des foules, qui se sont saoulées de l’odeur du sang. Il y a du rouge à l’horizon : est-ce la nouvelle aurore, est-ce la lueur d’un bûcher énorme qui brûlera toute notre culture ? Je ne sais pas. Mais je sens avec tous mes nerfs qu’une telle crise ne peut pas finir avec un simple apaisement. Nous verrons encore, spectateurs émus, de nouvelles scènes d’une nouvelle tragédie.
    Zweig, 18 novembre 1918.

  • Marguerite Andersen : La grande dame des lettres franco-ontariennes

    Marguerite Andersen : La grande dame des lettres franco-ontariennes

    Née en Allemagne en 1924, Marguerite Andersen s’est établie à Toronto dans les années 1970, après avoir vécu en Tunisie, puis en Éthiopie. Elle arrive tardivement à l’écriture de fiction, son premier roman étant publié alors qu’elle a près de 60 ans. Professeure, Andersen profite en effet d’un congé sabbatique pour écrire De mémoire de femme (1982). Livre-matrice, il inaugure une œuvre à forte tendance autobiographique et éclairée par le féminisme. En un sens, Andersen est essentiellement l’auteure d’un seul grand livre, qui est sa vie.

    Andersen De memoire de femme EDITEURInspiré, dense, finement maîtrisé, De mémoire de femme reste encore aujourd’hui, après une quinzaine d’ouvrages de fiction, la plus belle réussite de l’auteure. Le nom du personnage central, Anne Grimm, est un emprunt aux célèbres frères et conteurs allemands. Il camoufle habilement l’identité de l’écrivaine et donne le ton de l’ouvrage, entre fiction (c’est affaire de composition) et autobiographie. Il inscrit aussi d’emblée le personnage dans une quête identitaire, qui va se donner à lire sur le plan géographique (l’émigration vers le Canada) et sur le plan personnel d’une libération féminine, qui à la fin prendra aussi la forme d’une revendication féministe. Le titre du livre, au-delà de la visée individuelle, est chargé de tout un poids collectif.

    Vécrire

    Le roman s’ouvre sur le journal d’Anne, au moment où elle s’installe à Paris avec sa jeune fille, Marthe, en septembre 1978. Son projet est de consacrer tout son temps à l’écriture d’un livre afin de mettre de l’ordre dans son existence « confuse, dissimulée, incompréhensible ». À l’auteur de Salut Galarneau ! (le roman de Jacques Godbout est paru en 1967), elle emprunte le néologisme « vécrire » pour définir son propre projet littéraire. Il s’agit de lier la vie et l’écriture, d’écrire pour donner un sens à sa vie, et vice versa. Si par ailleurs elle choisit d’écrire en français, alors que l’allemand est sa langue maternelle, c’est pour se démarquer de son père écrivain, auteur d’un roman intitulé La lumière et l’ombre. Dans ce roman, où la lumière est associée à l’homme et l’ombre à la femme, le père se désole de la naissance d’une troisième fille, en qui la narratrice croit se reconnaître. Celle-ci, après avoir relaté ce souvenir, imagine une autre version de sa naissance, dans laquelle le père prend l’enfant dans ses bras chaleureux avant de la déposer entre ceux de la mère. Il y a entre eux une « intimité parfaite. Mon père, ma mère, et moi. Vater, Mutter, Kind. Voilà mon début, mon origine, mon Éden », conclut-elle.

    Cet incipit – le lecteur le saisira a posteriori – est essentiel. Il nous fait comprendre que les mésaventures conjugales et les difficultés de maternité d’Anne qui sont rapportées dans la suite du roman expriment une forme d’échec douloureux par rapport à l’image du bonheur familial forgée par l’écrivaine en devenir. Comme si c’était à l’aune de ce premier moment imaginaire, fictionnalisé par le récit du père, puis corrigé par l’écrivaine, que la vie d’Anne devait être évaluée, une vie dès lors placée sous le signe du manque et de l’absence, du ratage familial et de la perte d’une sorte de paradis terrestre (image récurrente de toute l’œuvre d’Andersen). Anne est une exilée de l’intérieur ; les multiples déplacements de sa vie adulte en seront le reflet malheureux.

    « Premier EXIL. Nous allons quitter Magdeburg pour habiter Berlin où mon père est nommé inspecteur général d’Académie », écrit-elle après le récit de sa naissance. Un autre exil, plus cruel celui-là, marque son enfance : son père décide de vendre la maison maternelle d’Ahrenshoop, au bord de la mer Baltique, commune qu’Anne avait élue comme un lieu de bonheur. Plus tard, c’est pour retrouver Ahrenshoop et agir contre son père qu’elle épousera un homme de là-bas, Paul. Décision impulsive, désinvolte, irréfléchie, toute à l’image d’Anne. Trois mois plus tard, Anne se séparera de Paul.

    Un deuxième homme, Pierre, qu’elle a rencontré par hasard, va lui permettre de quitter l’Allemagne et de recommencer sa vie à Tunis. Mais leur relation tourne rapidement au vinaigre, et Anne le quitte pour s’installer à Montréal. Elle habite alors avec un Danois, Amédée, avec qui elle ira bientôt vivre en Éthiopie, abandonnant le fils aîné qu’elle a eu avec Pierre, le cadet vivant avec son père. Anne a bientôt un troisième enfant, une fille, Marthe. Autre échec amoureux ; séparation ; retour au Canada. La rédaction de son journal se termine sur un immense regret, un très lourd sentiment de culpabilité et d’échec : « Le plus difficile pour moi, c’est de ne pas faire partie d’une cellule familiale traditionnelle. Vater, Mutter, Kind. Un paradis qui, d’après mes expériences, ne me convient aucunement, mais auquel j’ai aspiré pendant longtemps et que je regrette toujours ». Ce qui nous ramène à l’image édénique du début du livre. On voit comment tout le roman construit une sorte d’exil familial que métaphorisent les déplacements dans de nombreux pays, où Anne n’est jamais chez elle en permanence. Elle est de nulle part, comme elle ne sait pas reproduire l’espace familial qui lui a fait défaut. C’est autour de ce trou et des aléas de la vie amoureuse et maternelle que le reste de l’œuvre d’Andersen va s’écrire.

