Pierre Assouline est bien connu comme prolifique écrivain et journaliste français. Il est au premier chef auteur d’une dizaine d’ouvrages biographiques, dans lesquels il se penche avec une passion constante sur la nature profonde de l’homme. Avec Rosebud, Éclats de biographies, intrigant petit recueil de 200 pages, Pierre Assouline poursuit tout naturellement cette quête de l’homme et de son secret, mais à un niveau micro, pourrait-on écrire, en s’interrogeant sur les petits objets, les empreintes, les petits gestes qui nous sont propres ; que nous laissons derrière nous et qui trahissent notre être fondamental.
D’où le titre Rosebud, « bouton de rose » en anglais, une allusion au grand film Citizen Kane, où une luge d’enfant occupe une place centrale dans la mythologie personnelle d’un homme puissant et seul, qui s’enfonce dans les réminiscences de l’enfance, à la veille de la mort. Assouline écrit d’ailleurs que c’est Citizen Kane qui a fait de lui le biographe qu’il est devenu, et il explique ainsi sa démarche pour le présent livre : « Plus de trente ans que je cherche ce rosebud en chacun. Ce petit rien qui nous trahit en nous révélant aux autres ». Et plus loin : « Un livre, un film ou un tableau, juste un regard parfois de l’autre côté de la table, ou même un sourire entre deux stations de métro, le battement d’ailes d’un papillon un soir d’été peuvent engager une vie ».
C’est ainsi que l’ouvrage nous convie à une quête de ces détails qui font l’être, à travers huit chapitres, huit personnalités. On parlera par exemple du mystérieux foulard noué au cou du préfet et résistant français Jean Moulin, pour apprendre que derrière l’élégance se cache une blessure profonde et un drame que le mythe bâti par l’histoire gardera cachés. Drame, souffrance aussi, tout aussi savamment enfouie que celle de Rudyard Kipling, non pas l’écrivain, mais le père endeuillé. La plume sensible, érudite d’Assouline lève un peu le voile qui entoure les Henri Cartier-Bresson, Paul Celan, Picasso, Lady Diana Spencer, Pierre Bonnard. Avec toujours, en filigrane, une foule d’anecdotes et de précisions sur les contextes de l’époque correspondant au sujet choisi.