Un pays à l’aube nous plonge dans une société en pleine déliquescence. Alors que la guerre s’achève sur l’autre continent, une autre s’amorce aux États-Unis : en 1919, la révolte des travailleurs, longtemps contenue, s’organise. Il n’en fallait pas davantage pour que s’intensifie la chasse aux communistes ! Si de réels anarchistes fomentent la sédition et commettent des attentats, d’honnêtes travailleurs n’en subissent pas moins la même répression au nom des valeurs morales douteuses et de la sécurité nationale. Mais cette bataille ne sera pas uniquement celle des syndicalistes, c’est toute la société qui est appelée à changer avec le vent de dissidence qui s’est levé et qui veut tout balayer : inégalités sociales, conformisme, puritanisme, racisme, autorité parentale…
À l’instar de Henning Mankell, Dennis Lehane change de registre. Avec son dernier roman, le Bostonien porte un dur coup aux fans d’Angela Gennaro et de Patrick Kenzie mais ils s’en remettront ! Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Lehane surprend ses lecteurs.
Dès les premières pages d’Un pays à l’aube, on reconnaît la polyvalence de Lehane qui met en scène, ici encore et avec grand talent, des personnages complexes et attachants qui lutteront pour leurs causes avec l’énergie obstinée de ceux qui n’ont plus rien à perdre. L’histoire est centrée sur Danny, policier et fils de policer, qui découvrira sa vraie nature, en rupture avec les valeurs familiales, et Luther, jeune Noir forcé de fuir sa ville après avoir commis l’irréparable. Deux êtres que le destin n’avait pas prévu de réunir mais qui incarneront ici un rêve américain toujours d’actualité.
Tenant à la fois de la saga familiale, du roman de mœurs et de la chronique historique, Un pays à l’aube se fait l’écho des œuvres de Zola, notamment parce qu’il relate l’éveil d’une classe qui en a assez du capitalisme sauvage qui régit le monde du travail. Un seul bémol : on se demande ce que vient faire le légendaire joueur de baseball Babe Ruth dans cette magnifique fresque humaine.