Trans est le cinquième livre de Marie-Christine Arbour publié aux éditions Triptyque. Le titre pourrait laisser penser que le thème principal du roman est l’histoire d’une personne qui change de sexe. Aussi, l’auteure a-t-elle eu raison de préciser qu’elle a choisi cette préposition latine, qui signifie « à travers », pour raconter la traversée des apparences, au fil du temps et au cours de nombreux voyages, de son personnage prénommé Christine.
Christine est le double littéraire de Marie-Christine Arbour. Elle est née comme l’écrivaine à Montréal en 1966, et le lecteur la suivra de 1970 à 1985, donc de l’âge de quatre ans jusqu’au moment où elle devient adulte. Le livre tient à la fois de l’autofiction et du roman d’apprentissage. Mais les aventures sont si nombreuses et variées que les vingt chapitres pourraient se lire presque comme des nouvelles.
Les cadeaux, que la petite fille reçoit au premier Noël dont elle se souvient, ont une valeur symbolique : la mère lui offre une brosse à cheveux et le père une boussole. Les parents sont toujours présentés avec l’article défini comme les personnages d’une pièce de théâtre. La mère, qui se préoccupe de la beauté de sa fille, admire ses cheveux blonds et est désolée lorsque celle-ci les coupe et les fait teindre en noir. Le père compte sur la boussole pour que l’enfant retrouve son chemin. En Algérie, alors que Christine n’a que quatre ans, ils la laissent dans le stationnement d’un hôtel, après lui avoir expliqué qu’ils veulent faire l’amour. Tandis qu’elle attend sans oser bouger, un homme s’approche d’elle et l’amène dans une hutte où une femme se dévoile devant elle et se met à pleurer. Alors qu’elle a onze ans, le père, professeur, s’éprend d’une de ses élèves et les parents divorcent. « Histoire classique », commente la mère. Christine part alors à Quito avec le père et sa nouvelle épouse Béatrice. Laissée une fois de plus à elle-même, elle rencontrera un jeune prostitué aux lèvres maquillées, qu’elle embrassera. La fascination de l’héroïne pour ces personnes hors norme continue par la suite à se manifester. Perdue sans argent dans Paris, la fille de douze ans est ramenée au Ritz par Marthe, un travesti, qui se transforme sous ses yeux en Jules, en enlevant sa perruque et ses faux seins. À quinze ans, à San Francisco, elle tombe amoureuse de Lesbia, un prostitué transgenre, dont le vrai nom est Thomas, et achète ses faveurs. Et cela se poursuit…
Ce sont évidemment ses propres souvenirs que Marie-Christine Arbour intègre dans ce livre où elle s’analyse avec finesse et ironie pour le plus grand plaisir du lecteur.