Ouvrage de deux auteurs mais rédigé comme d’une seule main, Notre Europe n’est pas un dialogue retranscrit, contrairement au livre Au péril des idées d’Edgar Morin et Tariq Ramadan. Pas moins de 65 idées ou propositions nous sont soumises, avec leurs conséquences, qui dépassent les frontières de l’Europe.
Edgar Morin et Mauro Ceruti proposent entre autres de démocratiser davantage les institutions européennes et de contrer les nationalismes (entendus au sens péjoratif du terme), les localismes et le spectre de la xénophobie. Selon les auteurs, le pouvoir décisionnel de l’Union européenne doit être renforcé : « […] il est urgent que les États nationaux cèdent une partie de leur souveraineté à l’Union » afin que les décisions aillent dans le même sens et non en contradiction. L’affirmation selon laquelle « [l]’Europe culturelle est une et multiple » résulte en fait des imaginaires multiples, des philosophies, des sciences, des mouvements d’idées, des littératures et de diverses formes d’art dont le cinéma. La détérioration de l’environnement est aussi au cœur des préoccupations de Morin et Ceruti ; parmi les solutions proposées se trouvent les énergies renouvelables, dont l’hydroélectricité et l’énergie solaire. Cette énumération des idéaux européens inclut même le multiculturalisme qui valoriserait l’identité multiple de l’Europe du XXIe siècle. Comme l’avait fait l’historien Fernand Braudel auparavant, Morin et Ceruti décrivent la région méditerranéenne comme un lieu de métissages et d’universalismes au passé riche. Cependant, un certain nombre de tensions ternit cette quête d’idéal : les crises économiques, environnementales, sociales, de la connaissance et surtout de civilisation, car non seulement ces crises « sont sous-estimées, perçues de manière inadéquate et déconnectées les unes des autres », mais en outre, « la séparation des disciplines nous rend incapables d’appréhender » la complexité de ces problèmes interreliés.
La cause et l’ultime solution à tous ces problèmes se trouvent à l’université, qui doit se réformer, en raison de cette tendance qui la « conduit à subordonner l’enseignement et la recherche aux demandes économiques, techniques et administratrices de l’heure, à se conformer aux dernières recettes lancées sur le marché, à réduire l’enseignement général et à marginaliser la culture humaniste ».
Les lecteurs des Sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, de Penser l’Europe et de Terre-patrie reconnaîtront ici les fondements de la pensée synthétique et généreuse d’Edgar Morin.