« La Patente » a existé au milieu du XXe siècle afin de permettre aux Canadiens français de trouver une meilleure place au sein d’institutions de toutes sortes. Relativement peu de recherches avaient été consacrées à « La Patente » depuis la publication de la thèse de doctorat de Georges-Raymond Laliberté, Une société secrète, L’Ordre de Jacques Cartier (Hurtubise), en 1983. Avec un titre très similaire, Denise Robillard explore les actions de « La Patente » dans plusieurs provinces, non seulement au Québec, mais aussi en Ontario et ailleurs au Canada.
« La Patente » naît à la suite d’un concours de circonstances, dont le fameux Règlement 17, loi provinciale de l’Ontario restreignant l’usage du français dans les écoles. Au moment où l’immigration massive du début du XXe siècle bouleverse l’équilibre entre francophones et anglophones partout au Canada, un mouvement populaire émerge afin de promouvoir la langue française et le bilinguisme, en dépit de nombreuses résistances de la part des décideurs, le plus souvent anglophones. C’est le cas dans les ministères fédéraux, à l’ONF, à la radio de la CBC. Même des observateurs aux Antilles, comme l’évêque d’Haïti, déplorait en 1952 que le français soit présenté « comme une langue étrangère » sur les ondes courtes de Radio-Canada. On constate alors qu’il existait au Canada une multitude d’idéologies, supportées par des regroupements plus ou moins clandestins, parfois liés au communisme, au fascisme ou à certaines organisations secrètes, plus ou moins éphémères. Or, il serait trop simple de réduire l’Ordre de Jacques Cartier à l’un de ces mouvements d’idées, il serait plutôt un regroupement de membres provenant de diverses familles idéologiques, parfois contradictoires, comme le signalait Jean-Charles Harvey en 1938, lorsque le secret éclate au grand jour.
Ce livre passionnant permet de bien comprendre la force ‘ et la nécessité ‘ de cet ordre à une époque donnée, et de suivre ses ramifications. De plus, la documentation étonne par sa richesse ; des statistiques d’époque (1931) montrent par exemple le nombre supérieur de francophones comparés aux anglophones dans plusieurs provinces comme le Manitoba et l’Alberta, cela appuyé par des articles bien choisis, accompagné d’extraits de correspondance inédite. Je crois que L’Ordre de Jacques Cartier est l’un des essais historiques les plus importants à être parus au Québec en 2009.