    Un nouveau départ

    Andersen AutrementPareilleCe trou, la fin de ce premier roman le remplit néanmoins. Le journal d’Anne est le récit d’une vie qui est derrière elle. Quant elle entreprend son roman, en 1978 – moment qui coïncide avec celui où Andersen commence De mémoire de femme –, elle est devenue une autre femme, une écrivaine qui a pris sa vie en main. Le roman qu’elle écrit est là pour témoigner qu’elle règle ses comptes avec son passé mais aussi avec elle-même. Aussi le roman se termine-t-il par deux pages étonnantes intitulées « La fête », et qui se situent après son journal. Anne y imagine des femmes assises en cercle autour d’un pommier (celui du paradis terrestre, bien sûr) ; elles forment une solidarité féminine : «  S’accorder de mère en fille de toutes en toutes ». C’est ici une sorte de bréviaire féministe, lequel donne la tonalité à ce que dorénavant sera la vie d’Anne. Mais cette conscience féministe est singulière, tout à fait personnelle, car elle est suscitée par le sentiment d’échec du personnage à la fois en tant que mère et en tant que fille d’une mère dont elle ne s’est pas occupée quand celle-ci aurait eu besoin d’elle dans les derniers moments de sa vie. Ce féminisme recoupe sans doute la mobilisation des femmes face à un patriarcat abusif, dont Anne a peut-être fait les frais, mais il provient avant tout d’un sentiment de culpabilité et de la nécessité pour Anne de faire réparation par rapport à sa propre mère et à travers sa relation avec sa fille (Anne n’a pas donné à sa fille le prénom de sa mère sans raison). Généré par une volonté réparatrice, ce féminisme est logé au sein d’un imaginaire existentiel qui n’appartient qu’à Marguerite Andersen. De ce point de vue, De mémoire de femme mettait en place, de manière exemplaire, les assises d’une œuvre en quelque sorte déjà entièrement écrite.

    Parcours d’une œuvre

    Deux ans après De mémoire de femme, et dans la logique du manifeste féministe qui clôt ce premier roman, elle publie un très beau recueil de prose poétique, L’autrement pareille (1984), qui s’inscrit dans la mouvance des écrits de Nicole Brossard, à qui l’ouvrage est dédié, et de Louky Bersianik. La figure de la mère harmonise l’ensemble du recueil, elle est ici une sorte d’adjuvant capital dans l’émancipation de l’auteure en tant que femme et des femmes en tant que groupe humain. La mère est dite « ma réelle », en quoi, s’opposant à « l’irréel » qu’est l’homme, elle permet une reconstruction de la réalité et devient l’élément clé de la « filliation ».

    Andersen Bleu sur blancDeux recueils de nouvelles (très brèves, des tranches de vie) et deux romans ponctuent la production des années 1990. Le premier de ces romans, L’homme-papier (1992), peut être lu comme une tentative de réconciliation avec les hommes, avec qui l’auteure dit avoir été toujours malheureuse. La narratrice invente un homme qu’elle appelle Éros et sur lequel elle prétend écrire. Cet homme, « probablement introuvable mais à qui mes tentatives textuelles conféreraient un semblant de réalité », écrit-elle au début, est donc encore une fois du côté de l’irréel, sauf qu’il ne s’agit pas de l’exclure mais de s’en rapprocher. La soupe (1995) est dans la même veine. La narratrice, Hélène Latour, commence à écrire un roman inspiré de la vie de Paul Bonavoy, un professeur à la retraite, à partir de vieux papiers et d’un agenda lui appartenant. Elle agit ainsi à la fois parce qu’elle est désœuvrée et qu’elle pense que, à travers ce regard sur l’autre, elle pourra apprendre à « mieux vivre » et en venir à gérer sa relation problématique avec les hommes. Mais Bonavoy est un homme sans grand intérêt, un prétexte trouvé par Hélène pour parler aussi d’elle-même ; et sa mort, qui survient presque à la fin du roman, le relègue au rang d’une expérience qui n’aura pas été très convaincante, Hélène n’ayant pas réussi à se faire une image plus positive des hommes. Les toutes dernières pages nous montrent néanmoins qu’elle n’est pas insensible au charme d’un ancien étudiant de Bonavoy.

    Si la qualité des ouvrages qu’elle fera paraître ensuite est assez inégale, Andersen publie en 2000 un magnifique récit de prose poétique, Bleu sur blanc. Le récit couvre la période tunisienne d’Andersen, mais où elle passe sous silence les difficultés de son mariage. Elle a choisi de rendre hommage à la beauté du pays, à ses couleurs, à ses odeurs, qui seraient comme l’envers de l’échec conjugal. Il y a donc deux réalités : le mariage, côté sombre, et le souvenir lumineux qu’elle a emporté avec elle, « bleu sur blanc ». Car la Tunisie, faite de ciel, de sable et d’eau, est « claire et simple » comme le paradis terrestre. Ce petit livre renoue discrètement avec le matériau autobiographique des débuts.

    andersen_mauvaise-mereAvec Le figuier sur le toit (2008) et La mauvaise mère (2013), l’« écrivaine à tendance autofictionnelle1 » reviendra avec force sur les événements évoqués dans De mémoire de femme. Mais alors que le premier est une sorte de récit des origines, qui revisite les événements familiaux de l’Allemagne nazie, le second est centré sur le sentiment de culpabilité de l’écrivaine, qui se reproche de ne pas s’être occupée de ses enfants, de les avoir sacrifiés à ses amours.

