Comme plusieurs citoyens, j’ai eu écho des terribles souffrances historiques des communautés autochtones grâce à la tenue de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, qui s’est déroulée aux quatre coins du pays et qui a produit un rapport en décembre 2015.
Mais sans assez m’y arrêter. Sans me fixer sur le sort éminemment douloureux de ces autochtones ayant vécu le déracinement culturel, voire la violence psychologique et physique infligée par les Blancs de l’époque, notamment dans des pensionnats.
C’est dire que ce roman de Richard Wagamese (mais est-ce vraiment un roman tant l’histoire semble vraisemblable ?) permet de jeter un éclairage cru, mais souhaitable sur le passé de ces autochtones que nous côtoyons fort peu.
L’histoire est celle de Cheval indien, un Ojibwé du nord de l’Ontario, mis de force dès son jeune âge dans le pensionnat indien St. Jerome. Dès son arrivée, il constate les sévices majeurs que les religieux infligent aux enfants. La missiondu pensionnat est ni plus ni moins que d’effacer tout trait culturel de ces « sauvages » d’Amérique. Le désespoir, menant parfois au suicide, atteint la plupart de ces jeunes : à ce moment le roman apparaît préfigurer des pages lourdes, fort difficiles.
Mais, surprise, Cheval indien, élève studieux, trouve refuge dans le hockey, poussé par le père Leboutilier, qui lui fait adorer Jean Béliveau. Dès l’aube, il enfile ses patins et retrouve la surface glacée, développe ses habiletés et devient rapidement le meilleur joueur de la région. Au début de l’adolescence, il quitte le pensionnat et est accueilli par une jeune famille autochtone qui veut lui donner la chance de mettre à profit dans une ligue régionale son talent manifeste dans notre sport national.
À peine adolescent donc, Cheval indien se retrouve à jouer dans un club d’adultes. Malgré sa petite taille, il est le meilleur joueur de son équipe, et se distingue dans de dures parties contre des clubs blancs motivés à écraser ces Indiens qui ont le culot de pratiquer leur sport favori. Talentueux et rapide, doté d’une belle vision du jeu, Cheval indien se fait repérer par le club-école des Maple Leafs de Toronto, de la Ligue nationale de hockey (LNH).
Malheureusement, alors qu’il est presque aux portes de la LNH, sa vie bascule de nouveau. Car Cheval indien n’arrive pas à faire sa place parmi les Blancs, ceux-ci le ramenant constamment à son origine autochtone et à sa culture, méprisée. Parmi les Blancs, il subit les quolibets, est même agressé : « Je voulais m’élever vers de nouveaux sommets, devenir l’un des plus scintillants élus. Ils ont refusé de me laisser être juste un hockeyeur. Pour eux, je serais toujours un Indien ».
Menant par la suite mille et un boulots,à Winnipeg et dans des villes nordiques, il s’enlise dans une vie misérable de solitaire alcoolique. Il en sortira uniquement grâce à l’aide d’un centre de désintoxication autochtone.
À 33 ans, sobre, il y retrouve son identité, un nouvel enracinement mais, encore passionné de hockey, il entend poursuivre son chemin en enseignant ce sport, qui est devenu une partie de son âme, aux jeunes de sa communauté.
Le regretté Richard Wagamese, mort trop jeune à 61 ans, nous offre ici un grand roman sur le Canada.
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