L’escalier et autres amours de secours, premier recueil de nouvelles de Martin Vézina, regroupe sept textes qui présentent tout à la fois d’indéniables qualités et des faiblesses qui résultent d’une intention littéraire par moments trop appuyée. Résultat : on est tour à tour charmé et agacé à la lecture de ces nouvelles.
Martin Vézina a le sens de la narration, cela est indéniable. Sa fréquentation des auteurs dont les noms parsèment le recueil n’y est sans doute pas étrangère et il ne cherche pas à masquer les influences qui ont jusqu’ici marqué son parcours de lecteur et d’écrivain. Les personnages qu’il met en scène sont pratiquement tous habités par le même doute existentiel et poursuivent, chacun à leur façon, la quête de soi. Cette quête se décline ici sur le mode de l’interrogation et fait écho à la formation philosophique de l’auteur : que signifie aimer ? quel sens doit-on donner à la mort ? à notre vie ? l’innocence perdue de l’enfance peut-elle être recouvrée dans la vie adulte ? et si oui, à quel prix ?
L’amour et la mort servent tour à tour de révélateur dans ces nouvelles pour tenter de donner un sens aux grandes questions qui nous habitent. Ce besoin omniprésent dans les textes d’expliquer les motivations des personnages prend toutefois trop de place au détriment de l’inquiétude, du désarroi, voire de l’angoisse ressentis par les personnages. L’auteur ne fait pas suffisamment confiance à son lecteur, ce qui l’amène trop souvent à multiplier les démonstrations au lieu de laisser ses personnages vivre leur mal-être. La nouvelle n’a pas à expliquer.
Ce penchant à verser dans une approche par moments trop explicative, l’auteur en est conscient : « Sans doute avait-il trop lu de livres de philosophie, accordé trop d’importance aux réflexions intellectuelles », confie le narrateur de la nouvelle « Les Paradis communicants », dont le personnage recherche une bonne idée de nouvelle. Dans ce texte, qui met en scène un personnage aux traits fortement autobiographiques, comme dans bien d’autres si on juge par ce qui est dit sur le rabat de la quatrième de couverture, l’auteur cherche à expliquer l’amour par le jeu de vases communicants qui reproduisent des scènes de l’enfance, du début de l’âge adulte, des premières amours, mais les explications pèsent ici trop fortement sur le texte et finissent par avoir l’effet inverse à celui recherché.
« Le sous-sol n’est jamais fini » est à mes yeux l’un des meilleurs textes du recueil, le plus dépouillé d’explications. Dans ce texte, comme dans les autres nouvelles, Martin Vézina met en scène un couple qui en est aux prémices d’une relation amoureuse. L’inconfort de la situation repose ici sur les éléments de mise en scène qui suggèrent le trouble des personnages, le désarroi qui prend dans ce texte des couleurs plus fantastiques. Le texte se défend par lui-même et la magie opère dès l’attaque de la nouvelle : « C’est toujours angoissant d’accueillir quelqu’un chez soi pour la première fois, surtout si c’est une femme que l’on souhaite séduire. »
Comme bien des premiers recueils, L’escalier et autres amours de secours séduit par l’approche, le talent et l’univers d’un auteur qu’on découvre ; il met également en lumière les aspects qui mériteraient d’être affinés : les textes gagneraient à être resserrés, l’utilisation des qualificatifs, souvent abusive, et celle des métaphores alourdissent le texte. Ce travail, qui relève en grande partie de l’éditeur, permettra assurément à Martin Vézina de poursuivre une œuvre qui méritera qu’on lui porte attention.