    Andersen publie aussi des récits de vies parallèles. Dans Parallèles (2004), une « fiction documentaire », elle revient sur certains événements de son passé, mais pour confronter sa vie avec celle de son amie Lucienne Lacasse-Lovsted, décédée quelques années plus tôt. Le récit autobiographique devient aussi une biographie imaginaire, l’auteure faisant converger leurs parcours vers certains questionnements propres à la condition féminine, à ce qu’elles furent dans leur siècle et l’une par rapport à l’autre, ces femmes « semblables bien que dissemblables ». Proche de cette optique de narration, La vie devant elles (2011) met en récit le parcours de vie de trois jeunes femmes nourries par la vie des six petites-filles de l’auteure, incarnée elle-même dans l’histoire. Dans la production récente, on ne trouve finalement qu’un seul livre qui échappe à la fiction autobiographique : Doucement le bonheur (2006). Le roman part d’un fait divers survenu à Ottawa au tournant des années 1930 : le viol d’une jeune fille par un député. Dans une deuxième partie, Andersen leur invente une vie dans les années et décennies suivantes. Mais ce nouveau récit de vies parallèles est l’un des livres les plus faibles de toute la production d’Andersen.

    Encore active aujourd’hui, par ailleurs éditrice de Virages, une revue consacrée à la nouvelle et qu’elle a créée en 1998, Andersen reste un des écrivains-phares de la littérature franco-ontarienne.


    1. Selon l’expression du « Petit avant-propos » de La vie devant elles.

    Principaux ouvrages de fiction de Marguerite Andersen :
    De mémoire de femme, Quinze, 1982 et L’Interligne, 2002 ; L’autrement pareille, Prise de parole, 1984 ; Courts métrages et instantanés, Prise de parole, 1991 ; L’homme-papier, Remue-ménage, 1992 ; La soupe, Prise de parole, 1995 ; Les crus de l’esplanade, Prise de parole, 1998 ; Bleu sur blanc, Prise de parole, 2000 ; Parallèles, Prise de parole, 2004 ; Doucement le bonheur, Prise de parole, 2006 ; Le figuier sur le toit, L’Interligne, 2008 ; La vie devant elles, Prise de parole, 2011 ; La mauvaise mère, Prise de parole, 2013.

    Merci au Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes du gouvernement du Québec pour son soutien à la promotion et à la diffusion de ce numéro.


    EXTRAITS

    LA NUIT
    Parfois
    la nuit
    les rugissements des lions de l’empereur me réveillent
    à Addis Ababa
    les cris des hyènes à la recherche des charognes oubliées
    dans un coin de la ville
    parfois ce sont mes erreurs qui m’angoissent, me
    poursuivent jusque dans les plus sombres recoins de
    mes rêves que je préfère souriants […].
    La mauvaise mère, p. 144.

    L’allemand, langue de mon enfance, le français, langue de mes études et de mon enseignement, l’anglais de la vie quotidienne ? Un mari allemand, un mari français, un mari danois avec qui je parlais anglais, deux fils bilingues, une fille trilingue. En quelle langue écrirai-je ? En français ? Auf deutsch ? In English ? Quelle est ma langue ? Mon père, écrivain, me paraît être l’autorité en ce qui concerne l’allemand. L’anglais appartient à ma sœur aînée qui à dix-huit ans décida d’aller vivre en Angleterre où sa ressemblance avec Élisabeth II s’accentua encore davantage.
    De mémoire de femme, p. 21.

    Moi, j’avais mal au dos, j’avais sommeil, j’étais fatiguée, je n’avais pas envie de faire l’amour et de guetter ensuite avec angoisse la venue ou plutôt la non-venue de mes règles. Je me prêtais à l’exercice quotidien pour que Pierre soit plus aimable, pour qu’il me pardonne de n’avoir pas mis assez de sel dans la soupe ou d’avoir mal repassé son pantalon. Aucun orgasme dans ces conditions-là, aucun désir, j’étais comme prostituée, je payais pour l’erreur que j’avais faite d’épouser Pierre au lieu de trouver le courage d’élever seule mon enfant, de le priver de son père, de violer finalement l’image sacrée de Vater, Mutter, Kind.
    De mémoire de femme, p. 205.

    Quand l’Allemagne a finalement admis sa défaite, j’étais exaltée tout en me sachant fautive. J’avais vécu la guerre, le nazisme. J’étais coupable de ne pas avoir résisté, d’avoir ri, mangé, fait l’amour pendant que d’autres souffraient. Puis, grâce à Irène, j’ai pu quitter l’Allemagne en novembre 1945, quitter mon pays que je n’aimais plus. Et cela non plus ne constituait aucunement une action héroïque : j’ai par ce départ évité toutes les difficultés de l’après-guerre.
    De mémoire de femme, p. 66.

