Ne dites pas à ma mère que je suis vivant est un roman de Lyne Richard, poète, romancière, nouvelliste et artiste-peintre de Québec. Ce treizième titre de l’auteure est à mi-chemin entre le recueil de poésie et le roman, et il frôle presque l’essai.
Lyne Richard est l’une de ces écrivaines québécoises qui mettent leurs tripes sur la table. Dans Ne dites pas à ma mère que je suis vivant, elle s’est donnée tout entière pour expliquer l’inexplicable. Sa plume fend l’âme tellement elle s’arme de beauté pour comprendre la laideur. L’amoureuse des mots témoigne de l’intangible douleur vécue par une famille après la découverte dévastatrice d’une relation incestueuse consentante entre le père et la fille. Malaise. Horreur. Thomas et sa mère, tous les deux détruits par ce drame, se retrouvent à la même maison de convalescence, une clinique spéciale qui mise sur la force de la nature et sur les petits bonheurs de la vie.
La toile de fond : les paysages les plus pittoresques du Québec, les décors littoraux des villages du Bas-du-fleuve et de la Gaspésie, ainsi que les marées de l’île d’Orléans qui inondent le vide laissé par l’absence. Des personnages intenses pour qui l’amour est aussi responsable de leur souffrance que de leur renaissance. Un roman, plusieurs formes. Correspondances, confidences essayistiques, narration, dialogues, épigraphes, envolées lyriques… Ce métissage dynamise le roman où plusieurs histoires se croisent, se complètent, s’achèvent. Les émotions s’accumulent, les esprits s’embuent et les cœurs s’attendrissent. Principalement ceux de Thomas, de Béatrice, de Mathilde : trois vies aux douleurs différentes, trois vies qui témoignent d’une résilience. Des rencontres fortuites les sauvent d’une mort certaine.
Ne dites pas à ma mère que je suis vivant est un magnifique roman qui raconte la liberté, l’amour, et surtout, la beauté. Les dialogues perdent un peu de leur vraisemblance à cause de leur intensité poétique, mais il s’en dégage une profondeur qui pardonne tout. Cette poésie ne nuit pas à la qualité de l’intrigue ni au dénouement du récit, au contraire, les surprises s’accumulent et les histoires se complexifient au fil des figures de style.