Le spectacle collectif « L’Osstidcho » fut d’abord présenté au Théâtre de Quat’Sous de Montréal du 28 mai au 20 juin 1968. On retrouvait sur scène Robert Charlebois, Mouffe, Yvon Deschamps, Louise Forestier, avec la collaboration du pianiste et organiste Jacques Perron et du Quatuor du Nouveau Jazz libre du Québec. Très peu d’archives liées à cet événement ont été conservées, ce qui ajoute à son caractère presque mythique.
Quarante ans plus tard, ce livre passionnant de Bruno Roy raconte le spectacle et son contexte, afin d’en souligner l’originalité et le caractère révolutionnaire. Comme l’indique fort justement Jean-Marc Desgent dans sa préface, l’intérêt de cet événement inclassable laissant place à l’improvisation ne résidait pas tant dans la cohésion, la technique, la précision, le fini, mais davantage dans sa spontanéité et son caractère irrévérencieux : « […] il faut bien le dire (surtout quand on regarde ça avec le recul), ce n’était pas un ‘grand’ spectacle », mais, poursuit le préfacier, c’était « un blasphème ». Une chanson de Charlebois et de Claude Péloquin, intitulée « Lindberg », en constitue le pivot ; elle deviendra dès la fin de 1968 le succès de l’année, un jalon au Québec et en France. Par ailleurs, c’est à cette occasion qu’Yvon Deschamps présentait au public ses premiers monologues, créant son personnage scénique d’ouvrier surexploité par son « boss », et façonnait son propre style avec des textes devant bientôt figurer sur son premier disque (en 1969) : « Les unions, qu’ossa donne ? », « Pépère », « La Saint-Jean-Baptiste », et déjà, son monologue sur « La violence », qui ne sera enregistré que dix ans plus tard. Le journaliste Jean-V. Dufresne décrivait alors le style de Deschamps comme étant « un chef-d’œuvre d’humour meurtrier ».
L’ouvrage retrace l’évolution de ce spectacle dans ses trois moutures, la tournée qui a suivi, et précise les chansons qui ne faisaient pas partie des premières représentations, mais qui ont été ajoutées dans la version « King Size », comme « Te v’là », « Egg Generation », « Engagement », « Tout écartillé ». Des annexes contiennent une chronologie, une précieuse liste des chansons et monologues ; mais il resterait encore à spécifier dans quelles versions du spectacle celles-ci sont apparues. Quelques imprécisions subsistent ; ainsi, l’auteur du livre La conquête des esprits (1982) se prénomme bien Yves Eudes (et non Jean Eudes). Néanmoins, avec brio, ce livre de Bruno Roy déborde largement son sujet initial pour nous offrir un panorama riche de la chanson québécoise.