  • Nicolas Dickner, entre passion et obsession

    Nicolas Dickner, entre passion et obsession

    Fainéanter dans un monde neuf est la plus absorbante des occupations.
    Nicolas Bouvier, L’usage du monde

    Va jusqu’au boutte de ton voyage ! Monte ! Monte !
    Michel Tremblay, Damnée Manon, sacrée Sandra

    Le romancier Nicolas Dickner connaît un départ foudroyant dès 2005 avec Nikolski, qui rafle nombre de prix importants1. Tarmac, paru en 2009, est en processus d’adaptation cinématographique. En 2015 . . .

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  • Indépendantisme : Deux essais précurseurs d’un nouveau cycle ?

    Nombre d’essais se sont penchés ces dernières années sur la frilosité du peuple québécois à l’endroit du plein exercice de sa souveraineté.

    Publiés en 2015, Une fabrique de servitude1 et Cessons d’être des colonisés !2 réitèrent le désolant constat, tout en annonçant un possible retour en force de la parole et de l’action indépendantistes.

    Avec leur dernier essai, Une fabrique de servitude, Roger Payette et Jean-François Payette plongent . . .

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  • Contribution d’envergure à l’histoire du Québec

    Contribution d’envergure à l’histoire du Québec

    On attendait beaucoup de la reconstitution des débats parlementaires, mais on en redoutait les difficultés. Si on rêvait de pouvoir lire un jour la totalité des échanges parlementaires, y compris de ceux qui avaient précédé le Journal des débats, le chantier faisait peur.

    Pendant un temps, peut-être les pionniers de cette mission presque impossible furent-ils les seuls à y croire ; à tel moment, même la présidence de l’Assemblée législative vacilla. Histoire parlementaire du Québec 1928-19621, document infiniment m . . .

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  • Georges Magnane

    Georges Magnane

    Né en 1907 à Neuvic-Entier en Haute-Vienne, Georges Magnane (1907-1985), de son vrai nom René Catinaud, au terme d’un parcours académique sans faute devient agrégé d’anglais. Dès la fin des années 1930, il publie chez Gallimard des romans où il met en scène tantôt sa jeunesse provinciale, tantôt son expérience de lettré amoureux du sport : ce seront L’épée du roi, La bête à concours, Gerbe baude, Les beaux corps de vingt ans, entre autres.

    Il s . . .

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  • Foi et mauvaise foi

    Foi et mauvaise foi

    Nul doute, Asmaa Ibnouzahir est une jeune femme infatigable, frondeuse et aventureuse. Arrivée au pays en 1994 de son Maroc natal, l’adolescente brillante se fraye un chemin à la force de son énergie vitale, puis occupe plusieurs emplois pour payer ses études universitaires.

    Sous apparence de modernité

    Amatrice aguerrie de water-polo et de taekwondo, elle rejoint la première équipe de football féminin de Montréal et nous donne à voir une fille bien de son temps qui a même fait profession de foi souverainiste. Musulmane par automatisme, elle participe à des missions humanitaires . . .

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  • 1. Un peuple et son rêve : présentation

    1. Un peuple et son rêve : présentation

    Quand un peuple s’ébranle vers son indépendance, la littérature l’accompagne avec ses ressources de mémoire, d’inspiration et de rêve. Elle constate les avancées, pointe les défis, enregistre leçons, gloires et défaites. Le projet québécois vit cette étape : entravé à mi-course, il s’offre la chronique des efforts et le souvenir de ses artisans. Ceux et celles qui n’ont pas vécu ce demi-siècle en reçoivent le souffle quand leur parlent le vingtième anniversaire du second référendum, le vingt-cinquième du Bloc québécois ou le legs de Jacques Parizeau.

    Car les livres évoquant le référendum de 1995 sont nombreux. Robin Philpot raffine son bilan : il y eut pire qu’une indélicatesse ; Andrée Ferretti insiste de nouveau sur l’éducation et en appelle aux jeunes ; Éric Bédard revit son entrée en militance et réitère ses choix ; Jean-François Lisée explique pourquoi l’association lui parut alors requise ; VLB célèbre Monsieur et ses compagnes en ferveur.

    Vingt-cinq ans après sa fondation, le Bloc québécois mérite et reçoit l’évaluation de Martine Tremblay qui raconte la relation entre deux partis frères. Ou rivaux ?

    Vues diverses, mais convergence des témoignages : grâce au livre, un peuple prend possession de son cheminement. Serait-ce l’entêtement d’un rêve inachevé ?

     


    2. Andrée Ferretti : une voix dérangeante et nécessaire

    3. Biographie exemplaire : Parizeau et la construction du Québec

    4. Monsieur Parizeau de Victor-Lévy Beaulieu

    5. Le Bloc et le PQ : partis frères et/ou rivaux

    6. Années de ferveur, 1987-1995 d’Éric Bédard

    7. Chroniques référendaires : Les leçons du référendum de 1980 et 1995

    8. Le référendum volé, 20 ans plus tard de Robin Philpot

    9. Octobre 1995 : Tous les espoirs, tous les chagrins de Jean-François Lisée

     


    Merci à André-Philippe Côté qui nous a permis de reproduire ses caricatures.

    Exceptionnellement, tous les textes de ce dossier sont signés par une seule personne, Laurent Laplante, témoin important et éclairé de l’évolution sociale et politique du Québec moderne.  

  • 2. Andrée Ferretti : une voix dérangeante et nécessaire

    2. Andrée Ferretti : une voix dérangeante et nécessaire

    Un peuple que sa devise n’a jamais préservé de l’amnésie ne peut survivre que si retentissent à ses oreilles et dans son âme des voix en prise directe avec l’histoire.

