Cet essai fort bien documenté du chercheur français Jean-Claude Kaufmann ressemblerait presque à une sorte de théorie de l’amour, sans avoir la complexité qu’exigerait un tel programme. On y trouve quelques rappels historiques, quelques considérations anthropologiques ou ethnologiques (les rites des peuplades d’autrefois), des constats (perte de repères, fuite des sentiments), des anecdotes et quelques recettes éprouvées pour atteindre le bonheur, la félicité, ou peut-être uniquement l’illusion de l’amour, parfois apparenté à une sorte d’utopie. L’auteur avait déjà fait paraître plusieurs livres, dont une Sociologie des seins nus (Nathan, 1995), à propos de l’usage du monokini sur les plages d’Europe.
Dans L’étrange histoire de l’amour heureux, on s’intéresse au mystère de l’amour, aux sentiments, aux émotions, à la séduction, au romantisme, à l’Éros, à la reproduction et au couple, sujet de prédilection de Jean-Claude Kaufmann. Selon l’auteur, les besoins d’amour et de réconfort seraient de nos jours plus forts que jamais. Un autre concept sert de fil conducteur tout au long de ce livre, l’agapè, « ce sentiment charitable universel, ancré dans l’ordinaire du monde tel qu’il est » ; un sentiment noble certes, mais en ce sens totalement dénué de désir ou de passion.
Les références littéraires abondent dans ce livre d’un sociologue écrit pour des non-sociologues, surtout dans ce portrait-type de la lectrice de romans sentimentaux rêvant d’un amour idéal et idéalisé au fil des siècles, depuis sainte Thérèse d’À;vila, lectrice passionnée (avant sa conversion religieuse) jusqu’à nos jours. Des auteurs plus académiques sont également convoqués : par exemple Auguste Comte, qui aurait en 1874 imaginé une société sans vie sexuelle, à la base d’une nouvelle religion dite « positive ».
En conclusion, Jean-Claude Kaufmann affirme que l’amour ne pourra jamais être au centre du monde dans lequel nous vivons et que le droit et la démocratie sont des principes plus froids mais par ailleurs plus clairs pour fonder les liens qui nous unissent. Mais certains amoureux ne sont-ils pas froidement calculateurs ? Et alors, qu’en est-il de la tendresse, de l’amour, du bonheur ? L’auteur n’a pas l’ambition d’épuiser tous ces sujets trop vastes pour un seul livre, mais il n’a pas non plus la gêne de les aborder d’une manière somme toute vivante et parfois réconfortante.