À la toute fin de ce livre, on peut lire la note suivante : « Ces dix textes furent écrits pour aider à traverser un mois de mars particulièrement obscur et enneigé. Il suffisait d’écrire un texte par jour et de regarder la neige tomber. En cette période de l’année nul ne sait lui échapper, ni jusqu’où elle pourra le mener. L’hiver est long par ici ». Avec ce Cahier de neiges, Benoît Chaput, poète et directeur de L’Oie de Cravan, inaugure une toute nouvelle collection : « Le fer & sa rouille ». Numéroté et relié à la main, l’ouvrage surprend d’abord par le charme singulier de sa facture artisanale. À l’intérieur, on trouve dix courtes proses poétiques. Parfois fantaisistes, d’autres fois teintés de mysticisme, ces récits brefs ont en commun d’adopter une posture fortement contemplative. Dès les premières lignes, on montre un homme à sa fenêtre. Il rêve. Qu’imagine-t-on, à quoi songe-t-on, lorsqu’on fouille du regard la neige qui tombe ? On voit apparaître un personnage muni d’un étrange calumet de la paix à deux fourneaux. On visite l’Enfer et on raconte la victoire de la « statue d’un barbu » sur « la bête », laissant « un Noël permanent sur la Terre ». On décrit un épisode farfelu et surréaliste où un cheval perd ses dents. On se rappelle un oiseau mécanique et ses propriétaires. On se souvient de la relation entre un vieillard et une jeune femme attentionnée. On évoque le roman Neige noire d’Hubert Aquin. En outre, comme des flocons de neige éphémères, comme d’insaisissables cristaux fragiles, les textes de ce recueil présentent une nature fine et évanescente. Ceux-ci, écrits dans une langue simple, font preuve d’une force précaire et énigmatique qui séduit par la pureté de leur dépouillement.