    Non qu’il s’agisse de stagner dans la nostalgie, mais parce que l’avenir se construit à partir des enracinements de la culture et des soifs de la dignité. Ces voix agaceront les tièdes chaque fois qu’elles dénonceront la médiocrité du climat politique et médiatique, mais elles révéleront du même coup leur absolue nécessité. L’histoire se souvient de Démosthène, Jérémie ou Churchill non en raison de l’écoute rarement obtenue auprès des peuples, mais pour la dure lucidité de leurs mises en garde. Au Québec, Andrée Ferretti compte parmi ces voix entêtées et indispensables.

    Place aux jeunes

    Ferretti Desir revolutionSans vieillir, la voix d’Andrée Ferretti vise de plus en plus vivement les acteurs et les auditoires des jeunes générations. Cette préoccupation, déjà manifeste lors de la publication des Grands textes indépendantistes (Typo, 1992 et 2004), occupe aujourd’hui l’avant-scène de Mon désir de révolution1. Seule responsable de la seconde tranche de ces textes phares après le décès de Gaston Miron, partenaire de la première cuvée, Andrée Ferretti accrut alors la part des témoignages issus de la relève. Le même esprit la conduit aujourd’hui à confier la préface de cette autobiographie à Martine Desjardins, que le printemps érable de 2012 a fait connaître comme combinant jeunesse et exemplaire maturité.

    « Rien n’est plus renversant, écrit-elle, que la force du désir des jeunes. Ils sont aujourd’hui comme hier l’avenir victorieux de notre histoire de luttes. » Transmettre ainsi le témoin à un coureur plus jeune est la meilleure preuve de l’attachement inoxydable d’Andrée Ferretti à sa Cause. Bien que marquée, comme Denys Arcand ou Éric Bédard, par le sombre patriotisme de l’historien Maurice Séguin, Andrée Ferretti réagit autrement que ce mentor : elle somme l’histoire de rendre gorge. En motivant les jeunes.

    Chez Andrée Ferretti, le projet souverainiste s’arrime donc à l’histoire du Québec, mais en évitant la résignation et en ne succombant que rarement au ressentiment. « Partout et depuis toujours, ici et maintenant, la connaissance de l’histoire est l’assise principale de tout désir de révolution, son fer de lance le plus efficace. » Sans narrer une fois de plus la lutte séculaire qui a conduit le Québec de l’infériorité coloniale à un statut de pays inachevé, la militante met en exergue la motivation qui, à ses yeux, constitue le substrat de cet entêtement. Quand ce qui heurtait les patriotes reprend du service sous l’impulsion d’un gouvernement voué au néolibéralisme, Andrée Ferretti oppose à cette continuité menaçante la détermination du peuple québécois à revendiquer encore et toujours liberté et dignité : « […] toutes ces attitudes étaient tragiquement semblables à celles adoptées suite à l’échec des Rébellions qui, de peuple conquis, a fait de nous un peuple colonisé ».

    Quelle révolution ?

    A. Ferretti ©Martine Doyon

    Ce recours à l’histoire, dans ce qu’elle offre de balises et de points de comparaison, conduit Andrée Ferretti à prendre du recul par rapport à la violence. Alors que son vocabulaire parfois volcanique a pu naguère laisser l’impression que la Cause justifie tous les moyens, l’équivoque n’existe plus et on déformerait sa pensée en la croyant blindée contre les leçons assenées par le temps. Même si elle se dit « plus consciente que jamais de l’inégalité des forces en présence dans la guerre à finir engagée par le mouvement indépendantiste contre ces pouvoirs », elle en « arrive pourtant à conclure que l’action clandestine et violente ne peut être efficace dans notre société ». Surtout parce que la complicité du peuple n’est pas assurée.

    On touche ici du doigt ce qui constitue l’assise la mieux ancrée des valeurs d’Andrée Ferretti : sa révolution ne saurait faire l’économie de l’éducation. Elle regrette encore la mue du Mouvement souveraineté-association (MSA) en parti politique. Parce que le travail de formation était à peine entamé. Elle attendait du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN) une éducation du Québec aux vertus de l’indépendance ; autre vœu transgressé. Le raisonnement d’Andrée Ferretti, si je le perçois correctement, adopte la tonalité drue des grands prophètes. « Il faut vous rappeler ensuite, répétait Démosthène, soit en vous renseignant auprès des autres, soit, pour ceux qui sont au courant, en faisant appel à vos propres souvenirs quelle conduite vous avez tenue au temps où la puissance des Lacédémoniens était si grande » (Première philippique) ; « De même que vous m’avez abandonné pour servir dans votre pays des dieux étrangers, dit le Seigneur, de même vous servirez des étrangers dans un pays qui n’est pas le vôtre » (Jérémie, v. 18). À quoi se compare la râpeuse franchise de Churchill le 13 mai 1940 : « Je n’ai rien à vous offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ». « Car, ajoutait-il, hors la victoire, il n’est point de survie. » Pas plus que l’épanouissement des violettes ne s’obtient en tirant sur leur tige, laisse entendre Andrée Ferretti, on ne rend l’indépendance désirable sans d’abord éveiller la nation à son histoire, ses dépendances, son potentiel. Si cette interprétation résiste à l’examen, un mystère se résorbe : c’est parce qu’ils auraient interrompu la formation du peuple et brusqué le plongeon dans l’action partisane que Pierre Bourgault et René Lévesque encourent le blâme d’Andrée Ferretti.

