Être le fils unique de l’icône Susan Sontag, écrivaine et essayiste, était déjà une mission difficile. Est-ce pour mieux combattre ses ultimes démons que David Rieff a voulu raconter l’inéluctable mort de sa mère ? L’ambiguïté du sous-titre anglais – A Son’s Memoir – évoque autant le souvenir ému qu’a un fils des derniers moments de sa mère qu’une thèse universitaire de ce même fils sur le sentiment d’impuissance de qui accompagne un mourant. Les émotions à fleur de peau s’entremêlent à la froide analyse.
Regrets et remords. « Je ne suis que trop conscient de ce que la culpabilité a d’inévitable, chez qui examine ce qu’il a fait ou non pour un disparu qui lui est cher. » Le questionnement philosophique de Rieff nous atteint en plein cœur, car nous avons tous été et nous serons tous confrontés à ce dilemme. L’écrivain pose clairement le problème et ne se permet jamais d’y répondre. « Ai-je fait ce qu’il fallait ? Aurais-je dû faire plus ? Proposer une alternative ? Être plus présent ? »
Bien que Susan Sontag était âgée d’à peine 71 ans, elle était atteinte de cancer pour la troisième fois. Et elle en refusait l’impensable et odieux verdict. Doit-on révéler à la personne aimée – et comment ? – qu’elle est en phase terminale ? Dire ou ne pas dire intervenir ou laisser aller.
L’auteur glisse rapidement et avec efficacité sur le bizarre comportement qu’il réprouve par ailleurs de la photographe Leibovitz, grande amie de sa mère. « S’il existait un dieu bienveillant […], ma mère serait morte d’une attaque cardiaque massive. […] Elle aurait échappé à l’humiliation posthume de se voir ‘commémorée’ dans les images de carnaval des morts célèbres prises par Annie Leibovitz. »
David Rieff nous livre généreusement ses angoisses et ses incertitudes. Il partage son désarroi en faisant appel à des auteurs que sa mère aimait, les John Berger, Czeslaw Milosz, Émile Cioran ou Simone de Beauvoir, près de qui Susan Sontag est enterrée à Paris, au cimetière Montparnasse.