Le deuxième recueil de Geneviève Gosselin-G., Avance la nuit, est une traversée. On y entre comme en un sous-bois où les mots sentent la fougère et la mousse et on le franchit sans balises marquées. Du début à la fin, d’une lueur à l’autre, on suit un personnage féminin, elle, en quête de quelque chose dont l’absence constitue le motif central du recueil.
Dès l’exergue de Paul Celan, au début du livre, on pressent qu’il est question d’un vide à apprivoiser, à courtiser. Une présence se manifeste en creux au fil des poèmes, et c’est la nuit qui sert de révélateur et de chambre noire, pour tracer les contours de ce qui apparaît entre autres comme « un trou noir si bruyant », « des nappes de silence » et « un creux au bras d’ombre sans étreinte ».
À travers cette tentative de nommer l’indicible et de saisir ce qui se dérobe, c’est un territoire qui se dévoile à elle. Le « paysage se couche à ses côtés » comme une bête réconfortante et « pose une main sur l’inquiétude de sa nuque ». L’espace ouvert qui était perçu comme un vide devient alors un lieu à habiter, un lieu de rencontre et de fusion avec la terre : « [E]lle moula ses lombes à l’humus le liteau comme sustentation / se fondre au pays interrompu ».
Vient alors un poème où tout bascule, sous la forme d’une question méditative, à la manière de certains fragments d’Héraclite : « [Q]ue trouvera-t-elle hors de ce qui la rattache de plus que ce qui l’éloigne ». Cette question ouvre tout un monde, avec ses ombres et ses éclaircies, un monde à visage d’énigme et de beauté. La réponse se situe peut-être dans les poèmes suivants, où elle se laisse graduellement envahir par ce territoire pour, notamment, « se faire pays se charger du devenir des fossiles » et « se dissoudre dans l’étalement sans mesure ».
En considérant le dernier vers du recueil, emprunté à Miron, on peut comprendre qui est ce il qui accompagne le personnage féminin tout au long du recueil. Lorsqu’il lui dit à l’oreille : « [J]e brillerai plus noire que ta nuit noire », on devine qu’il est peut-être ce pays auquel elle s’unit avant de disparaître et devenir « nœud d’arbre », c’est-à-dire, peut-être, mémoire et survivance, « en l’épicentre où s’agitent les naissances ».
AVANCE LA NUIT
- Le Noroît,
- 2015,
- Montréal
64 pages
18 $
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