    Fougue et stratégie

    Indispensable, la fougue n’est pas toujours la meilleure conseillère, pas plus que l’intransigeance n’est nécessairement la plus féconde pédagogie. Cela dit et redit, une certitude devrait s’imposer : il est plus facile de trouver des stratèges que des convaincus, des médiateurs que des fervents, des compromissions que des audaces. Dès lors, les excès et les raccourcis d’Andrée Ferretti, pour réels qu’ils soient, ne peuvent occulter une contribution dont sont incapables les étapistes, les négociateurs, les timorés : autant est rare et irremplaçable le feu sacré, autant sont nombreux et presque interchangeables les conseillers en sorties de secours et en accommodements amollis. Déplorer les surchauffes dans les véhémences d’Andrée Ferretti équivaudrait à préférer l’accessoire au vital, le moyen idoine à la conviction, le calcul à la ferveur. Ce qui ne veut pas dire que la fougue doit déterminer seule les priorités et les parcours.

    Andrée Ferretti entre en militance en 1963, comme Victor-Lévy Beaulieu le fit en littérature. Déjà, elle a pris en grippe la mondialisation qu’elle confond avec l’hégémonie et l’impérialisme et qu’elle juge inapte à coexister avec le pluralisme des cultures ; peut-être est-ce la raison pour laquelle des ténors indépendantistes comme Bernard Landry et Jacques Parizeau ne se logent pas dans son zodiaque préféré. De René Lévesque, erratique quand il se laisse attendrir par le beau risque de Brian Mulroney, elle écrira, dans un raccourci fracassant : « Malheureusement, René Lévesque n’était pas indépendantiste ». Verdict qui s’appliquerait plutôt à Pierre Marc Johnson ou à Lucien Bouchard. Par contre, Andrée Ferretti comble de fleurs Djemila Benhabib pour avoir « infatigablement appuyé le projet de Charte pour la laïcité du ministre péquiste Bernard Drainville », texte dont la pertinence est pour le moins amochée. Peut-être la Bible a-t-elle eu raison de ne pas attendre la même chose des Juges et des Rois que des Prophètes.

    Mes Rencontres

    En ménageant un espace substantiel aux personnalités qui ont partagé avec elle un « militantisme commun », cette autobiographie (qui mime l’essai) précise les priorités d’Andrée Ferretti. « Dis-moi qui tu admires et… », pourrait-on dire.

    Sans surprise, une forte proportion des parents retenus par Andrée Ferretti s’apparentent à elle par leur tranchant. Ainsi, Gaston Miron, Gérald Godin, Michel Chartrand, Hélène Pedneault, Djemila Benhabib. Plus rares, mais aussi admirées, des figures comme Hubert Aquin et Robert Laplante (aucune parenté génétique !) accèdent aussi au cercle des « hommes et des femmes pénétrés de la nécessité de leur implication politique ». Seule surprise majeure, Pauline Marois trouve grâce aux yeux de l’auteure. L’« énergie » de l’ex-première ministre la protège de l’excommunication, même si elle fut, confesse Andrée Ferretti, « une femme de pouvoir qui tout au long de sa carrière a fait de nombreux compromis pour le conquérir et l’exercer, jusqu’à reléguer l’indépendance au rang des objectifs éventuels à réaliser un jour ou l’autre. Tout ce que je considère impardonnable ». René Lévesque et Jacques Parizeau manquaient-ils d’énergie ?

    La conviction d’Andrée Ferretti ressemble, j’ose l’espérer, à cette lecture de son ouvrage. « N’étant pas réformiste, en vérité contre toute réforme qui maintient l’ordre établi, je ne pouvais rien accomplir à l’intérieur de ce système, si ce n’est de le contester farouchement, grain de sable dans les rouages de son erre et air d’aller. » Mission indispensable et tâche assumée, même si, de son propre aveu, une sévérité parfois excessive a marqué sa « critique des situations et des personnes ».

    Ce n’est certes pas par manque de fougue que la prophétesse a peu obtenu des Rois et des Juges. Elle était et demeure nécessaire.

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    * Andrée Ferretti en 1956, détail d’un tableau de Georges Lauda.
    1.
    Andrée Ferretti, Mon désir de révolution, XYZ, Montréal, 2015, 147 p. ; 19,95 $.

     

    EXTRAITS

    Sous l’influence de Pierre Bourgault, orateur exceptionnel, la proposition de sa transformation [celle du RIN] en parti électoral avait été adoptée. J’étais farouchement contre ce changement.
    p. 57

    Comment en 2015, à l’heure de la mondialisation du moindre gadget, expliquer autrement que par notre statut provincial le fait que nos plus grands écrivains, créateurs d’œuvres originales exprimant la spécificité de leur culture nationale, ne figurent pas dans la liste des prix Nobel de la littérature.
    p. 102

    Remarquable intellectuel au sens fort du terme, penseur et acteur engagé, Robert Laplante fait concrètement face à ce défi de maîtrise de notre destin national sur tous les lieux de combat où il pratique l’art de la guerre idéologique et politique, avec une intelligence stratégique exceptionnelle sinon unique.
    p. 136

    Alors que le Canada sous Harper achève sa construction d’État unitaire, le Québec sous Couillard fragilise les institutions distinctives du Québec quand il ne les détruit pas.
    p. 140

     


    1. Un peuple et son rêve : présentation

    3. Biographie exemplaire : Parizeau et la construction du Québec

    4. Monsieur Parizeau de Victor-Lévy Beaulieu

    5. Le Bloc et le PQ : partis frères et/ou rivaux

    6. Années de ferveur, 1987-1995 d’Éric Bédard

    7. Chroniques référendaires : Les leçons du référendum de 1980 et 1995

    8. Le référendum volé, 20 ans plus tard de Robin Philpot

    9. Octobre 1995 : Tous les espoirs, tous les chagrins de Jean-François Lisée

     

  • 8. Le référendum volé, 20 ans plus tard de Robin Philpot

    8. Le référendum volé, 20 ans plus tard de Robin Philpot

    En plus de satisfaire aux exigences de son titre1, la réédition du bouquin de Robin Philpot reprend et complète un certain nombre d’analyses situées à la périphérie immédiate du débat.

