Les livres consacrés à Louis XIV se comptent par centaines, sinon par milliers. Celui-ci mérite pourtant une place de choix dans cette surabondance. Par ses sources et sa minutie, mais plus encore par l’équilibre de ses jugements et par le choix de ses perspectives. Plutôt que de multiplier les anecdotes croustillantes et de se disperser en clichés rebattus, Jean-Christian Petitfils examine le long règne de Louis XIV sous l’angle du pouvoir et du pouvoir seulement. Tout en demeurant fidèle aux exigences de ce choix, il dégage avec force trois rôles distincts dans la gouvernance du Roi-Soleil : fédérateur, diviseur, niveleur. Du coup, son Louis XIV évite les dithyrambes et les condamnations monochromes.
Roi à cinq ans, Louis XIV accéda au pouvoir après une régence relativement courte ; l’époque le jugea adulte dès l’adolescence. Devenu monarque, il n’exerça pourtant qu’après plusieurs années sa pleine autorité : il régnait, mais ne gouvernait que sous le regard de Mazarin et par le truchement de quelques grands commis. Années d’apprentissage et de patience, d’observation et de ruminations. Il atteignait à peine la vingtaine quand le décès de ses mentors et sa propre maturation l’incitèrent à secouer toute tutelle. Jusqu’à sa mort, à 77 ans, il fut à la source de toutes les décisions concernant la France.
Fédérateur, Louis XIV le fut « lorsqu’il confort[a] le consensus nobiliaire, [fit] respecter la hiérarchie, punit les manquements à la règle, bref garantit l’ordre ». Diviseur, il le fut autant que César, enclin comme l’empereur romain à diviser pour régner, et donc capable de « maintenir les tensions tout en les régulant ». Niveleur, il le fut, d’après Saint-Simon, au détriment des ducs et des pairs du royaume et au bénéfice des « créatures sorties du néant : les ministres, les maîtresses, les commis… » Longtemps assisté par de grands gestionnaires (Colbert…), par des généraux brillants (Turenne…) et par des stratèges inventifs (Vauban…), Louis XIV s’occupait quand même de tout personnellement. Quand la société devint plus complexe, cette centralisation extrême restreignit l’information : le roi agissait sans tout savoir des situations. Certaines erreurs sont celles du roi, d’autres découlent d’influences peu représentatives du climat social, d’autres encore du jugement parfois injuste de l’Europe sur les intentions réelles de Versailles. « Louis XIV, conclut Petitfils, a tiré le maximum du système existant, sans le renouveler […]. » Jamais il ne déclara « L’État, c’est moi », mais jamais il ne favorisa la transition vers un régime politique minimalement démocratique. Livre étoffé, éclairant, rigoureux, nuancé.
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