Le génie – indéniable – de Robert Lepage peut avoir comme effet que l’on se demande, envieusement, quelle est sa recette secrète. Comment ce créateur arrive-t-il à concevoir le monde de façon à le mettre en évidence de manière aussi magistrale dans ses œuvres ? Pour se définir, Robert Lepage admet volontiers aimer le chaos, mais aussi « l’insécurité, l’incertitude, le manque de structure » ; il ajoute : « J’adore la désorganisation ; c’est là-dedans que je suis le plus heureux ». Réfléchissant à son enfance, il parlera de son admiration pour un père à la fois conteur et chauffeur de taxi – un peu comme un personnage de son film Le Confessionnal. Robert Lepage aura hérité de son talent pour élaborer des histoires à la fois simples et fascinantes.
Au fil de pages passionnantes, le metteur en scène explique généreusement sa méthode de travail, son goût pour les rencontres imprévisibles et les contrastes fertiles, sa capacité inouïe de s’interroger non pas tant sur les gens que sur le sens de leurs objets. Sa création médite sur le devenir, sur les possibilités offertes au spectateur d’interpréter, de comprendre une scène selon diverses perspectives. Certains mots sont privilégiés : « work in progress », « choc des cultures », « organique ». Lepage parle aussi du fait de créer à Québec, avec sa dynamique particulière : « […] tout le monde vit un peu sur un pied d’égalité ». Ailleurs, il explique sa fascination pour le Japon et la Chine en disant que non seulement ces cultures représentent des contrastes avec ce que nous sommes, mais qu’elles servent également de révélateurs de notre monde occidental. La dimension financière de ses productions théâtrales est aussi abordée, tout comme l’aspect critique, voire autocritique. Conscient du fait qu’il est considéré comme un artiste talentueux et exceptionnel, l’artiste avoue se remettre en question même après les succès et les reconnaissances ; il se considère comme étant son critique le plus exigeant. Suivre la conversation d’un créateur aussi accompli est toujours intéressant ; tel un poète, il est celui qui inspire, au détour des mots.
On n’indique nulle part la date de cet entretien, que l’on peut d’ailleurs trouver sur DVD, mais au passage le metteur en scène évoque de lointains projets d’opéras qui auront lieu en 2008. On comprend aujourd’hui qu’il s’agissait des opéras Le château de Barbe-Bleue et Erwartung, qui furent deux grands succès pour l’Opéra de Québec, en octobre 2008.