Quel drôle de petit roman, déconcertant d’originalité, enrageant parfois dans ses libertés par rapport à la langue française (celle de ses personnages plutôt), que ce nouvel opus de l’auteur d’Iphigénie en Haute-Ville. Poids plume au sens premier, au sens concret (moins de 200 pages), mais lourd de critique sociale, de dérision. Un livre truffé de clins d’œil lapidaires, d’insolence et de pertinence. Pas reposant, au bon sens du terme.
L’histoire, divisée en 64 mini-chapitres (ou faut-il parler de tableaux ?), est abordée de front, au je, au tu souvent. Car le lecteur, qui se fait prendre à témoin et souvent à partie, et auquel on ne fait pas de cadeaux, se retrouve le nez collé sur la réalité minable et drolatique de Mitia et d’Arsène. Mitia étant paradoxalement le garçon, Arsène, la fille. Deux clampins avec une mentalité d’assistés chroniques, pas méchants mais complètement dysfonctionnels. Cet étrange couple de parasites passe son temps à profiter du système, à boire comme des trous, à vomir ses commentaires blasés sur le système, la politique, la société, les autres. À chercher à comprendre ce qu’il ressent, maladroitement, entre deux jeux de mots, un larcin et quelques haut-le-cœur.
Arsène et Mitia, ayant épuisé les plaisir de la Basse-Ville de Québec et floué au passage leur propriétaire, décident de changer de vie et de se refaire une virginité à la campagne. « Ceci sera le journal de bord de notre ermitage, la chronique de nos premiers pas hors du monde. De nos premiers pas seulement (après ça on verra), sinon on n’en finirait pas et cela risquerait de devenir redondant, car elle est définitive, notre retraite.»
Drôle de retour aux sources bien arrosé, ponctué de séances de jeux vidéos, de découvertes dans la vieille maison, de mille réflexions sur la vie, de coups pendables, d’explorations des berges du lac avoisinant et des bars du voisinage, de parties de cache-cache avec un mystérieux voisin (ou est-ce une voisine ?)… et de rencontres avec un fantôme !
De son écriture souple, acrobatique souvent, mêlant le parler le plus familier à des références recherchées dans plusieurs domaines, François Blais nous fait comprendre le vide existentiel de nos deux antihéros et leur misère morale. Ainsi que leur totale lucidité, aussi déconcertante que cet ouvrage lui-même.