Catherine Voyer-Léger pose un regard sensible sur le corps et offre une expérience de lecture singulière dans laquelle se côtoient tendresse, humour, mais aussi solitude et douleur.
Il n’y a pas de numéros de pages, pas d’ordre à première vue dans ce livre composé de microrécits qui explorent le corps. Chaque fragment a pour titre une partie, une sensation ou un phénomène physique. On fait notre chemin à travers cette collection de migraine, colère, cicatrice ; front, largeur, plaie ; épaules, lèvres, dos, ventre, dents. Certaines parties reviennent, se multiplient, comme si on n’en avait jamais fait le tour. Toutes sont des portes d’entrée jusqu’à soi et autant d’angles sous lesquels aborder le thème.
Dans les pages de Prendre corps et ses interprétations teintées de mémoires, on oscille entre la haine et l’amour de soi. L’auteure a le talent d’écrire, toujours, en équilibre entre confidence et réflexion. La voix de Catherine Voyer-Léger est plus poétique que jamais quand elle trace les contours du rapport souvent conflictuel avec son corps. Je l’ai lue comme on déchiffre une carte, une radiographie du soi, une émouvante entreprise d’appropriation ou de réappropriation de ce qui est beaucoup plus qu’une enveloppe.
Le livre impose un rythme très particulier. Les fragments amènent à l’introspection, à l’indulgence. Par moments, l’écriture apparaît extérieure, plus critique, un peu comme si l’auteure expérimentait froidement les choses. À d’autres moments, c’est l’inverse : ce qui est raconté va si loin dans le dévoilement qu’on a envie de remercier Catherine Voyer-Léger pour tant de justesse.
Autour de l’inépuisable sujet du corps, l’auteure tisse une toile toute personnelle en s’adressant à l’autre, lui disant sa soif de liens. Ses questions se confrontent bien souvent à l’absence de réponse, et le désir puissant de creuser, en elle comme autour d’elle, semble inébranlable.
Les carnets de Catherine Voyer-Léger, Détails et dédales et Désirs et désordres, tous deux parus chez Hamac, alliaient déjà intime et intellect, réflexion et ressenti. À travers ces livres, on rencontrait une curiosité sans bornes, un besoin de comprendre, de fabriquer du sens ; une sensibilité à fleur de peau aussi. On retrouve tout ça dans Prendre corps, et la plume de celle qui a « choisi l’écriture parce que c’est la forme d’art qui permet le mieux de cacher le corps » s’y révèle encore plus vulnérable, plus fragile que dans les ouvrages précédents. C’est ce qui rend cette écriture si forte, si émouvante, et ce qui fait que la lire touche si profondément.
PRENDRE CORPS
- La Peuplade,
- 2018,
- Chicoutimi
272 pages
23,95 $
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