    L’auteur, en effet, ne se borne pas à consolider les observations recueillies une décennie après le second référendum québécois, il les féconde en projetant sur elles des données soit apparemment détachées du thème, soit surgies plusieurs années après. Sur les deux fronts, le gain est . . .

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  • Marie Cardinal

    Marie Cardinal

    Fille d’une cinquième génération de Françaises nées en Algérie, Marie Cardinal sera celle qui, en pleine guerre d’indépendance, quittera le pays la première pour ne plus y vivre. L’exil la fera écrire, la guerre, penser.

    Les deux filles de Marie Cardinal, Alice et Bénédicte Ronfard, accompagnées de l’éditrice de Montréal Annika Parance, ont entrepris en 2009 un travail de recherche dans les onze carnets intimes laissés à la mort de l’écrivaine. Le triummulierat a fait la découverte d’une matière riche et unique qui deviendra L’inédit1. L’ordonnancement du texte est chronologique, de la fin des années 1970 au milieu des années 1990, et se construit par couches successives : une page ou deux tirées du journal intime, un extrait d’une auto-entrevue fictive où, d’une certaine manière, se recrée la scène psychanalytique, le tout lié par un texte littéraire libre, qui n’appartient ni à l’une ni à l’autre des formes précédentes.

    Le regard de Marie Cardinal est particulièrement aiguisé dans cette entrevue fictive, laquelle s’élabore autour d’un personnage-auteur peu connu mais prometteur qui la questionne et surtout l’écoute s’exprimer sur l’écriture, les joies et les peines de vivre, le corps et l’intime, le politique et la marche du monde. Il s’en dégage une autocritique impitoyable. Elle estime son œuvre médiocre et se désole de ne pas savoir y faire. On ne compte plus ses jugements secs et mordants. Puis, elle se réconcilie : « Faire confiance à l’inconscient qui connaît mieux le livre que moi ».

    Son sixième ouvrage, vendu à plus de trois millions d’exemplaires et traduit dans une vingtaine de langues, le célèbre Les mots pour le dire, n’y change rien. À nouveau, elle désespère : « Où est mon livre ? Y a-t-il un livre ? » Elle mesure la distance qui la sépare de Proust, Duras, Flaubert, mais en bonne philosophe conclut qu’il lui faut se contenter de ce qu’elle a. À la lecture de L’inédit, il affleure aussi l’idée que le « gros livre », celui qui l’habitait dans un repli inconnu d’elle, n’a jamais été découvert.

    Dans une veine apparentée, le monde littéraire parisien se voit dépouillé de ses apparats et, nu, il fait terne figure. Séduite par l’intelligence et le charme de ce cercle aussi puissant que restreint, elle refusera, après s’en être grisée quelque temps, ses discours pédants qui, selon l’humeur du moment, font et défont les réputations d’écrivains. Ce qui fait dire à l’auteure que la culture française vit sur sa grandeur passée. Quelques femmes pourtant se maintiennent à flot, Yourcenar, Beauvoir, surtout Duras qu’elle place « au-dessus de tous ceux qui écrivent en France ». Au passage, elle donne un coup de Jarnac au bon vieux stéréotype du « livre de femmes ». Pendant douze ans, Cardinal a pratiqué la négritude littéraire pour le compte d’auteurs en panne, avant tout des hommes, et la même intelligentsia parisienne n’y a vu que du feu. Jamais la touche d’une femme.

    L’écrivaine connaît son camp. Selon elle, il n’existe pas de cause plus politique que la cause des femmes. C’était le féminisme d’avant la rectitude politique. Vu de ce côté-ci, de notre rivage postmoderne, on peut le qualifier de décomplexé, de radical, de rigolo même, en tout cas il exclut toute forme de tiédeur. Le 11 février 1979, bien avant Ariane Moffatt, ne confie-t-elle pas à son journal : « Je veux tout, tout de suite » ? Mais aussitôt surgit cette question perfide : « Mais je veux quoi ? » En lisant ces mots, j’entends son rire sonore lors de l’une de ces soirées déjantées à la Maison Beaujeu, berceau du Théâtre expérimental des femmes à Montréal au début des années 1970. Comment imaginer que ce rire appartient à celle qui porte un mal de vivre si absolu ? Comment se figurer que cette femme bien charpentée, imposante, puisse receler autant de fragilité ? Que sous l’apparence de marbre se cache une fine porcelaine ?

    Ses confidences offrent une explication partielle. Dans le Vaucluse, quand la joie flotte sur la bastide partagée avec son mari, le père de ses enfants, le grand-père de ses petits-enfants, son mec, son copain, son complice de toujours, elle oublie de l’écrire dans son journal. À quelques mois d’intervalle, après avoir noté tout court : « Me tuer », elle s’étonne, joyeuse : « C’est bon le bonheur ».

    Que la voile faseye ou que le vent soit généreux, Marie Cardinal, la sauvage, commence par obéir afin de transgresser le pouvoir à son aise. Elle descend en flammes les défenseurs de l’histoire qui ne racontent pour l’essentiel que la pensée et le pouvoir dominants. Seul peut-être le roman permet d’outrepasser l’aveuglement de cette histoire bancale et son armée de bien-pensants, et elle s’y emploie allègrement.

