Dans le Chinatown de Vancouver, pendant que la Seconde Guerre mondiale met l’Europe, l’Afrique du Nord et l’Extrême-Orient à feu et à sang, une famille tente, tant bien que mal, de survivre à cette période trouble dont les répercussions prennent différents aspects. Le père écrit des articles pour le journal chinois local afin d’arrondir des fins de mois de plus en plus difficiles, commente l’actualité avec véhémence et refuse que son aîné s’engage dans l’armée de ce Canada qui ne reconnaît pas les habitants du quartier comme des citoyens à part entière. La grand-mère régente tout le monde et exige, sous prétexte de se moderniser par rapport aux traditions millénaires du milieu d’origine, que tous les enfants de la maison, même les siens propres, appellent « belle-mère » la deuxième femme de son fils devenu veuf après son premier mariage. Jung-Sum se réfugie dans sa passion pour la boxe et découvre des sensations équivoques auprès d’un jeune malfrat du quartier. Tandis que, de l’autre côté du Pacifique, l’invasion japonaise complexifie encore davantage la situation politique et économique de cet empire du Milieu où tous les vieux Chinois débarqués au Canada des décennies plus tôt dans l’espoir de faire fortune souhaitent un jour qu’on enterre leurs os, les communautés chinoise et japonaise de Vancouver se déclarent elles aussi la guerre. Au grand désespoir de Meiying et de son amoureux Kazuo.
Chronique à la fois réaliste et poétique, parfois tragique, souvent amusante, La pivoine de jade a valu à son auteur une reconnaissance immédiate au Canada anglais. Figurant plus de six mois sur la liste des best-sellers du Globe and Mail, ce premier roman du Sino-Canadien Wayson Choy, fort bien traduit par Hélène Rioux, a obtenu le prix Trillium, ex-æquo avec Margaret Atwood, et le City of Vancouver Book Award.
Ce réel bonheur de lecture repose sans doute beaucoup sur le choix qu’a fait l’auteur de raconter les difficultés d’adaptation de ces nouveaux Canadiens à travers les voix de trois des enfants de la famille. Et c’est avec regret que l’on quitte Jook-Liang, Jung-Sum, Sek-Lung et toute la ribambelle d’exquis personnages qui naviguent entre deux cultures, entre deux mondes séparés par un océan.