    Avec L’inédit et ses pages remarquables sur la démocratie et les États-Unis, l’islam et le terrorisme, le Québec et la langue française, l’Algérie et le colonisateur, la scène est maintenant prête pour recevoir le théâtre de ses quatorze romans – son gros livre, celui qu’elle n’a pu extirper de ses entrailles ? –, réunis il y a peu, dans un objet intimidant d’au moins cinq centimètres d’épaisseur.

    Au plaisir de se plonger dans les eaux profondes de cette vie, belle et difficile.

     


    1. Marie Cardinal, L’inédit, Annika Parance, Montréal, 2012 et Le Livre de poche, Paris, 2015, 259 p. ; 11,95 $.

  • La guerre – ses principes et son quotidien

    À une époque qui prend goût à la guerre préventive et rend permanentes les mesures d’exception qu’exige la guerre, il devient plus urgent que jamais d’analyser côte à côte ce que sont aujourd’hui les principes et la quotidienneté des conflits armés.

    Pour vérifier, d’une part, si les guerres modernes peuvent, malgré leur démesure et leurs tristes ingéniosités, ne pas déborder certaines limites et, d’autre part, si les combats effectivement menés se déroulent sur la même planète que la théorie.

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  • Cartographie amoureuse de Jean-Claude Charles

    Les éditions Mémoire d’encrier entreprennent la réédition de l’œuvre de Jean-Claude Charles, écrivain, journaliste et scénariste haïtien né à Port-au-Prince en 1949 et décédé à Paris en 2008.

    Après la publication de Négociations, un recueil de poésie paru l’hiver dernier, l’éditeur montréalais a fait paraître à l’automne 2015 Manhattan blues1, le troisième des quatre romans de l’auteur. Suivront cet hiver Bamboola bamboche et Sainte d . . .

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  • Roland Barthes de Tiphaine Samoyault

    Dans les années 1970 au Québec comme en France, pour étudier – et enseigner – la littérature, il fallait faire allégeance au structuralisme, à la sémiologie, à la linguistique et à la psychanalyse. Barthes était en première ligne de la nouvelle critique, sa figure de proue.

    La volumineuse et exhaustive biographie de Tiphaine Samoyault1 le rappelle à longueur de page, en démontre les raisons, expose la nouveauté de son approche, voire sa nécessité.

    On lisait dans ses savoureuses et incisives

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  • Trois poèmes d’amour de Renaud Longchamps

    Ces poèmes inédits sont extraits du recueil de poésie Amours/Mexico dont l’édition simultanée en français et en espagnol est en cours chez Mantis Editores (Mexique) et aux Écrits des Forges (Québec) sur une traduction de Silvia Pratt.

    Après Positivos/Positifs paru en 2013, il s’agit de la deuxième traduction d’une de mes œuvres publiée chez les mêmes éditeurs.

    À quinze ans . . .

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  • Pierre Gascar (1916-1997)

    En 1953, même si Pierre Gascar est un écrivain presque débutant, il n’est plus un néophyte.

    Né en 1916, c’est au sortir d’une jeunesse tourmentée et, surtout, de sa longue captivité en Allemagne, due à son engagement dans la Résistance, que paraissent chez Gallimard deux recueils de nouvelles, Les meubles (1949), puis Le visage clos (1951) : « Je n’ai commencé à publier qu’assez tard, la guerre et ma réadaptation sociale m’ayant, pendant plusieurs années, empêché d’écrire. Je n . . .

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  • La survie littéraire de Mathieu Arsenault

    La survie littéraire de Mathieu Arsenault

    Dans En vivant, en écrivant, Annie Dillard disait que tout auteur devrait écrire comme s’il était à l’article de la mort, à des lecteurs qui seraient en phase terminale. C’est dans cet esprit d’urgence que Mathieu Arsenault semble avoir rédigé La vie littéraire1.

    Pas à la manière de sa défunte amie Vickie Gendreau, bien que les similitudes dans l’écriture et le ton soient nombreuses. On ne s’y confesse pas. On dit seulement son ras-le-bol, avec tout le venin, toute la . . .

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  • 5. Le Bloc et le PQ : partis frères et/ou rivaux

    5. Le Bloc et le PQ : partis frères et/ou rivaux

    Sous un titre un peu inattendu, La rébellion tranquille1, Martine Tremblay raconte avec rigueur la naissance et le parcours du Bloc québécois de 1990 à 2011.

    Sa narration ramène la trajectoire de ce parti à deux segments incarnés en deux hommes : la fondation et les premiers pas sous l’impulsion de Lucien Bouchard ; la consolidation et la montée en puissance sous la poigne de Gilles Duceppe. Avec verve, l’auteure construit son relevé à partir d’une large gamme de témoignages ; disciplinée, elle ne se laisse jamais éloigner . . .

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  • 3. Biographie exemplaire : Parizeau et la construction du Québec

    3. Biographie exemplaire : Parizeau et la construction du Québec

    La disparition récente de Jacques Parizeau rend opportune la réédition de la biographie que lui consacrait Pierre Duchesne au début de la précédente décennie. Non seulement elle n’a pas vieilli, mais ses lignes de force semblent encore plus justes à mesure que passe le temps.

    Deux traits caractérisent Jacques Parizeau : d’une part, l’ingénieuse diversité des gestes ; d’autre part, l’absolue domination de la conviction maîtresse. L’homme agira sur plusieurs fronts ; jamais ne variera son souci. Cette cohérence unifie les trois sous-titres :

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